Sarah Beck est une journaliste israélienne qui n’a jamais caché ses convictions. Engagée à droite, elle a franchi le Rubicon en décidant de se présenter pour les élections de la 23e Knesset. Dans cette dernière ligne droite, elle sillonne le pays pour motiver les électeurs, les convaincre d’aller voter et d’apporter leur suffrage à Yamina. Nous l’avons rencontré lors d’une de ses étapes.
Elle se livre sur ses passions réelles, qui ont leur part dans cette décision, et sur le personnage qui fut son guide et qui reste son modèle : son grand-père le Rav Avraham Hazan, ancien grand Rabbin à Strasbourg.
Le P’tit Hebdo : Nous connaissons Sarah Beck, la journaliste. Pourquoi avez-vous décidé de vous engager en politique ?
Sarah Beck : Je comprends cette question. Je me la suis posée longtemps. Cela fait un moment que je suis sollicitée pour prendre une part au projet politique de la droite israélienne. Mais, je reconnais qu’il est bien plus confortable d’être du côté de ceux qui posent les questions que de celui de ceux qui doivent y répondre.
Je crois que deux éléments m’ont aidé à murir ma décision et à me dire que cette fois, j’étais prête à franchir le pas. Le premier est mon envie de marcher sur les traces de mon grand-père, le Rav Avraham Hazan. Il n’était pas un homme politique, mais après son alya, il est devenu Rabbin des prisons et il a beaucoup écrit sur l’unité dans notre peuple. Il souhaitait que nous fassions des ponts entre nous, que nous cessions de nous déchirer. Être journaliste ne me permet pas de jouer ce rôle de relieur. J’ai voulu concrétiser le souhait de mon grand-père. Si je m’engage en politique, c’est pour faire le lien, pour rassembler.
La deuxième raison, je la puise dans une histoire hassidique. On raconte que lorsque les nazis sont arrivés à Vienne, ils ont voulu humilier les Rabbins. Ils leur ont ordonné de balayer les rues avec de petites balayettes. Les Hassidim, choqués de ce traitement, ont accouru pour remplacer leur rebbe. Le Rabbi de Sadigoura a refusé en disant : « les rues de Vienne aussi appartiennent à Dieu et c’est un honneur de participer à leur entretien. D’ailleurs lorsque nous vivrons en Israël, je balaierai aussi les rues » Et en effet, après la Shoah, le Rabbi de Sadigoura a émigré à Tel-Aviv, et y a balayé les rues pendant des années. Cette histoire m’accompagne parce qu’elle montre à quel point nous devons nous réjouir des petites choses de la vie. Alors que dire du fait d’avoir notre État, de pouvoir mener des débats politiques dans notre pays ? Qui l’aurait imaginé ? Cette chance, nous devons l’honorer.

צילום אריק סולטן
26.01.2020
Lph : Vous avez créé un site Internet autour des histoires hassidiques. Pourquoi est-ce un domaine qui vous attire tant ?
S.B. : J’ai fondé, il y a deux ans, un site, « Zoucha », qui recense les histoires autour des communautés hassidiques, regroupées par thèmes. Ces récits sont incroyables, ils ont tant à nous apporter, et ils nous guident jusqu’à aujourd’hui dans nos actions quotidiennes.
J’ai maintenant pour projet de créer un site identique sur les Sages séfarades. Ce sera aussi un hommage à mon grand-père. Ces grands personnages sont trop souvent ignorés et pourtant, leur sagesse doit être une lumière pour nous.
Lph : Pensez-vous que, de nos jours, on entend peu de paroles véritablement fortes et pleines de sens ?
S.B. : Le Rav Shloush, z »l, ancien grand rabbin de Netanya, disait que si un homme public prend la parole c’est qu’il doit avoir un message à délivrer. Dans ce cas, il s’agit même véritablement d’un devoir pour lui. S’il n’a pas de contenu à transmettre, alors qu’il se taise. Je crois vraiment à ce principe.
Lph : Quels sont pour vous les dossiers prioritaires pour notre société ?
S.B. : Je pense que nous devrions attacher une importance plus grande à la préservation et au développement de l’identité juive. Les Israéliens, dans leur majorité, sont attachés à leurs racines et ne demandent qu’à être reliés en profondeur à celles-ci. Israël est aussi, de ce point de vue, un phare pour les communautés en exil. Ce rôle doit être rempli.
Ensuite, je suis particulièrement préoccupée par le sort des personnes âgées. 90% d’entre elles ne peuvent pas intégrer de maisons de retraite et sont souvent seules. Cette solitude est un fléau. Nous avons les moyens de les aider et nous devons le faire.
Enfin, je souhaiterais travailler pour optimiser l’utilisation de l’argent public dans les médias. Je viens de ce monde et j’en connais les absurdités. Nous pouvons mieux gérer la façon dont nous distribuons l’argent des contribuables.
Propos recueillis par Avraham Azoulay
Photo Eric Sultan