(Article extrait du Lph New 959)
Robert Hossein, de son vrai nom Abraham Hosseinoff, est né le 30 décembre 1927 à Paris. Fils d’Anna Mincovschi, actrice juive native de Kiev, en Ukraine, et d’un compositeur d’origine iranienne, il est décédé le lendemain de son 93e anniversaire, le 31 décembre 2020. Il laisse derrière lui son épouse et quatre enfants, quatre garçons, dont le rav Aaron Eliacheff, de Strasbourg. LPH New rend hommage à l’homme de scène.
Celui qui a percé et triomphé en tant qu’acteur dans les années cinquante et soixante, notamment dans le rôle de Joffrey de Peyrac, a décidé un jour, en 1971, de repartir de zéro, à Reims, pour l’amour du théâtre et de la mise en scène. On connaît le succès, par la suite, de ses superproductions théâtrales.
Cet homme passionné, tendre et violent, littéraire et grossier, doux et emporté, avait une personnalité très attachante. J’ai personnellement travaillé avec lui en tant que comédienne dans trois de ses pièces de théâtre : Danton et Robespierre, au Palais des Congrès, Jules César de Shakespeare au Palais des Sports, et Kean d’Alfred de Musset au Théâtre Marigny, et ce fut pour moi une expérience inoubliable, qui m’a beaucoup appris.
Dans son travail de mise en scène, Robert Hossein dirigeait les acteurs en hurlant les consignes depuis l’autre extrémité de salles immenses, proférant des gros mots qui, dans sa bouche, ne sonnaient jamais vulgairement, ou bien en traversant la scène à grandes enjambées pour venir leur parler avec passion, pleurant, riant, ruant dans les brancards. Par son charisme et son émotion à fleur de peau, il était le premier spectacle pour nous tous, avant même l’objet de ses mises en scène. Il avait l’extravagance et la volonté de réaliser ses rêves, la folie de monter des pièces sur des scènes démesurées, avec des dizaines de comédiens qu’il faisait travailler, qu’il aimait et respectait. C’était un homme fidèle dans le travail et fidèle en amitié.
J’ai tenu personnellement à lui rendre hommage.
Et, pour parler comme lui, je conclurai par ces mots : « Il en a fait bouffer, des artistes ! »
Béatrice Nakache Halimi
Robert Hossein a été interrogé en 2001 par André Halimi, journaliste et réalisateur, pour son autobiographie : « La Nostalge » (Éditions Michel Lafon)
André Halimi. Robert Hossein, dans votre vie, vous avez rencontré des gens très importants, des talents…
Robert Hossein. Frédéric Dard, Alain Decaux, Jean-Paul Sartre, Sergio Leone, Roger Vadim, Jean- Paul Belmondo, Marina Vlady, la grande Adjani… Plein de comédiens et de metteurs en scène ! Vous savez, je dois tout, à tout le monde…
En écrivant ce livre, n’avez-vous
pas eu l’impression de revivre votre vie, finalement ? Cela a dû être très émouvant.
R.H. Oui, j’ai revu ma mère,
mon père, qui étaient des gens admirables, des guides sublimes. Quand j’étais jeune et que j’habitais encore chez mes parents, les toilettes étaient au second, l’eau potable au premier, et nous, nous habitions dans la mansarde. Mon père écrivait des symphonies, de magnifiques concertos, des musiques de films.
Ma mère voulait être comédienne.
Et puis, peu à peu, nous sommes sortis de cette situation de misère. Mais par la suite, j’y suis retourné de temps en temps. Ma vie ressemble un peu à un yoyo…
Ce qui vous nourrit, c’est une succession de passions, non ? Vous ne travaillez qu’avec les gens que vous aimez…
R.H. Oui, on est nostalgique du passé et pourtant on s’oblige, comme une torpille, à filer vers un but. Le jour de son sacre, Napoléon a
dit : « Une puissance supérieure me pousse à un but que j’ignore. Tant qu’il ne sera pas atteint, je serai invulnérable, inébranlable. Dès
que je ne lui serai plus nécessaire, une mouche suffira pour me renverser. »
Nous sommes des relais, nous donnons envie aux autres de faire ce que nous faisons…
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