Depuis deux mille ans et la destruction du Temple, la tradition met en avant les fameuses trois semaines : trois semaines, en été, durant lesquelles nous portons le deuil du Temple. Trois semaines conclues par neuf jours redoutables dont le point culminant est le 9 Av. Cependant, si l’on examine de plus près ce douloureux événement, peut-être que la plus grande catastrophe, à l’époque, ne fut pas la destruction du Temple mais la sortie en exil.
La plupart des 613 commandements de la Torah étant liés au Temple et à la Terre d’Israël, pour certains, ce départ en exil a été synonyme de destruction du judaïsme et du peuple juif. C’est pour cette raison, par exemple, que la Michna nous indique qu’une personne peut divorcer pour rejoindre Israël si son conjoint ne le veut pas (Ketoubot, 13, 11). En effet, à l’époque de la Michna –juste après la destruction du Temple –, seule une présence en Terre d’Israël pouvait paraître assurer la survie du Temple juif. Aucun « kit de survie » en Diaspora n’était alors connu. Ce sauvetage de la vie du peuple juif était donc prioritaire sur le couple. Pourtant, dans un texte bien connu (Talmud de Babylone, Traité Makot, 24b), alors que les rabbins pleurent en voyant des renards rôder au milieu des ruines du Temple détruit, un autre rabbin sourit. Il s’appelle Rabbi Akiva. Il sourit car il comprend que si la prophétie des renards rôdant sur le site du Temple se réalise c’est qu’une autre prophétie se réalisera également : celle du Retour, celle qui annonce que « de vieux hommes et de vieilles femmes s’assiéront encore dans les rues de Jérusalem » (Zacharie 8, 4). Nous vivons cette prophétie. Nous vivons une autre période de trois semaines, pas moins importante, et peut-être même plus importante, que celle que nous venons d’évoquer. Car s’il est important de se souvenir du passé, notre attention doit être portée sur notre présent et notre futur. Les seniors, nos anciens, ceux qui ont vu et vécu le pire, connaissent aujourd’hui cette résurrection dans les rues de Jérusalem, sur la Terre d’Israël.
Ces trois semaines s’étendent du premier jour de Pessa’h – jour de la sortie d’Égypte – jusqu’à Yom HaAtsmaout – jour de l’indépendance de l’État d’Israël. Du génocide perpétré par l’Égypte jusqu’à la résurrection. De la délivrance à la liberté contemporaine – sans oublier, lors du Yom HaShoah et du Yom HaZikaron, ceux qui, lors de ce périple collectif, ont perdu la vie pendant la Shoah, dans les guerres d’Israël et les attentats.
Chaque année, ces trois semaines font face au drame présenté lors des trois autres. Ainsi est-il donc évident que nous devons, à Yom HaAtsmaout, glorifier et remercier Dieu en chantant le Hallel avec bénédiction, afin de renforcer le centre de la vie et de l’action du peuple juif. Afin de renforcer cet État qui rassemble des exilés venus de plus de cent pays de la Diaspora. Afin de renforcer le centre de notre identité et de nos préoccupations, bien au-delà des élections présidentielles en France qui indiquent malheureusement une nouvelle fois la montée des extrêmes, nous rappelant toujours davantage que le peuple juif a pour avenir l’État d’Israël.
Ariel Kandel est directeur général de Qualita