Traduit et adapté par Esther Amar pour Israël Science Info
Face à la hausse continue des températures en Europe, des « abris climatiques » ont été mis en place dans toute la ville de Barcelone où les habitants peuvent trouver refuge face à l’été de plus en plus chaud. Israël devrait-il se préparer à la création de tels abris ?
Zavit. Petit à petit les températures montent, le pourcentage d’humidité se fait sentir dans tout le corps et marcher dans la rue l’après-midi (et matin et soir) devient une tâche tout à fait désagréable. La saison de chaleur israélienne est officiellement ouverte et pendant au moins trois mois, nous souffrirons d’une chaleur extrême qui affectera notre façon de vivre, de sortir et de nous déplacer d’un endroit à l’autre. La canicule meurtrière et destructrice qui a frappé cette semaine l’Europe, connue jusqu’à récemment pour ses étés agréables, a créé des situations d’urgence sur tout le continent, et constitue le point extrême d’une tendance lourde : depuis vingt ans, la température des mois d’été en Europe a considérablement augmenté.
Barcelone crée des refuges climatiques
En raison des changements climatiques visibles, la ville de Barcelone en Espagne a récemment décidé de trouver des solutions créatives à la chaleur : les « abris climatiques », qui offrent aux résidents des coins agréables pour se poser pendant la chaleur intense des mois d’été. Le réseau des « abris climatiques » est réparti dans toute la ville et comprend des zones, des espaces ou des installations spécifiques, certains sont des bâtiments publics tels que des écoles et des bibliothèques publiques, certains sont des espaces publics ombragés avec beaucoup de végétation et des toits qui protègent de la chaleur. Une partie importante des abris fermés sera située dans les zones existantes des écoles publiques, principalement en raison du fait que pendant les mois d’été, les écoles sont vides et peuvent être utilisées pour d’autres besoins.
Les abris climatiques ouverts comprennent des fontaines rafraîchissantes, des jardins et des murs végétalisés, des auvents, des protections solaires et des toits qui produisent une meilleure ventilation. Ils sont conçus pour que la température y soit au maximum de 26°C, que leur accessibilité soit bonne et qu’ils puissent être utilisés comme lieu de repos pour les résidents. Le projet fonctionne de mi-juin à mi-septembre, les mois les plus chauds de l’année. Les abris climatiques sont signalés par des panneaux dédiés et peuvent également être trouvés à l’aide d’une carte en ligne mise à disposition des résidents. L’an dernier, le nombre d’abris climatiques à Barcelone a plus que doublé, passant de 70 à 163, ce qui garantit à 90 % de la population un abri contre la chaleur à moins de 10 mn à pied de chez eux. A noter que Barcelone n’est pas la seule. Paris a également commencé récemment à promouvoir un projet similaire sur son territoire.
Il fait plus chaud en ville
Un projet comme les abris climatiques est particulièrement essentiel dans les villes : vous avez peut-être remarqué que les grandes métropoles se caractérisent par une température nettement plus élevée que leur environnement. Les principales raisons de ce phénomène, connues sous le nom « d’îlot de chaleur urbain », sont la forte densité, le nombre de voitures et la pollution de l’air qu’elles produisent et l’utilisation de beaucoup d’énergie. Selon l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), la température dans les villes est d’environ 0,5 à 4 °C plus élevée que dans les zones environnantes pendant la journée et d’environ 1,1 à 2,7 °C plus élevée la nuit. Les différences les plus significatives sont observées dans les villes les plus peuplées et les plus denses et dans les zones humides du pays. Diverses études montrent que le phénomène d’îlot de chaleur urbain ne devrait que s’aggraver.
Contrairement à Israël, dans les villes européennes, la plupart des bâtiments ne disposent pas de systèmes de climatisation sophistiqués et puissants, ce qui rend la vie pendant les mois chauds particulièrement difficile. En conséquence, de nombreuses villes d’Europe et du monde recherchent des solutions créatives et des mesures pratiques pour réduire les effets de la hausse des températures sur les citadins, en particulier pendant les mois chauds.
Mieux adapter la ville au climat
Les abris climatiques sont-ils une solution efficace au problème de la chaleur urbaine ? Bonne question. « L’efficacité de ce projet est limitée dans tout ce qui concerne la vie quotidienne, puisqu’il apporte une réponse principalement aux événements extrêmes de canicule même s’il présente des avantages », explique le Dr Or Alexandrovitch, architecte, professeur à la Faculté des villes, de l’architecture et de la construction du Technion, spécialisé dans le climat urbain. « Il est plus facile de faire des actions ponctuelles et d’ajouter un hangar ici ou un abri là, que de créer un changement infrastructurel sérieux qui nécessite de sortir de grands systèmes de leurs zones de confort ». Selon lui, bien que le réseau d’arbres de rue qui existe à Barcelone mérite d’être loué, le véritable défi est d’adapter les espaces urbains au climat local de manière plus profonde.
L’espace n’est pas conçu pour les piétons
Israël se caractérise également par un climat extrêmement chaud, qui devient de plus en plus extrême avec l’aggravation de la crise climatique. La climatisation dans les bâtiments fermés est beaucoup plus courante en Israël qu’en Europe, mais lorsqu’il s’agit de l’espace public ouvert, il semble que dans de nombreuses régions « l’ombre » soit introuvable et sans une bonne planification des espaces urbains, il va être de plus en plus difficile de marcher dans la rue et de profiter des espaces ouverts pendant les mois chauds. « La planification israélienne ne reconnait pas l’existence de la vie dans l’espace public quotidien de la rue », affirme Dr Or Alexandrovitch. « Nous le voyons dans la façon dont les quartiers et les villes sont planifiés aujourd’hui : ils ne sont pas adaptés à la circulation piétonne, qui est la base de toute vie urbaine. Il semble que la question climatique n’intéresse personne ». Selon lui, l’espace israélien est surtout conçu d’abord et avant tout pour les voitures, et pour leur circulation pratique et agréable d’un endroit à l’autre.
« Quiconque n’a pas de voiture reste sur la touche et ne compte pas vraiment dans la planification israélienne », dit-il. Selon Alexandrovitch, le problème ne devrait qu’empirer. « En Israël, contrairement à l’Espagne, il y a un rythme de développement fou en raison de la croissance démographique », dit-il. L’ombre ne se forme pas d’elle-même, il faut la décider, un planificateur ne peut pas abaisser les températures, mais il peut prévoir un environnement climatique confortable. On sait, scientifiquement et intuitivement, que la différence de ressenti entre un point ombragé et un point non ombragé est énorme. Il convient de noter que traiter de l’ombre (ou plus précisément de l’absence d’ombre) en Israël est devenu l’agenda public et professionnel ces dernières années. « Chaque été, nous lisons des articles dans la presse sur le fait qu’il n’y a pas d’ombre en Israël », dit Alexandrovitch. Cependant, il est loin d’affirmer que ce changement imprègne les pratiques quotidiennes d’aménagement.
Planifier en fonction du climat
Selon Or Alexandrovitch, il est nécessaire d’ajouter massivement de l’ombrage aux espaces ouverts existants où la marche est possible. « Au-delà, il est particulièrement important de prendre soin des espaces qui ne sont pas encore construits, avant que les aspects économiques ne prennent le pas sur l’intérêt général », dit-il. Il avertit que sans un changement radical du système de planification et sans lois appropriées, nous souffrirons pour encore de nombreuses années à cause du manque d’ombre : « Même si nous commençons à planifier correctement aujourd’hui, il passera au moins 10 ans avant que nous ne ressentions une amélioration ».
La jeune génération d’aménageurs apportera-t-elle le changement, et conduira-t-elle à l’expansion de l’ombre dans l’espace public ? C’est possible. « Dans une perspective historique, il y a un certain changement, plus de gens comprennent la nécessité de l’ombre dans la sphère publique », explique Or Alexandrovitch. « Cependant, le problème est peut-être que la plupart d’entre eux sont des jeunes qui ne prennent toujours pas de décisions sur ce problème dans notre pays ». « En Israël, on ne manque de connaissances sur le sujet mais de volonté de le reconnaître comme un problème à gérer aux côtés d’autres problèmes. Nous devons inclure la question climatique dans les processus de planification », conclut le Dr Alexandrovich.
Article écrit pour Zavit par Amron Director – traduit et adapté en français par Esther Amar pour Israël Science Info