La ville de Yutz et le consistoire israélite de la Moselle dévoileront le 29 novembre prochain une plaque commémorative en souvenir d’un ancien cimetière juif supposé datant de la Guerre de Trente ans.
Henry Schumann est un enquêteur. Pourtant, il ne traque aucun malfaiteur : son domaine de compétence, c’est la mémoire.
Ce chercheur, auteur de plusieurs ouvrages sur la mémoire des communautés juives de Moselle, de Meurthe-et-Moselle, de Meuse, des Vosges ou encore de Champagne-Ardenne a ainsi réalisé au fil des ans un inventaire presque exhaustif du patrimoine juif mosellan à la faveur duquel il a notamment recensé une centaine de sites d’anciens cimetières ou d’anciennes synagogues dans notre département.
L’affaire yussoise commence en 2013, lorsqu’un habitant de la localité lui adresse un courriel qui retient son attention : « Mon correspondant faisait état d’un ancien cimetière juif supposé et joignait une photo du site évoqué. » C’est cette image qui fait immédiatement sens dans l’esprit d’Henry Schumann : « La disposition de l’endroit, entouré d’arbres, comme isolé de toutes les cultures autours m’a de suite interpellé », confirme-t-il.
Quelques semaines plus tard, en janvier 2014, il se rend sur place avec Raymond Lefort, Claude Thuillier et Lucien Cau, des Yussois. Et ses impressions sont confirmées : « Ce jour-là, j’ai constaté qu’il y avait un chemin pour accéder jusqu’à la parcelle, qui est toute petite. Une voie étroite mais suffisante pour que des hommes transportant un cercueil l’empruntent. »
Témoignages
Commence alors une enquête auprès du cadastre d’abord puis des archives départementales pour retracer l’histoire de cette parcelle. Aujourd’hui cadastrée commune de Yutz, section 26, n°13 et d’une surface de 0,67 are, celle-ci a toujours, au fil des siècles et à une courte période près, appartenu au domaine public alors que l’ensemble des parcelles environnantes sont privées. Un indice de plus et de poids pour Henry Schumann, habitué à traquer dans les moindres détails les indices qui permettent d’établir la vocation, même ancienne, d’un site.
« Je me suis fait épauler par un ancien directeur des archives départementales de la Moselle qui a mis la main sur des documents montrant que cette parcelle était désignée au XVIIIe siècle par exemple “terre sur le cimetière des juifs”. Et puis nous avons recueilli plusieurs témoignages de Yussois, âgés de 60 à 70 ans, qui se souvenaient encore avoir joué à cet endroit, entre les pierres tombales, dans les années 50. », explique encore Henry Schumann.
400 ans
Aujourd’hui malheureusement, plus aucune trace n’est visible en surface. Le faisceau de présomptions est néanmoins « largement suffisant pour pouvoir affirmer qu’il y avait là un cimetière juif supposé, remontant à la Guerre de Trente ans (1618-1648, NDLR) d’après les documents que nous avons réunis. »
Une redécouverte assez « extraordinaire », souligne le spécialiste, tant par la façon, finalement assez fortuite, dont elle a été rendue possible que du fait de la faible probabilité pour qu’un tel lieu existe à cet endroit. En effet, « aussi près de Thionville, il n’y avait a priori aucune raison pour qu’il existe un cimetière juif. » Le “pourquoi” de cette implantation reste donc, quant à lui, à établir.
En attendant, le maire de Yutz et le président du Consistoire israélite de la Moselle apposeront, le 29 novembre prochain, une plaque au lieu-dit Jude Kirchhoff. Pour que l’on ne l’oublie plus.