Le dimanche 14 février, le Campus Francophone de Netanya accueillera Beate et Serge Klarsfeld pour une conférence exceptionnelle dans le cadre du cycle ”Résistances et renaissance”. Ils y évoqueront ”un demi-siècle de combat pour la dignité et la mémoire des Juifs de France”.
A cette occasion, LPH s’est entretenu avec Serge Klarsfeld.
Le P’tit Hebdo: Vous serez bientôt en Israël. Que représente ce pays pour vous?
Serge Klarsfeld: Mon attachement à Israël est ancien! Déjà en 1948, alors que j’étais au collège, je me souviens que je m’échappais de l’établissement pour aller à la papeterie et voir les nouvelles de la guerre d’Indépendance!
Je suis allé en Israël pour la première fois en 1953 puis j’y suis retourné en 1959 pour une étude sur la histadrout et avec Beate en 1966.
Pendant la guerre des Six Jours, je me suis porté volontaire. L’unité à laquelle j’étais joint a créé le kibboutz Meron Hagolan.
Je suis revenu très souvent en Israël. J’ai même la nationalité israélienne par décision du gouvernement israélien depuis une quinzaine d’années.
Lph: Vous êtes à l’initiative d’un Mémorial de la Déportation des Juifs de France dans la forêt de Roglit, en Israël. Votre action dépasse donc les frontières européennes?
S.K.: Oui, j’ai pris l’initiative de ce mémorial, parce qu’il me semblait que la place de ces victimes n’était pas qu’en France, mais aussi en Israël. En coopération avec le KKL et l’association des fils et filles des déportés Juifs de France, nous avons construit ce mémorial dans la vallée Haela, là où David a combattu Goliath. Sur place, sont inscrits les noms des 80 000 Juifs de France qui ont été déportés.
Lph: Vous avez œuvré toute votre vie avec votre épouse Beate pour la mémoire de la Shoah. Qu’est-ce qui vous a animé pendant toutes ces années?
S.K.: C’est l’esprit de justice qui nous a animés. Beate s’est battue pour épurer l’appareil politique allemand gangrené par d’anciens nazis. Elle a même fait de la prison pour cela.
Lph: Craignez-vous qu’avec les années, la transmission de la Shoah s’essouffle?
S.K.: Non, je ne crois pas qu’il y ait un essoufflement de la transmission. Il a fallu attendre la fin des années 1970 pour que le monde se rende compte de l’immensité des crimes commis pendant la Shoah. Jusque-là, cela n’agitait pas vraiment les consciences.
Alors, je peux comprendre que pour les jeunes d’aujourd’hui en France, comme en Israël d’ailleurs, il soit difficile de se rendre compte de ce qu’était la Shoah. En Israël, par exemple, l’armée est puissante et on peut avoir du mal à comprendre que les Juifs aient pu être condamnés à mort en Europe mais aussi en Afrique du Nord et même jusqu’en Palestine, à cette époque.
Lph: Certains professeurs en France témoignent tout de même de la difficulté d’enseigner la Shoah aujourd’hui.
S.K.: Il s’agit de professeurs de banlieues où il y a beaucoup de Musulmans et de Noirs. Ils considèrent, à juste titre, que l’on ne parle pas assez de leur mémoire: l’esclavage, les conquêtes coloniales. Les professeurs ne sont pas préparés à cela.
Lph: N’y voyez-vous pas la marque de l’antisémitisme, tout simplement?
S.K.: L’antisémitisme d’un certain nombre de jeunes musulmans qui ne sont pas intégrés à la République française, ne fait pas de doute. Ils préfèrent l’Islam conquérant à la France. Et le Juif est la cible historique et privilégiée…
Lph: Cela vous inquiète-t-il pour l’avenir?
S.K.: La France est à l’avant-garde du combat contre l’Islam fondamentaliste. Les gouvernants de gauche comme de droite ont les mots les plus forts pour soutenir la communauté juive, ils protègent les Juifs de France. Certes, leur attitude est plus compliquée vis-à-vis d’Israël.
Ceci étant, le danger est grand d’une jeunesse musulmane qui s’attache aux valeurs de l’Islam fondamentaliste qui veut reconquérir l’Europe. Ce danger est encore plus certain pour les Juifs. Je comprends que les jeunes de 30-35 ans avec des enfants en bas âge, songent à quitter la France. Avec 6 millions de Musulmans dont une petite partie est engagée dans une guerre avec la France, on peut manquer de sérénité en pensant à l’avenir.
Lph: Avez-vous été choqué que le Président Hollande reçoive le Président iranien le jour de la journée internationale de la Shoah?
S.K.: Oui. Mais à ce propos, je veux rappeler que deux tendances s’affrontent en Iran: une fondamentaliste et une plus modérée.
Je suis d’ailleurs invité dans les prochains jours à l’Ambassade d’Iran à Paris en ma qualité de Président de l’Association des Fils et Filles des déportés Juifs de France. Il y a trois ans j’ai fait une demande pour un visa afin de me rendre en Iran pour parler de la Shoah. Je me suis déjà rendu en Irak, en Jordanie et d’autres pays du Moyen-Orient. Je ne vois pas pourquoi seuls les négationnistes iraient y parler!
J’espère que lors de ce rendez-vous à l’Ambassade, le visa me sera délivré et que je pourrai alors me rendre dans différentes villes d’Iran pour expliquer la Shoah.
Conférence au Campus Francophone de Netanya
Le Dim 14/02, 19h30
Réservations: francophonie010@netanya.ac.il – www.netanya.ac.il
098607898 098607417
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay