La lecture renouvelée de la Torah à Sim’hat Torah, en particulier le « récit de la Création » (Berechit 1), est l’occasion pour d’aucuns de parler, une fois de plus, de « contradictions » entre la Torah et la Science, et l’avantage est souvent donné à la Science, puisque celle-ci « prouve » ses affirmations. Beaucoup de guillemets.
Nous n’allons pas régler le sort de ces discussions en quelques lignes, mais apporter quelques éléments de réflexion.
Tout d’abord, rappelons ce qu’a dit le Rav Tsvi Yehouda Kook (שיחות הרב צבי יהודה 2): « Il semble parfois qu’il y ait des contradictions, mais en réalité, il n’y en a pas. Tout d’abord, il faut vérifier si ce qui est dit au nom de la Science est vraiment de la Science… Peu de choses supposées contredire la Torah proviennent de sources scientifiques d’envergure. Et d’un autre côté, il faut vérifier si tout ce qui est dit au nom de la Torah traduit vraiment la vérité de la Torah ou ne provient que d’une compréhension superficielle de la Torah. Une compréhension véritable de la Torah n’apparaît que suite à une réflexion profonde des secrets cachés de la Torah. »
Le temps n’existe pas
La chronologie du 1er chapitre de la Genèse semble-t-elle incompatible avec la cosmologie moderne ? Mon ami Nathan Aviezer, physicien de l’Université Bar Ilan, a écrit un livre où il identifie les développements depuis le Big Bang dans la chronologie de la Torah. A-t-il raison ou non ? Là n’est pas mon propos, mais la démarche est intéressante.
La Physique moderne a fait remonter le temps en arrière dans les équations de la Relativité Générale. « On » me dira que ça n’existe pas, qu’on n’a jamais vu le feu reconstruire une maison, etc. Marc Lachièze-Rey, de l’Observatoire de Meudon explique que le temps lui-même n’existe pas. Toujours est-il qu’ainsi qu’est née la fameuse théorie du Big Bang, conséquence de la théorie de la Relativité Générale, et qu’un siècle plus tard elle tient bien la route. Lors de sa publication, le Pape de l’époque s’est réjoui qu’on ait enfin une preuve scientifique de la Création. L’abbé belge Georges Lemaître, un des grands physiciens de la première moitié du 20e siècle, l’a adjuré de n’en rien dire, et de laisser la religion et la Physique chacune dans son coin. Il a même affirmé que la foi du chercheur chrétien ne saurait en aucun cas influencer sa pensée scientifique, et vice versa (Actes du Congres de Malines, 936).
Un monde de mystère
Et pourtant, l’évolution (oups !) de la pensée mène à des changements importants. En 1992, le Professeur Henry Margeneau, physicien de l’Université de Yale aux Etats-Unis, a écrit ce qui suit: « Un point de vue très répandu veut que science et religion soient incompatibles… C’était peut-être vrai il y a un demi-siècle, mais cette affirmation a perdu sa validité comme on peut le voir à travers les écrits philosophiques des physiciens les plus distingués des 5 dernières décades. Je fais référence à Einstein, Bohr, Heisenberg, Schrödinger, Dirac, Wigner, et beaucoup d’autres encore.
Des théories comme le Big Bang, les trous noirs, la Physique Quantique, la Relativité, le Principe Anthropique, ont introduit la science dans un monde de mystère pas très éloigné du mystère ultime qui impulse la religion. Ces tendances du 20e siècle semblent appeler de nouvelles métaphores pour décrire les relations entre science et religion. »
Margeneau parle de religion, nous parlons de Torah. Margeneau parle de mystère, nous parlons des secrets de la Torah. Le mystère au sens chrétien est insondable, incompréhensible. Les « secrets » de la Torah sont là pour être découverts, compris. Le Rav Avraham Kook dit même que leur apparition au grand jour est une des caractéristiques de la Rédemption (גאולה).
L’importance de la Théorie du Tout
En fait, Maimonide l’a dit il y a longtemps. L’étude des mathématiques et des sciences de la nature fait partie du chemin vers l’amour et la crainte révérencielle de D. אהבת ה’ et יראת ה’. Souvenons-nous de ce que dit Shmuel bar Na’hmani au nom de Rabbi Yo’hanan (Chabat 75a): étudier l’astronomie est une Mitsva! Etudier la création, c’est se relier au Créateur.
C’est pourquoi la recherche d’une Théorie du Tout (une théorie unifiant toutes les parties de la physique moderne) est si importante. Cette idée n’est pas née en Extrême-Orient où le polythéisme est roi, mais en Occident où règne le monothéisme. Cette Théorie du Tout correspond à l’Unité de la Création décrite par Rabenou Bahya Ibn Pakudaחובות הלבבות, שער היחוד ז’. En substance, la stabilité et l’équilibre de l’univers tiennent à l’interdépendance de ses parties. Rien n’est complet s’il n’est complété par quelque chose d’autre. Ce que le Rav Kook appelle אחדות ההוויה.
Pour ce genre d’observation, nous terminerons avec ce qu’a écrit Robert Jastrow (en 1975): pour le savant qui a toujours vécu à l’ombre de la raison, l’histoire se termine en cauchemar ; il est sur le point de conquérir le sommet le plus élevé et lorsqu’il se hisse au-dessus du rocher final, il est accueilli par un groupe de théologiens assis là, depuis des siècles.
La Physique moderne décrit l’histoire de l’Univers, mais pas dans une infime fraction de seconde (0, virgule 36 zéros et un 1 après cela !) après le Big Bang, appelé le temps de Planck. Là-bas, elle ne voit pas. La preuve de la Création est dans la Torah, la Science est une science de Torah.