LPH a interrogé plusieurs personnalités qui ont fait l’actualité cette semaine au regard des manifestations contre la corruption.
En premier lieu, nous sommes allés trouver Yoaz Hendel, historien et directeur de l’Institut stratégique sioniste, qui a pris l’initiative de la manifestation du Kikar Tsion.
Le P’tit Hebdo: Les manifestations contre la corruption rassemblent des milliers de personnes. Notre pays est-il si fortement touché par ce travers?
Yoaz Hendel: Non. Israël ne fait pas partie des pays qui sont le plus touchés par les pratiques de corruption. Si c’est le cas, c’est justement parce que nous avons des systèmes d’équilibres et de freins qui fonctionnent bien. Israël est un pays dans lequel tous les citoyens sont égaux devant la loi, qu’ils soient Président, Premier ministre ou ministre, ne changent rien. Contrairement à la France, ici il n’y pas d’immunité liée au mandat.
Lph: Alors n’est-ce pas exagéré d’organiser des manifestations populaires contre ce phénomène?
Y.H.: Bien entendu, il ne s’agit pas de tomber dans le travers qui consiste à ouvrir une enquête ou à déclencher une réaction populaire pour chaque petite chose. Mais je ne pense pas qu’il soit exagéré de manifester en ce moment. En effet, la voix du peuple constitue un des freins que j’évoquais précédemment.
Lph: Une manifestation était organisée le même soir que la vôtre à Tel Aviv. Pourquoi ne pas avoir uni vos forces? Pourquoi avoir ressenti le besoin de faire une manifestation du camp national, si au final, le but de tous est d’exprimer son mécontentement face à la corruption?
Y.H.: En effet, il y a des points communs entre nous et je pense que les organisateurs de la manifestation de Rotschild auraient été contents que je vienne vers eux. Mais je ne peux pas ignorer certaines voix qui s’expriment dans ce cadre et qui ne répondent pas du tout aux mots d’ordre que le camp auquel j’appartiens veut défendre. Chacun possède son identité, son idéologie que nous ne pouvons renier ou mettre de côté, même pour une cause qui devrait rassembler tout le monde. Pour que les personnes du camp de droite se sentent à l’aise de manifester, il fallait leur créer un cadre dans lequel ils se reconnaissent, sans pancartes de Shalom A’hshav ou du BDS.
Lph: Finalement, on se retrouve forcement dans un schéma politique même quand il s’agit de dénoncer la corruption?
Y.H.: Nos messages n’étaient ni de droite, ni de gauche. La principale préoccupation que nous avons voulu exprimer était de ne pas laisser les politiques porter atteinte au pouvoir de la loi et des autorités judiciaires et policières. Je vois, avec inquiétude, une tendance actuelle à vouloir diminuer l’influence de ces corps qui sont au service des citoyens et qui les protègent. C’est pourquoi, notre manifestation était celle du ”béAd”, du ”Pour” et non du ”Contre”. Nous n’avons manifesté contre personne, uniquement pour les équilibres et les freins qui existent dans notre système et que nous devons préserver.
Lph: Avez-vous été surpris par la mobilisation relativement faible?
Y.H.: Le Kikar Tsion était rempli. Mais à vrai dire, je ne m’attendais pas à une forte mobilisation. Je m’adressais au camp nationaliste, à celui de Binyamin Netanyahou. Beaucoup ont pensé que manifester ce soir-là revenait à rejeter le Premier ministre. Ce n’était pas le but mais il a été difficile pour beaucoup de dépasser ces sous-entendus politiques. Pour ma part, j’étais prêt à manifester même seul, alors je trouve que la mobilisation était louable et qu’au moins, nous aurons apporté notre contribution au débat pour construire une société encore plus morale.
Parmi les personnes présentes à la manifestation de Jérusalem, le Rav Youval Sherlo. Personnalité du monde sioniste religieux, il a défrayé la chronique, la semaine d’avant, par sa participation en tant qu’invité spécial, à la manifestation de Tel Aviv. Cet acte lui a beaucoup été reproché.
Le P’tit Hebdo: Pourquoi avez-vous participé à une manifestation dont les intentions sont pour le moins douteuses?
Rav Youval Sherlo: Je suis allé manifester contre la corruption. Je ne cherche pas à savoir qui est corrompu et combien de personnalités le sont. Je fuis le lachon ara, la médisance. Ce n’est pas pour m’en prendre à un homme que je suis allé boulevard Rotschild mais bien pour dénoncer les menaces qui existent contre les freins et les barrières face à la toute-puissance du pouvoir public. J’ai pris la parole lors de cette manifestation pour exprimer ce point de vue et on m’y a très bien reçu. Je n’ai pas manqué de dénoncer les slogans qui n’étaient pas appropriés.
Lph: Vous êtes-vous exprimé en tant que Rav ou en tant que citoyen israélien?
Rav Y.S.: J’y suis allé d’abord et avant tout en tant que Rav. Nos Textes font mention de ces freins qu’il convient de mettre face au pouvoir public. Le Roi avait en face de lui le Cohen et le Prophète, il avait de nombreuses limitations de son pouvoir. La Torah est tout à fait consciente de ces dangers.
Lph: Avez-vous compris les critiques que vous avez essuyées après votre participation?
Rav Y.S.: Oui, bien sûr. Certaines de ces critiques étaient des mensonges montés de toutes pièces mais d’autres étaient justifiées. Je me trouvais, évidemment, au cœur d’un dilemme: devais-je m’associer à des gens dont la moralité pouvait être discutée et qui avaient des intentions politiques auxquelles je n’adhère pas, moi qui suis un homme de la droite, voire de la droite dure?
Lph: Finalement, cet épisode vous concernant ne nous en apprend-il pas beaucoup plus que juste la difficulté de trouver un cadre pour s’exprimer contre la corruption?
Rav Y.S.: Tout à fait. La grande tragédie révélée par cet épisode est la haine qui s’est exprimée de tous les bords. C’est même très effrayant. Nous sommes de plus en plus déchirés et c’est cela le plus grave. C’est pourquoi, je trouve important de traverser les lignes et de mettre en avant ce qui nous unit.
Lph: Vous étiez également présent à la manifestation de Yoaz Hendel. Quel bilan tirez-vous de ces événements?
Rav Y.S.: Yoaz Hendel a organisé cette manifestation après m’avoir parlé. Je suis content que ma présence à Tel Aviv ait pu susciter ce genre de réaction. Cela a confirmé ce que j’avais ressenti boulevard Rotschild: j’étais seul mais pas isolé. Ces événements vont dans le bon sens, celui d’une prise de conscience populaire, c’est un premier pas.
Rahel Azaria est députée, membre du parti Koulanou. Elle s’est distinguée du reste de la coalition gouvernementale en votant contre la loi sur les recommandations (Hok Haamlatsot). Elle était sur le Kikar Tsion à Jérusalem pour manifester.
Le P’tit Hebdo: Israël est-il vraiment confronté à un problème de corruption important au point de représenter une menace?
Rahel Azaria: Le problème n’est pas tellement le degré de corruption qui caractérise l’Etat. Ce qui est très préoccupant, ce sont les lois qui sont en train d’être proposées et votées. Ces lois, comme celle sur les recommandations sont construites pour protéger les puissants et nuire aux plus faibles. Les premières victimes de ces lois seront les simples citoyens alors que les haut placés se sentiront à l’abri.
Lph: Avez-vous été satisfaite de la mobilisation Kikar Tsion?
R.A.: Oui, je crois que cette manifestation a rassemblé un nombre honorable de personnes, quand on sait combien il est difficile de faire sortir les gens de chez eux.
Lph: Pourquoi avoir manifesté à Jérusalem plutôt qu’à Tel Aviv?
R.A.: La manifestation de Tel Aviv est clairement contre le gouvernement dont nous faisons partie. Elle lie la lutte contre la corruption au plus haut niveau et les lois qui la favorisent, à un clivage gauche droite. Or ce n’est pas du tout ma façon de voir les choses. Ce sujet n’est pas de droite ou de gauche, il nous concerne tous. Le message de la manifestation de Yoaz Hendel est celui que je porte. Nous devons être vigilants face aux menaces législatives qui pèsent sur les autorités judiciaires et policières.
Lph: Pourtant beaucoup ont vu aussi dans la manifestation du Kikar Tsion, une volonté politique. La preuve: la présence de députés comme vous.
R.A.: J’étais présente pour apporter mon soutien au public qui manifeste pour porter les valeurs dans lesquelles je crois. Je suis contente de voir que les Israéliens se mobilisent. Je suis dans mon rôle de député, cohérente avec ma ligne d’action. Dans mon travail quotidien avec mes partenaires de Koulanou, nous agissons pour empêcher que de telles lois ne soient votées. Je crois beaucoup dans la force de notre peuple, qui, conjuguée à une action politique ciblée peut amener les changements souhaitables.
Lph: Quels sont ces changements? Dans notre pays, que l’on soit Président ou Premier ministre on peut être envoyé en prison quand on contrevient à la loi…
R.A.: Oui, nous avons un Président et un Premier ministre qui ont été envoyés en prison. Je ne sais pas si cela doit être une source de fierté. Ce que je sais c’est que nous devons agir pour ne plus en arriver à ces situations, en améliorant nos systèmes politique, judiciaire et policier. Mais le changement ne se décide pas en un claquement de doigts, un véritable débat doit être ouvert et pas en passant des lois comme celles contre lesquelles je m’élève actuellement.
Moshé Feiglin, fondateur du mouvement Zeout et ancien membre du Likoud, s’est lui, virulemment opposé à la manifestation de Yoaz Hendel.
Le P’tit Hebdo: Pourquoi vous êtes-vous opposé à la manifestation organisée par Yoaz Hendel?
Moshé Feiglin: Je ne soutiens pas Binyamin Netanyahou, loin de là, je souhaite même qu’il s’en aille. Pour moi, il est une erreur stratégique pour notre pays. C’est à cause de lui que l’Iran aura l’arme nucléaire, c’est à cause de lui que l’Iran est à nos frontières. Il fait de beaux discours, mais au final transfère la responsabilité sécuritaire d’Israël aux Américains. Si nous avons un Etat et une armée aujourd’hui, c’est justement pour ne plus dépendre des Etats-Unis comme au moment où le peuple juif se faisait exterminer par les nazis.
Ceci étant, je refuse de participer à des manifestations dans lesquelles les gens de droite rejoignent en fait les intentions politiques des gens de gauche. La corruption n’intéressait personne lorsqu’elle était le fait de Shimon Peres, d’Ariel Sharon ou d’Ehoud Olmert. Les manifestations ne servent que des intérêts politiques: à leur tête se trouvent des personnalités clairement étiquetées comme Eldad Yaniv. Qui veut-on duper? Et la droite entrerait dans ce jeu?
Lph: Pourtant, Yoaz Hendel affirme avoir fait une manifestation pour le pouvoir de la loi et non politique.
M.F.: Je ne crois pas qu’il soit possible de manifester sans but politique. Yoaz Hendel apporte ainsi de l’eau au moulin de la gauche. Je suis en total désaccord avec lui sur les messages de sa manifestation. Il veut protéger le pouvoir de la loi, je veux protéger le pouvoir du peuple. C’est cela la démocratie. Le pouvoir de la loi est une tendance négative et anti-démocratique: la police et les procureurs se placent alors au-dessus du peuple et lui volent sa souveraineté. C’est justement cette approche qui favorise la corruption et favorisent le lancement d’enquêtes dont le seul but est de détruire des ambitions politiques.
Lph: Alors on doit laisser les pratiques malhonnêtes se développer sans réagir?
M.F.: Certainement pas! J’ai risqué plus d’une fois ma carrière pour dénoncer la corruption et il est bon que des enquêtes soient menées. Mais la solution est ailleurs. Nous devons réduire le nombre de portefeuilles ministériels et modifier tout notre système bureaucratique et administratif: c’est parce que les démarches sont lourdes que les dessous de table sont si tentants. Nous devons aussi changer le mode de nomination des autorités judiciaires et policières et les placer dans les mains du peuple. L’Etat doit avoir moins de pouvoir.
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay
Photo à la une by Hadas Parush/Flash90
Tout cela pour des cadeaux recus…?
Qui, je voudrais bien le savoir les refuserai ??
Assez de bla-bla inutil,
Non, le but est de faire tomber Bibi et rien d’autre !!!
Moshé Feiglin dit beaucoup de vérité. Il serait bien qu’il se présente aux prochaines élections.