Shmouel Kalifa, aujourd’hui réserviste, a été commandant de tank de mars 2012 à mars 2015. Pour lui non plus, l’idée d’intégrer les femmes aux unités de blindés n’est pas nouvelle. Pendant son service, il avait entendu parler d’une expérience, menée quelques années plus tôt, pour ouvrir aux femmes le cours de commandement d’une unité tankiste. Une initiative alors abandonnée par l’armée, principalement pour des raisons physiologiques, “une des participantes avait perdu connaissance”, explique le jeune homme. Tsahal était donc parvenu à la conclusion que d’un point de vue physiologique, les femmes ne convenaient pas à la mission.
La cabine d’un char a été son domicile quotidien pendant des mois. Il y a même vécu en temps de combat. Pour Shmouel Kalifa, à l’éventualité d’y mélanger hommes et femmes, la réponse est claire : “mamash lo”, en aucune façon. Il n’est pas opposé à l’avancement des femmes dans la société ou dans les rangs de Tsahal, mais un tank, “c’est le seul endroit, à l’armée, qui ne soit pas fait pour une femme”.
Et le commandant d’envisager tous les scénarios possibles. “Imaginons qu’un membre, deux membres de l’équipage soient tués, alors que nous sommes au combat. Et que deux femmes se retrouvent seules, six heures durant, sous un feu nourri, pour essayer de faire avancer leur tank, pour réussir à s’en sortir. Cette situation relève de l’absurde et me paraît totalement impossible. Ce n’est pas réaliste.”
Le problème est donc avant tout d’ordre sécuritaire pour ce réserviste de 22 ans. Et il se poserait en des termes identiques s’il s’agissait d’un homme de faible constitution physique. “Personnellement, je ne souhaite pas rentrer dans un tank avec des équipiers en qui je ne pourrais avoir confiance quant à leur capacité de fonctionner de façon opérationnelle.”
Mais l’aspect humain tient aussi une part importante. La deuxième raison de son opposition relève de la promiscuité de deux sexes différents. “Si vraiment les femmes doivent intégrer les unités tankistes, alors il faudrait constituer des équipes d’hommes et des équipes de femmes, mais ne pas mélanger les deux. Sinon, cela ne peut absolument pas fonctionner. En aucun cas.”
La défense du pays avant tout
Aujourd’hui, le monde se libéralise, et l’égalité est à la mode depuis un certain nombre d’années déjà. Tsahal aspire à un processus de modernisation. Et puis il y a aussi le fait que certaines femmes veulent intégrer les unités combattantes, y compris les unités tankistes. Elles ne représentent certes qu’un pourcentage assez faible, mais le phénomène existe. Et l’armée veut répondre à leurs attentes, explique Shmouel Kalifa.
Tsahal reste une machine d’autorité et de discipline. Impossible donc d’imaginer que des tankistes opposés à partager leur habitacle avec des femmes puissent avoir un poids quelconque pour contrer une décision de l’état-major. “Non, cela ne marche pas comme ça”, reconnaît le commandant. “Ce n’est pas l’opinion d’un simple soldat qui pourra faire changer les choses”.
Quant à savoir si la décision peut prendre effet, Shmouel Kalifa répond par l’affirmative. “Ce n’est pas totalement exclu”, note-t-il. Et de préciser qu’un véritable mouvement d’opposition qui ferait pression sur le gouvernement pourrait peut-être faire changer à Tsahal son fusil d’épaule, mais pour l’heure, les seules réactions agitent les médias et les réseaux sociaux.
Pour Shmouel Kalifa, le train est déjà en marche : “Tel qu’on voit les choses, c’est en train de prendre forme”. A titre personnel, il dit avoir encore quelques années devant lui avant d’être confronté au problème : “imaginons que d’ici 1 an et demi, Tsahal accepte des femmes pour la formation de tankistes, elles en sortiront dans 4 ans et demi.” Cela lui laisse du temps avant qu’une femme ne puisse intégrer son unité.
Là se posera alors un cas de conscience. Mais pour le réserviste, en dépit de son opposition à une telle situation, la notion de service à rendre au pays est la plus forte. “Si l’armée m’impose une femme, j’espère qu’elle sera excellente, et si le pays a besoin de moi pour combattre, je combattrai avec les outils qu’il me donnera.”