Redonner la vue à ceux qui l’avaient perdue, ou pire, jamais connue. Telle est la mission de l’ASI par le biais de son Opération Lunettes
Tal Cohen
Le mois dernier, l’ASI a organisé une nouvelle Opération Lunettes en Israël – la 26ème édition. Et comme à chaque fois, c’est une centaine d’ophtalmologistes, optométristes, opticiens français, qui sont venus, à leurs frais, passer trois jours en Israël pour du bénévolat intensif. Au programme : dépistage systématique de la vue et fabrication de lunettes en un temps record. « Cela s’effectue dans des villes dites de développement, à la demande de la mairie, qui s’engage alors à faire venir la population inscrite auprès de ses services sociaux », explique Gil Taieb, à la tête de l’ASI. Bien souvent des familles nécessiteuses, personnes âgées, rescapés de la Shoah, ou autres soldats isolés.
Cette année, c’est Lod qui a bénéficié de l’opération, une ville située à 15 minutes de Tel-Aviv mais considérée comme faisant partie de la périphérie. Une cité en grande détresse sociale dont la pauvreté a particulièrement surpris les organisateurs. Gil Taieb tient toutefois à saluer son jeune maire, “très dynamique et pétri d’ambition pour sa ville”, mais “bien souvent, quand une cité est soumise à une précarité profonde, l’évaluation de l’acuité visuelle auprès des enfants ne se fait pas”, déplore celui qui est aussi vice-président du FSJU et membre du Conseil du Consistoire Paris Ile-de-France : “il n’y a pas de dépistage systématique dans les écoles et c’est un vrai problème pour un pays aussi moderne et médicalisé qu’Israël”.
C’était vrai pour la petite Liam qui a particulièrement émue Emmanuelle Adda, bénévole depuis toujours à l’ASI. “A 7 ans, elle n’avait jamais vu au-delà d’un mètre. Incapable de voir le tableau, elle était en échec scolaire, ne savait pas lire, sa mère était démunie”. Un brouillard total qui mettait même la fillette en danger dans la rue. “Et nous avons reçu bien d’autres cas comme elle !”
A l’autre bout du spectre de l’espérance de vie, les anciens ont eux aussi afflué en nombre, souvent victimes de problèmes de cataractes, généralement incapables de s’offrir une paire de lunettes. Mais également des soldats isolés et une population éthiopienne, totalement étrangère au dépistage, que ce soit chez l’enfant ou l’adulte.
4 700 paires de lunettes en 3 jours
La scène : bien souvent un gymnase mis à disposition par la municipalité. Cette année, un auditorium. “Il faut voir comment cela se passe”, explique Emmanuelle Adda, “1 000 personnes à l’intérieur et 500 autres qui font la queue à l’extérieur, encadrées par du personnel de sécurité dépêché par la mairie. Chacun reçoit un numéro et se présente devant une ligne de machines de dépistage. Puis un ophtalmologue vérifie les numéros et prescrit une ordonnance qui part au laboratoire.” Pendant ce temps, aidé par des bénévoles, le patient choisit une monture neuve offerte par des fabricants donateurs. Les verres sont gracieusement fournis par la société Essilor. “C’est important qu’ils puissent trouver une monture qui leur plaît et leur convient”, note Emmanuelle Adda. La paire de lunettes sera généralement remise sur place, ou dans les jours qui suivent, par les services sociaux de la mairie pour des verres plus compliqués à fabriquer.
Une prouesse saluée par la nouvelle ambassadrice, Hélène Le Gal qui a tenu à visiter le laboratoire où se fabriquent les verres et se montent les lunettes. “Nous avons acheté tout l’appareillage nécessaire il y a quelques années et nous renouvelons les machines systématiquement, pour être toujours à la pointe de la modernité”, souligne Gil Taieb. “Pendant 3 jours, les médecins bénévoles travaillent 14 heures par jour, que ce soit au dépistage ou à la fabrication, le nez sur leur machine”, précise Emmanuelle Adda, “Gil Taieb, venu cette année avec la cheville dans le plâtre, en tête”.
La réussite de l’opération tient de la bonne coopération entre les équipes de l’ASI en Israël, en contact avec la mairie, qui gèrent la logistique de l’installation et préparent tout pour l’arrivée des bénévoles de l’ASI France.
Cette année, 4 700 paires de lunettes ont été fabriquées en 3 jours. Un don estimé par Gil Taieb à 1 million de dollars. Rien d’étonnant à ce que les services de l’ambassade de France considèrent l’Opération Lunettes comme “la plus grande action sociale et humanitaire française dans la région”.