Ce shabbat, nous lirons la parashat Yitro, qui porte le nom du beau-père de Moshé. Ce dernier, comme chacun le sait, ne faisait pas partie du peuple hébreu, mais l’a rejoint suite aux miracles de la sortie d’Égypte. Sans aller jusqu’à devenir Juifs, comme l’a fait Yitro et à sa suite encore bien d’autres, il y a toujours eu des non-Juifs qui ont manifesté leur soutien et leur proximité envers notre peuple. Cela a pu se traduire par des marques de sympathie ou même par des actes d’héroïsme, comme pendant la Shoah. Aujourd’hui, à l’heure où les Juifs se sentent menacés en France, ou l’État d’Israël est pointé d’un doigt accusateur, on a l’impression que ces soutiens se raréfient, et même que l’on est un peu seul contre tous.
Et pourtant, ils sont encore là, ils existent toujours ces non-Juifs qui se tiennent à nos côtés… Le phénomène a même donné naissance à un groupe sur Facebook, qui s’intitule : « Ces goys qui défendent Israël ». « J’ai fait mon choix et il est très clair. Je suis pro-israélien, je suis même pro-sioniste dans la mesure où je crois que la véritable solution aux problèmes palestiniens est dans l’intégration en bonne foi et bonne intelligence de leurs territoires et population dans la nation israélienne et je suis pro-Juif parce que c’est un peuple admirable qui traverse le temps en montrant une exceptionnelle capacité de résistance, un remarquable sens de la liberté et de l’égalité, un émouvant attachement à sa terre, sa culture et ses traditions millénaires et qui est pourtant l’un des pays en pointe de la modernité et du défi de l’avenir », résume son fondateur.
Nous vous proposons un dossier spécial sur ceux que l’on pourrait définir comme les « Justes » du 21e siècle, qui n’hésitent pas à tenir des positions à l’encontre du politiquement correct et peu importe le prix à payer. Brice Couturier, journaliste et écrivain en France, fait partie de ceux qui affichent leur soutien au peuple juif et à l’État d’Israël. Il a accepté de répondre à nos questions.
Le P’tit Hebdo : Comment définissez la situation des Juifs en Europe aujourd’hui ?
Brice Couturier : La situation faite aux Juifs, dans les différents pays d’Europe, est un révélateur extrêmement précis de l’état des libertés démocratiques, puisqu’elle nous informe sur des sujets variés. Cela va des droits des minorités jusqu’au degré de mobilité sociale. L’histoire l’a prouvé : chaque fois que les Juifs ont été menacés, persécutés, nos différents pays ont replongé dans les Ténèbres. On dit que les Juifs sont comme « les canaris des mineurs », qui anticipent les coups de grisou. C’est une image pénible, car elle réduit les Juifs au rang d’oiseaux en cage, mais elle comporte une part de vérité. Les Juifs, parce qu’ils conservent la longue mémoire des persécutions subies dans le passé, pressentent, avant d’autres, les catastrophes historiques.
LPH : Que vous a inspiré le débat autour du port de la kippa ?
B.C. : Étrange pays que le nôtre, où la loi interdisant le port de la burqa dans l’espace public n’est pas appliquée – par peur des émeutes, tandis qu’une minorité violente parviendrait à empêcher le port de la kippa. D’ailleurs, le parallèle est trompeur : la kippa ne comporte aucune intention hostile envers notre pays. La burqa, au contraire, est une déclaration de guerre.
LPH : On a parfois l’impression que les Juifs sont bien-aimés quand ils sont en détresse, mais beaucoup moins quand ils sont forts, comme l’est actuellement l’État d’Israël. Partagez-vous ce sentiment ?
B.C. : « Tu es pour nous quand on nous assassine, contre nous quand nous osons nous défendre » (Jean-Paul Sartre, Le Diable et le Bon Dieu, I, 1). C’est un fait.
LPH : Vous avez toujours affirmé des positions philosémites et fait preuve d’un regard bienveillant sur Israël. Pourquoi ?
B.C. : Je défends les Juifs pour bien des raisons. Elles vont de l’héritage familial (mon père était FFI, engagé volontaire à 18 ans ; il m’a transmis un esprit de Résistance), à mon chemin de culture personnel. Beaucoup des auteurs qui ont formé mon goût et ma personnalité se trouvent avoir été juifs, comme Stefan Zweig, Raymond Aron, Leo Strauss, Manès Sperber, Arthur Koestler, Saul Bellow, aujourd’hui Alain Finkielkraut… Et puis, il y a eu mon implication prolongée au mensuel Globe, où j’ai parfois fait figure de « shabbat goy », comme disait mon ami Guy Konopnicki. J’ai vécu sept ans avec une sépharade, qui me traitait d’ashkénaze…