La Torah n’associe pas la fête de Souccot à un évènement ni à un miracle particulier. Cependant, d’un autre côté, cette fête présente une abondance de sujets différents les uns des autres. Il s’agit tout d’abord de la mitsva d’habiter dans la soucca (une cabane au toit en feuillage), puis, comme la Torah le mentionne explicitement[1], de la mitsva des Arbat haminim, les quatre espèces. Enfin, de deux autres commandements, qui néanmoins ne peuvent plus être observés tels quels aujourd’hui mais qui faisaient l’objet d’un cérémonial particulier à l’époque du Temple de Jérusalem : l’apport des sacrifices, notamment pour les nations et la sim’hat beit hachoava, la joie du puisage des eaux. Et pour achever le tableau, lors de la fin des temps, la fête de Souccot sera célébrée par l’ensemble des nations qui viendront à Jérusalem pour honorer le D-ieu d’Israël.
La mitsva d’habiter dans la soucca semble porter un message, comme beaucoup de commentateurs l’ont souligné : au moment précis de la récolte (Souccot s’appelle aussi la fête de la récolte), alors que nous devrions demeurer satisfaits et rassasiés, nous abandonnons notre maison pour nous retrouver dans une habitation de passage, nous rappelant notre séjour dans le désert lors de la Sortie d’Egypte. Pourtant, il est permis d’y porter un autre regard. Certes, ce séjour dans le désert fut long à ne pas en finir et empreint de difficultés, mais se caractérisait par un fait : nous étions alors en contact direct avec D-ieu et sous Sa protection. Cette protection revêtait non seulement un caractère général mais de plus bien tangible : des nuées de gloire nous enveloppaient et nous protégeaient. Aussi bien, à Souccot, nous nous souvenons de ces nuées de gloire pendant notre traversée du désert mais, davantage, nous revivons ce temps que le prophète Jérémie (2, 2) décrit en ces termes : « Ainsi parle l’Eternel: je te garde le souvenir de l’affection de ta jeunesse, de ton amour au temps de tes fiançailles, quand tu me suivais dans le désert, dans une région inculte. ». Le temps où tout a commencé pour nous en tant que peuple, où notre lien avec D-ieu a pris naissance. Le lien de notre amour avec le Saint béni-soit-Il, avant tout, envers et contre tout.
Cette relation d’amour se poursuivit alors et construisit ses fondements : nous nous sommes installés dans notre pays et nous sommes entrés dans ce monde entier de la Torah, des mitsvot et des bonnes actions. Mais de temps à autre, nous nous plaisons à évoquer notre affection et notre amour de jeunesse. De ce point de vue, la fête de Souccot peut en quelque sorte être perçue comme un souvenir romantique. Après que nous nous sommes déjà si bien installés au sein d’un monde permanent et parfaitement réglé, nous décidons de retourner dans nos tentes, celles de nos tout-débuts, afin de nous souvenir que notre premier amour est resté intact et bien en place. Comment le réveillons-nous ? En revenant aux choses les plus élémentaires, toutes premières, sous la voûte céleste, au regard des étoiles qui pointent dans la nuit. Nous nous asseyons dans la soucca, serrés les uns contre les autres, peut-être un peu à l’étroit, mais au fond, le principal n’est-il pas que nous noyons d’amour pour D-ieu et que D-ieu nous porte Son amour ? Le prophète Osée nous l’a promis : « Et moi, l’Eternel, qui fus ton Dieu à dater du pays d’Egypte, je te rétablirais dans tes tentes comme aux jours mémorables! ». De même qu’aujourd’hui, à Souccot, nous séjournons sous la soucca, viendra le jour où nous tous, tout le peuple d’Israël réuni, demeurerons sous la même tente : D-ieu, une fois de plus, tout proche de nous, nous prodiguera cette même affection, nous serons à nouveau assis tous ensemble, serrés les uns contre les autres, peut-être un peu à l’étroit, mais animés d’un amour débordant.
Traduit par Michel Allouche
[1] Voir Lévitique (23, 40) : « Vous prendrez, le premier jour, du fruit de l’arbre du cédratier, des branches de palmier, des rameaux de l’arbre de myrte et des saules de rivière; et vous vous réjouirez, en présence de l’Éternel votre Dieu, pendant sept jours ».