Il ne s’agit que du début d’un long processus législatif dont l’issue n’est même pas garantie. Mais le ministre de l’Education Naftali Benett et son parti peuvent se vanter d’un succès: malgré la demande expresse du Premier ministre de repousser ce vote, la commission ministérielle législative a adoptée à l’unanimité le projet d’article de préséance déposé par Betzalel Smotrich.
Cette disposition, qui se rajoutera à la Loi fondamentale du Respect de l’Homme et de sa Liberté, dont on parle depuis plusieurs années des années, fait partie de l’arsenal législatif qui entend une fois pour toutes mettre fin aux privilèges indus que s’est arrogée la Cour suprême depuis la présidence du Prof. Aharon Barak. Ce dernier avait été à l’origine de la « révolution d’activisme judiciaire » qui s’est traduit par une interventionnisme de plus en plus grand de la Cour suprême dans les décisions politiques du gouvernement et de la Knesset. Du moins quand cela arrangeait la cour. Cette révolution avait abouti à une situation aussi absurde que scandaleuse dans laquelle des juges non-élus par le peuple se sont permis d’invalider des lois votée par la Knesset au motif (officieux) qu’elles n’étaient pas dans la ligne idéologique de la caste très monolithique des magistrats. Le pays en est arrivé à une situation de « gouvernement des juges » qui prenait la pas sur la Knesset et le gouvernement. L’exemple de la question des immigrés clandestins en est un exemple éclatant. La récente interview de l’ancien juge Eliyahou Matza a également apporté un éclairage « intéressant » sur le fonctionnement de cette Cour suprême.
Depuis son entrée en fonction, la ministre de la Justice Ayelet Shaked s’est donné pour mission de rétablir l’équilibre entre les pouvoirs et de remettre la Cour suprême à sa place. Cela commence par la nomination de juges plus représentatifs de la diversité de la population israélienne et cela continue par cet article qui devrait permettre dans certaines situations de donner le dernier mot à la Knesset qui pourrait revoter une loi invalidée par la Cour suprême. Dans de telle situation, la Knesset devrait toutefois revoter le texte avec une majorité absolue et non relative, c’est à dire avec au moins 61 voix.
Cette loi entraîne de violentes polémiques entre la gauche et la droite, la première dénonçant « la fin de la démocratie » et la seconde affirmant qu’il s’agit au contraire du rétablissement de la démocratie.
Malgré sa demande de report de la discussion, Binyamin Netanyahou n’a toutefois pas demandé aux membres Likoud de la commission de s’opposer au texte. La commission, dirigée par la ministre de la Justice Ayelet Shaked, est composée de douze ministres de la coalition, dont six du Likoud. Mais cette fois-ci, le texte a été adopté à l’unanimité.
Après le vote, Naftali Benett a déclaré: « Le gouvernement a commencé aujourd’hui à construire un rempart de séparation entre les trois pouvoirs. L’intervention de la Cour suprême dans la législation et dans les décisions du gouvernement a depuis longtemps dérogé aux normes habituellement acceptées. L’article de préséance ramènera la confiance de la population dans la Cour suprême et lui restituera leur fonction initiale à chacun des pouvoirs: la Knesset légifère, le gouvernement exécute et la Cour suprême interprète. Il faut rappeler que c’est la Knesset, élue par le peuple, qui est souveraine en démocratie parlementaire ».
Mais comme souligné plus haut, on est encore loin de la coupe aux lèvres. De nombreuses oppositions se font entendre, non seulement politiques mais juridiques. Le conseiller juridique du gouvernement est par exemple opposé au texte.
Le Premier ministre souhaiterait que cette loi face l’objet d’un dialogue et d’un compromis entre les institutions avant d’être promue. Ce texte pourra donc être stoppé ou modifié au fur et à mesure des étapes du processus législatif.
Et la Cour suprême risque fort de s’y opposer également!!!!
Photo Yonatan Sindel / Flash 90