Aujourd’hui , que signifie donc l’expression ‘’sortir d’Egypte’’ ? Sommes-nous encore esclave d’un dictateur ou d’un autre peuple pour célébrer, chaque année, une libération nouvelle ? Décrivant la sortie d’Egypte, un verset de la Tora nous rapporte que « D.ieu prit un peuple du sein d’un autre peuple « (Deutéronome IV, 34). Ce verset renvoi à la signification profonde de la sortie d’Egypte.
L’expression « Peuple au sein d’un autre peuple » possède une double connotation. D’une part, elle signifie que les enfants d’Israël avaient, en Egypte, un statut de peuple à part entière avec un territoire bien délimité ( Gochène). Ils parlaient une langue qui leur était propre et ils portaient des vêtements qui les différenciaient des Égyptiens. Parallèlement, ils vivaient « au sein d’un autre peuple ». Malgré une certaine indépendance nationale, ils dépendaient donc d’une autre nation. Le Midrash compare cette situation à celle de l’embryon dans le ventre de sa mère. D’un côté, l’embryon est une entité en soi. Il a une tête, des pieds et des mains mais il n’a pas une vie autonome puisqu’il dépend de sa mère : il va où sa mère se déplace. Il mange et boit ce que consomme sa mère. En fait, les juifs avaient donc une grande dépendance par rapport à Pharaon.
Le terme matière ou plus exactement la poussière APHaR est composé des mêmes lettres que le nom Pharaon. Le message est clair. Pour ce souverain la motivation essentielle dans la vie est le matérialisme. C’est d’ailleurs pour cela qu’il dirige l’Egypte (MiTSRayM = les limites). Pharaon et ceux qui lui sont soumis limitent leur horizon à la matière, à ce qui est immanent. Ils ne conçoivent pas qu’il y a une Transcendance qui les dépasse.
CONSOMMER MAIS NE PAS ETRE CONSUMé
Pour quitter cet asservissement, Dieu demanda aux israélites fut de sacrifier et de consommer un agneau, idole de l’Egypte. Les lois alimentaires tiennent une place importante dans la Tora. Manger s’écrit en Hébreu : « AKHOL ». On peut décomposer ce vocable en deux : A+KOL c’est-à-dire ‘’A’’ = MOI et ‘’KOL ‘’= TOTALITÉ de ce qui m’entoure. Manger, c’est intégrer ce qui est extérieur à moi et faire le tri. C’est une attitude qui doit être sagement géré (digéré) Il faut consommer sans être consumé et ne pas se limiter à ce qui est superficiel.
Il faut donc savoir utiliser son ego à bon escient. Et ne pas « gonfler » son ego démesurément comme le pain levé.
Voilà pourquoi nous mangeons de la matsa, du pain azyme et nous nous abstenons strictement de farine levée (hamets) même en quantité infinitésimale.
Un être humain peut s’imaginer être libre. Il peut s’imaginer agir de manière complètement autonome. Mais en vérité nous sommes trop souvent influencés par toute une série de facteurs négatifs qui gravitent sournoisement autour de nous. La liberté est alors illusoire. Un Rabbi hassidique avait l’habitude d’interpeller ceux qui venait le consulter : « As-tu contemplé le Ciel aujourd’hui ?». C’est-à-dire : « As-tu réfléchi, prié et étudié aujourd’hui…Tu peux te tenir en position horizontale et être guidé par ta réflexion, ta méditation et ton étude de la Tora… Tu n’es pas un animal qui a les yeux tournés vers la terre et pour lequel la tête est au même niveau que l’estomac… »
La Tora vient nous apprendre qu’un être humain ne peut être véritablement libre, tant qu’il est dépendant les yeux fermés de tout ce qui l’entoure. Il doit faire le tri entre ce qui est Bien et Mal. Selon l’expression des cabalistes : Avodat Haberourim.
Pessa’h est donc comme l’indique la traduction littérale de ce terme l’occasion de se dépasser pour vivre pleinement les valeurs éternelles du Judaïsme et de les partager avec les autres.
RAV YAACOV SPITEZKI = 054 23 99 791
SHORASHIM = Centre pour les étudiants francophones