Le ministre de l’intérieur Christophe Castaner ou les journaux de gauche comme Libération peuvent bien faire la sourde oreille. Le programme de l’Union des démocrates musulmans français (UDMF) demeure très problématique.
Les élections municipales approchant à pas de géant, des micro-partis éclosent en France avec des ambitions communautaristes. C’est ainsi que le 1er décembre, la bien nommée Union des démocrates musulmans français (UDMF) a lancé sa campagne municipale à Clichy. Ne nous attardons pas sur le paradoxe indémêlable d’un parti qui revendique son islamité et qui se veut pourtant laïc. Il a beau s’en défendre, l’UDMF est un parti communautaire.
L’UDMF a recueilli modestement 29 000 voix aux européennes de mai 2019 et compte 800 adhérents. Néanmoins, face à la lente progression de ces partis, Xavier Bertrand et Bruno Retailleau ont mené campagne pour lutter contre leur développement et déposé une loi au Sénat, déclenchant une série de réactions symptomatique du terreau d’innocence sur lequel le communautarisme peut pousser.
Voir ce que l’on voit
Libération publie le 21 octobre un article intitulé : « L’UDMF, le parti musulman qui dérange la droite », confondant la droite avec les républicains de tout bord. A-t-il échappé à Libération que l’UDMF se revendiquait « anticolonialiste et antisioniste » (1), une affiche qu’il est étrange de tenir dans une France qui, à ma connaissance, ne possède plus de colonies, et qui s’illustre par ailleurs bien peu en faveur d’Israël ? A Libération, ne s’interroge-t-on vraiment pas quand il est constaté que la promotion de la finance islamique ou l’enseignement de l’arabe à l’école font partie des points centraux d’un programme politique? Seulement voilà: l’UDMF sait parler à Libération, dans la langue des droits de l’homme, de la grande lutte contre “l’islamophobie” européenne, de la sempiternelle comparaison avec « les heures les plus sombres » de notre histoire.
Politiquement, le déni a culminé le 7 octobre, dans la déclaration de Christophe Castaner selon laquelle « il n’existe pas de liste communautaire puisque personne ne se revendique ainsi. » Comme il n’existe bien entendu pas de gens idiots, puisque personne ne se revendique ainsi!
La victimisation et l’antisionisme comme programme?
« Il faut toujours dire ce que l’on voit : surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit » : cette injonction de Péguy est celle que certains commentateurs devraient relire chaque soir avant de s’endormir. Voyons voir, alors, ce qu’il y a à voir.
L’UDMF, créé en 2012, connait un succès modéré mais tout de même prometteur : il a fait 5% à Mayotte aux élections législatives de 2017, a atteint 7,43% à Garges-lès-Gonesse aux européennes de 2019 et a même recueilli 30% des voix dans un bureau de vote à Maubeuge. Sa taille ne change rien au raisonnement : prétendant « désislamiser les débats »(2), le parti musulman finit en réalité par séduire dans les territoires où l’on rassemble mieux sous la communauté de l’oumma que sous la bannière nationale.
Leur programme ne manque pas de perches communautaires : enseignement de l’arabe à l’école, sous prétexte qu’elle est la 3eme langue la plus parlée au monde, abrogation de la circulaire Châtel de 2012 sur les signes religieux ostentatoires lors des sorties scolaires, et favorisation de la finance islamique, hypocritement rebaptisée « finance alternative ». Ces mesures ne vont pas sans la rhétorique victimaire habituelle, l’appel à « l’exemplarité de la police » (l’UDMF l’estime donc non-exemplaire?), et des procès en racisme qui drapent en réalité la mise en cause de la laïcité.
Lire la suite sur Causeur.fr
Michel Sadoun
a peste ou le choléra ? C’est un peu le choix qui s’offrait aux Britanniques opposés au Brexit lors du vote pour les législatives du 12 décembre dernier. Impossible de finasser avec un scrutin à un tour, il fallait voter utile. Mais entre un Corbyn sur une ligne archéo-socialiste et démagogique, nageant dans les eaux troubles de l’antisémitisme, et un Boris Johnson déterminé à mener le Brexit jusqu’à bout, en trouvant un accord avec l’Union européenne, avait-on vraiment le choix ?
On peut déplorer la victoire éclatante des conservateurs lorsqu’on est attaché à l’Europe et qu’on regrette le Brexit. On ne peut que se réjouir de l’échec cuisant de Jeremy Corbyn lorsqu’on est attaché à l’Europe démocratique. La Grande-Bretagne, qui incarna l’honneur de l’Europe dans la bataille contre le nazisme, gouvernée par un antisémite ? Un scénario glaçant qui heureusement ne s’est pas réalisé.
« Ukases arrogantes des communautaristes du CRIF »
Commentant sur son blog la défaite de Jeremy Corbyn, son compagnon de lutte, Jean-Luc Mélenchon, commence par une analyse politique qui ne manque pas d’intérêt. À l’inverse de ceux qui pensent que c’est le radicalisme de Jeremy Corbyn qui l’a mené à la défaite, le patron de la France insoumise estime au contraire que c’est parce qu’il n’a pas osé être l’homme d’un véritable Brexit de gauche qu’il a perdu. Le flou, les tentatives de rapprochement et de synthèse avec la gauche modérée du parti, les ambivalences de son discours : tout cela a désarçonné le vote populaire qui a préféré (en partie) se rallier au Brexit clair et net de Boris Johnson.
Et puis brusquement, Mélenchon commet la faute : « Corbyn a dû subir sans secours la grossière accusation d’antisémitisme à travers le grand rabbin d’Angleterre et les divers réseaux d’influence du Likoud (parti d’extrême droite de Netanyahou en Israël). Au lieu de riposter, il a passé son temps à s’excuser et à donner des gages. Dans les deux cas il a affiché une faiblesse qui a inquiété les secteurs populaires ». Et pour finir la grandiose estocade : « Retraite à point, Europe allemande et néolibérale, capitalisme vert, génuflexion devant les ukases arrogantes des communautaristes du CRIF : c’est non. Et non c’est non. »
Le CRIF ? Le Conseil Représentatif des Institutions juives de France ? Le CRIF, ennemi du peuple français comme le grand rabbin d’Angleterre et les réseaux du Likoud sont les ennemis du peuple anglais ? Le CRIF, responsable du malheur du peuple au même titre que les institutions européennes ? Que l’Allemagne honnie ? Le CRIF, allié du capitalisme et de l’ultralibéralisme ?
Les démons antisémites de la gauche anticapitaliste
Il ne manque plus qu’un montage photo avec la banque Rothschild, les sacs de dollars et le drapeau israélien ; mais cela a déjà été fait en 2017 par Gérard Filoche, qui avait posté sur son compte Twitter un consternant visuel accusant Emmanuel Macron de collusion avec le capital. (Tweet qu’il avait retiré face au tollé provoqué.)
Les démons antisémites de la gauche anticapitaliste (celle de Guesde, de Proudhon et même de Jaurès) ont décidément du mal à mourir. Jean-Luc Mélenchon vient d’y ajouter sa pierre. Car contrairement à ce qu’affirme le leader de la France insoumise, Jeremy Corbyn n’a pas dû « subir » une grossière accusation d’antisémitisme « à travers le grand rabbin d’Angleterre ». Jeremy Corbyn a un lourd passif de déclarations antisémites et de proximité avec des antisémites et des négationnistes notoires.
« La dérive antisémite du parti travailliste n’est pas un fantasme : sa haine d’Israël et son obsession pro-palestinienne ont conduit aux extrêmes. »
La dérive antisémite du parti travailliste n’est pas un fantasme : sa haine d’Israël et son obsession pro-palestinienne ont conduit aux extrêmes. Des militants juifs ont été chassés du parti, soupçonnés de sionisme. Luciana Berger, dont le grand-oncle fut le ministre travailliste de la nationalisation du charbon, a quitté le parti.
Tout comme Louise Ellman, connue pour son combat de défense de l’hôpital public de Liverpool, qui démissionna après 55 ans de militantisme, ne supportant plus d’être la cible des militants pro-palestiniens à l’intérieur du parti. Meurtris par les commentaires antisémites virulents postés sur Facebook par les militants et sympathisants du Labour, de nombreux juifs ont quitté le Labour, devenu pour eux « institutionnellement antisémite ».
Le Labour de Corbyn s’est compromis dans l’antisémitisme
Jeremy Corbyn et sa grande bienveillance pour le Hamas et le Hezbollah. Jeremy Corbyn déposant une gerbe de fleurs sur la tombe des terroristes du groupe Septembre Noir, responsables de la mort de 11 athlètes israéliens aux Jeux olympiques de Munich en 1972.
Jeremy Corbyn qui déclarait en 2013 : « Les sionistes britanniques ont clairement deux problèmes. Premièrement, ils ne veulent pas étudier l’histoire et deuxièmement, bien qu’ayant vécu dans ce pays depuis très longtemps, probablement toute leur vie, ils ne comprennent pas non plus l’ironie anglaise. » Comprendre : ce pays qui n’est pas le leur, cette culture qui n’est pas la leur, puisqu’ils sont juifs.
« Jean-Luc Mélenchon a brûlé ses derniers vaisseaux républicains. Il a basculé dans le clientélisme de bas étage. »
Tout cela n’a rien à voir avec une « grossière » campagne d’intimidation du grand rabbin d’Angleterre. Tout cela constitue une faute morale du Labour qui s’est compromis dans l’antisémitisme depuis que Corbyn en a pris la tête. Le nier est de l’aveuglement idéologique. Dénoncer le lobby juif représenté par le CRIF, allié de la finance et ennemi du peuple, c’est exactement se mettre au même niveau que Corbyn.
Qu’espère Jean-Luc Mélenchon ? Sauver son parti en se ralliant à la bannière de l’antisionisme dont on sait qu’il représente une permission d’être « démocratiquement antisémite » selon la formule utilisée en 1978 par le philosophe Vladimir Jankélévitch : « L’antisionisme est la trouvaille miraculeuse, l’aubaine providentielle qui réconcilie la gauche anti-impérialiste et la droite antisémite ; (il) donne la permission d’être démocratiquement antisémite. »
Il fut un temps où la radicalité de la France insoumise, son lyrisme révolutionnaire, sa passion robespierriste n’empêchaient pas de nous imaginer, sur quelques points essentiels comme la laïcité, l’égalité hommes-femmes, le combat contre le racisme et l’antisémitisme, dans une même famille républicaine. La défense par Jean-Luc Mélenchon de la République, de la nation, des valeurs humanistes de la France était, pensait-on, sincère. Cette époque est révolue. Jean-Luc Mélenchon a perdu tous ses repères.
La France insoumise préfère le déshonneur à ses valeurs pour éviter l’échec. Elle aura les deux.
Il a brûlé ses derniers vaisseaux républicains. Il a basculé dans le clientélisme de bas étage. Il s’est définitivement rallié à l’aile la plus anti-républicaine de son parti. Celle de l’islamo-gauchisme clientéliste qui espère rallier les voix des musulmans en plébiscitant la lutte contre l’« islamophobie », alors que ce terme est une génuflexion de la gauche envers la religion et non pas un engagement contre le racisme.
Celle qui pointe le « lobby juif et sioniste » de façon infamante en espérant caresser dans le sens du poil ceux qui, dans les quartiers, sont les familiers de ces thèses antisémites. Celle du courant dé colonialiste « racisé », acquis aux thèses indigénistes, découpant la France en communautés. Celle du courant qui n’hésite pas à creuser les haines identitaires, à pêcher sur les terres du Rassemblement national, à renier l’universalisme dont la France des Lumières et la gauche humaniste sont issues.
La France insoumise espère-t-elle ainsi freiner la dégringolade qu’elle subit aux élections depuis deux ans ? C’est un calcul perdant. Elle préfère le déshonneur à ses valeurs pour éviter l’échec. Elle aura les deux.