Noam Gittin s’occupe, à Yad Vashem, des groupes étrangers et en particulier des non-Juifs qui viennent visiter le mémorial. Elle nous explique comment se transmet la Shoah à ce public qui ne l’a pas vécu d’aussi près que le peuple juif.
Le P’tit Hebdo: Yad Vashem accueille beaucoup de groupes étrangers?
Noam Gittin: Nous accueillons environ 90000 visiteurs étrangers par an. Ils viennent du monde entier et de tous les âges. Il est fondamental pour nous d’être prêts à les accueillir en adaptant nos visites à toutes les nuances présentes.
Lph: Que signifie adapter les visites?
N.G.: Le programme ne sera pas le même suivant que les gens viennent de France, des Etats-Unis ou d’Allemagne et s’ils sont juifs ou non juifs. Notre objectif est que le public se reconnaissent dans les visites. Ainsi, si l’on reçoit des groupes de France, on insistera sur le judaïsme français à l’époque de la Shoah et sur les événements qui se sont déroulés en France. De la même manière pour les autres nationalités. Il s’agit de faire en sorte que ce qu’ils découvrent à Yad Vashem leur deviennent familier.
Lorsque ce sont des non juifs, nous commençons toujours par leur apprendre les notions de la vie juive, celles qui peuvent paraitre évidentes pour un public juif. Pour nous, il est très important de partir de la vie juive d’avant la Shoah et de comprendre comment elle a évolué pendant et après la Shoah.
L’un des messages que nous voulons aussi faire passer à ces visiteurs qui ne sont pas issus de la communauté est que l’Etat d’Israël n’est pas né à cause de la Shoah, mais malgré la Shoah. Il est fondamental qu’ils comprennent que le sionisme faisait partie de la vie juive avant la Shoah.
Lph: Il doit régner une ambiance particulière dans les groupes venant d’Allemagne?
N.G.: Il est vrai que ces groupes sont différents. Ils sont, dans leur écrasante majorité, composés de non juifs, à l’inverse des groupes américains. Ils arrivent souvent avec de meilleures connaissances de base que les autres et surtout on ressent le sentiment de culpabilité qu’ils éprouvent, malgré eux.
Ce qui est le plus frappant, c’est qu’alors qu’en général, les groupes consacrent environ 3 heures à leur visite à Yad Vashem, les Allemands prévoient la plupart du temps d’y passer entre 6 et 8 heures. A vrai dire, c’est la durée vers laquelle nous essayons de faire tendre l’ensemble des groupes que nous recevons. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons entrer dans les sujets en profondeur.
Lph: Quelles sont les réactions de ces visiteurs étrangers?
N.G.: Le lien à la Shoah, y compris chez les non juifs est très émotionnel. Avec les années qui passent, c’est cette émotion qui reste et on constate que les connaissances diminuent. Donc, quand ils viennent à Yad Vashem, ils découvrent beaucoup de choses. La salle des noms et le mémorial des enfants restent les deux lieux dans lesquels l’émotion et la prise de conscience sont les plus palpables. Le chiffre de 6 millions est trop énorme pour pouvoir être concret. C’est pourquoi, nous nous focalisons sur les histoires personnelles et sur la création de méthodologies renouvelées qui captivent l’attention des différentes populations. Notre défi est de relier tous les publics, quelle que soit leurs origines, à la mémoire de la Shoah.
Guitel Ben-Ishay