Tamar vous êtes la conseillère des francophones auprès de Nir Barkat Maire de Jérusalem, en quoi cela consiste t il?
Le travail de Conseillère des Affaires Francophones auprès du Maire de Jérusalem consiste en un travail d’écoute, d’analyse et d’action. Je suis en fait la voix francophone du cabinet du Maire de Jérusalem. Je fais notamment le lien avec les journalistes mais aussi avec les personnalités francophones qui souhaitent des entretiens avec le maire.
Au quotidien, je travaille avec une équipe jeune et dynamique.
Pour moi, contribuer à la gestion de la ville de Jérusalem, c’est avant tout savoir écouter et faire preuve d’intelligence collective pour proposer de nouveaux projets.
Lors des évènements tragiques comme ceux des derniers attentats de Paris, j’ai été le lien entre les référents dans les administrations françaises et la Mairie de Jérusalem.
Nir Barkat a exprimé une solidarité avec la France au delà d’un simple message de sympathie, comment expliquez-vous ce grand geste ?
En effet dès la sortie de shabbat le maire de Jérusalem, Nir Barkat, m’a téléphonée pour me demander en premier lieu s‘il y avait des personnes de la communauté qui avaient été touchées.
Il m’a également demandée d’organiser un rassemblement de solidarité à la mémoire des Français cruellement assassinés.
Il a donné, d’autre part, l’ordre d’illuminer aux couleurs de la France la muraille de la Cité de David, porte de Jaffa, et que les drapeaux aux couleurs de la France flottent dans la ville, comme il est d’usage lors de la réception d’un chef d’Etat ou d’événements particulièrement importants.
Pour le maire de Jérusalem, il était évident de manifester son soutien et celui des hiérosolymitains à la France et au peuple français.
Nombreux ont été les français qui on été surpris par l’action du Maire : je rappelle à tous ceux et celles qui ont trouvé l’action “disproportionnée” que Nir Barkat est le maire de la capitale d’Israël et, au-delà de la compassion, il se devait d’agir politiquement en montrant son soutien à la France dans ces moments douloureux.
Quelle a été la teneur de son discours pour la soirée de solidarité ?
Le même jour juste quelques heures avant les attentats de Paris, le Rav Yaacov et Nathanael Litman, un père et son fils, étaient, eux aussi, assassinés à Hevron.
Le maire a fait le lien entre ces deux actes et a souligné qu’il s’agissait du même terrorisme aussi barbare et cruel, et que le monde libre devait se rallier autour d’une même volonté: celle de combattre cet islamisme radical aussi bien en orient qu’en occident.
Qui était présent?
Outre tous les membres du Conseil Municipal, de nombreuses personnalités étaient présentes : le Grand Rabbin Amar, le Rav Arie Stern, Joël Mergui, Président des consistoires de Paris et de France,
le Consul général de France, Hervé Magro ainsi que la Vice-consule adjointe Me Minh-Di Tang, Monsieur Denis Matton chef de la chancellerie consulaire, de nombreux anonymes, des Français et des Israéliens touchés par ce macabre vendredi aussi bien à Hébron qu’en France et qui ont voulu témoigner leur soutien à la communauté française.
Qui mieux que nous ici à Jérusalem aurait pu ressentir ce que les Français ont vécu ?
Tous les francophones ne réagissent pas de la même façon en raison de la politique pro-palestinienne de la France. Qu’en pensez-vous?
Chaque juif de France a sa vision de la politique française face au conflit israélo-palestinien et je ne pense pas que nous devons faire l’amalgame. La France a sa politique au Proche-Orient. Nous pouvons la critiquer, ne pas être en accord avec elle. Mais nous ne devons pas confondre cette politique avec les horribles attentats qui ont touché la capitale française.
Cependant, il faut le souligner, à l’exception de la mairie du 16ème arrondissement lors de l’enlèvement de Guilad Shalit, nous avons rarement vu les drapeaux israéliens flotter sur les avenues de Paris en réponse à tous les attentats que nous subissons quotidiennement.
Cependant, je reste persuadée que le Maire a eu raison d’agir ainsi, faire du bien à une personne qui vous ignore c’est aussi souvent le mettre devant son manquement.
Il semblerait qu’aujourd’hui le monde pose un nouveau regard sur le conflit israélo-palestinien et l’islam radical.
Je crois que la France commence à comprendre.
Quelles ont été les réactions face aux couleurs bleu blanc rouge sur les murailles de Jérusalem?
Dignes de la pluralité de notre magnifique ville: certains nous ont applaudi et d’autres ont trouvé démesuré l’action municipale.
On ne peut pas toujours plaire à tout le monde!
Pensez-vous que le terrorisme en France va avoir des conséquences sur l’alya?
Bien évidemment, dès le lendemain des événements, un afflux de demandes a été enregistré au bureau de l’Agence Juive à Paris.
Cela laisse augurer une alya massive que l’on pressentait déjà depuis les attentats de janvier.
Les événements qui se sont produits tout récemment en France ne sont pas le moteur de l’alya des français en Israël mais le détonateur d’un plan mûri dans le cœur de chaque juif français et ces événements n’ont fait que précipiter leurs concrétisations. C’est un levier pour la réalisation d’un projet qui était latent au plus profond de chacun.
Les chiffres montrent que les olim de France s’installent plus à Tel-Aviv ou Natanya qu’à Jérusalem, comment l’expliquez-vous?
Il est vrai que Jérusalem est aujourd’hui un peu moins choisie par les Juifs de France que d’autres villes d’Israël, comme Tel Aviv et Netanya.
Les candidats qui décident de faire leur Alya à Tel-Aviv ou dans toutes autres villes côtières sont des gens qui aiment la mer et conjuguent à la fois leur projet d’alya avec une vie plus détendue et agrémentée des plaisirs que peut offrir cette localisation. Ils font de leur résidence principale également leur résidence secondaire.
Cela est certainement dû au fait que ces villes sont perçues comme étant le poumon économique d’Israël, pouvant accueillir des olim hadashim en quête d’opportunité professionnelle. Jérusalem a toujours attiré une alya plutôt religieuse durant des décennies.
Aujourd’hui on constate que la population qui choisit Jérusalem a fait ce choix pour profiter du système scolaire de qualité qu’offre notre ville et pour les personnes plus âgées, sans enfants scolarisés, c’est le côté culturel qui les séduit et moins que l’aspect spirituel de Jérusalem.
Ceci dit, le développement d’infrastructure de transports, la création de la nouvelle ligne de train qui reliera Tel-Aviv et Jérusalem en 26 minutes, les mesures prises par la mairie pour attirer les investisseurs et les entrepreneurs, permettent d’envisager un bel avenir en termes d’emplois et de facto d’alya.
Toute notre communication et notre travail à la mairie sont axés sur ces opportunités susceptibles d’attirer de nouveaux Olim de France.
Mais l’essentiel, nous le savons tous, c’est que les français rentrent à la maison, et ce peu importe la ville dans laquelle ils s’installent, n’est-ce pas?