Il y a deux semaines la Paracha a commencé en parlant de la Ménorah (Bamidbar 8,2) : אֶל מוּל פְּנֵי הַמְּנוֹרָה יָאִירוּ שִׁבְעַת הַנֵּרוֹת. Face à ce que le verset appelle פְּנֵי הַמְּנוֹרָה les sept lampes doivent éclairer. Rabbi Ovadia Sforno (commentateur italien du 16e siècle) explique que פְּנֵי הַמְּנוֹרָה désigne la branche centrale du candélabre, et qu’il y a 3 branches à droite, symbolisant l’attribut de bonté חסד et 3 branches à gauche, symbolisant l’attribut de rigueur דין. Ensemble, toutes les lampes éclairent. Cet “ensemble” est aussi symbolisé par la symétrie de la Menorah.
L’étude des symétries est fondamentale en mathématiques, elle donne même lieu à un congrès annuel de chercheurs qui touchent à tous les domaines des mathématiques. Bien évidemment, on y définit des symétries un peu plus exotiques que celles dont je parle ici. En physique des particules on étudie certaines symétries particulières.
Cette exigence de symétrie se rencontre à différents niveaux dans la vie juive. Elle se rencontre dans les mots appelés palindromes. Par exemple, l’ordre de donner comme rachat de son âme est indiqué dans la Paracha de Ki-Tissa par le mot ונתנו (Chemot 30,12): ce mot se lit de façon identique dans les deux sens. Quand il s’agit de deux personnes, chacune doit être prête à donner à l’autre de la même façon. Seule la vocalisation rompt la symétrie.
On rencontre cette symétrie dans nombres d’ustensiles de culte : la Menorah que nous allumons à ‘Hanoucah (de nos jours certains artistes créent des objets asymétriques, mais ils sont souvent inadaptés à l’accomplissement de la mitsva). La symétrie peut être aussi en rotation : le gobelet du kiddouch est souvent arrondi, parfois octogonal, toujours symétrique.
Une synagogue est pratiquement toujours symétrique. Pas forcément le bâtiment extérieur. Par exemple, la grande synagogue de Budapest (la plus grande synagogue d’Europe, rue Dohany) est construite sur un terrain asymétrique. Mais la grande nef montre des symétries impressionnantes (voir illustrations), jusque dans les moindres détails.
L’asymétrie du terrain se traduit par une asymétrie de la façade, dont toutefois la partie principale est tout à fait symétrique : deux tourelles, les fenêtres à arceaux, la rosace.
Remarquons aussi : 1 fenêtre ronde sous chaque tourelle, sous chacune d’elle une fenêtre (parfaitement symétrique) composée de deux éléments en hauteur surmontés de 3 éléments ronds de tailles différentes, entre les tourelles 5 fenêtres rondes, et chaque tourelle a 8 faces. Vous vous souvenez : 1,2,3,5,8 sont des nombres successifs de la suite de Fibonacci, nous en avons parlé il y a quelques mois. Symétrie et nombres de Fibonacci sont des éléments fondateurs de l’harmonie.
D’ailleurs, regardez les visages des personnes réputées belles : ces visages sont symétriques. Si un visage n’est pas symétrique, il est difforme (alors qu’il a une forme !).
D’ailleurs dans le parc à la mémoire de Raoul Wallenberg, à la synagogue de la Dohany est installé un « monument à la vie », en souvenir des victimes de la Shoah : il est composé d’une construction symétrique au milieu, et d’un arbre stylisé. Là, la symétrie est rompue.
Il est souvent nécessaire d’adoucir la symétrie, justement avec des courbes qui ne sont pas des arcs de cercle. C’est le cas du Hekhal de la synagogue משכן יצחק à Pisgat Zeev: tout est symétrique, sur la base de piliers droits, d’encadrements circulaires, et même les motifs de fer forge à l’intérieur des voûtes sont symétriques.
Ici, la symétrie est adoucie par la voûte centrale, dont le bord n’est pas circulaire, mais est défini par une courbe appelée cycloïde.
On m’a rapporté au nom du Rav Ginzburg qu’il nomme la symétrie par le mot חן, qu’on peut traduire par “grâce”. C’est ce qu’on entend dans le verset (Berechit 6,8) : Noah a trouvé grâce aux yeux de D וְנֹחַ מָצָא חֵן בְּעֵינֵי ה’. נח et חן sont symétriques, ce qui exprime l’harmonie régnant entre Noah et D.
Pr Noah Dana-Picard