La Startup Nation engendre une manne d’investissements mondiaux. Extraordinaire et pourtant vrai. Les startupistes israéliens ont eu en 2015 une année record dans le domaine des exits. 62 startups israéliennes ont été vendues à des investisseurs mondiaux à des prix élevés. Une nette progression par rapport à 2014. Un montant record : $11 milliards!
UN EXEMPLE REVELATEUR. En 2015 Microsoft a confirmé l’acquisition de l’entreprise israélienne Secure Islands pour un montant de 150 millions de dollars. La technologie de cette société – déjà utilisée par le Crédit Suisse, Vodafone et UBS – sera intégrée dans Azure afin de renforcer la gestion des droits. Microsoft travaillait déjà avec la solution de Secure Islands qui propose de protéger les données à travers presque tous les types de fichiers.
Le cloud est clairement devenu une priorité pour Microsoft et cette dernière acquisition apporte aux clients de sa plate-forme IaaS de meilleurs services pour la protection des données à travers Azure et Office 365, mais elle peut aussi fonctionner avec des systèmes de stockage sur site.
Avec cette dernière acquisition, Microsoft a mis la main sur cinq entreprises IT israéliennes cette année, dont deux déjà spécialisées en cybersécurité, une des particularités des start-ups israéliennes qui travaillent étroitement avec le complexe militaro-industriel local. Microsoft a ainsi racheté Adallom pour une somme non divulguée en septembre dernier, mais aussi Aorato, Equivio, et N-Trig.
A SAVOIR SELON CHALLENGES
Comment revendre sa start-up à prix d’or à un géant du Web? Réunis par Google lors de la Paris Start-up café, les créateurs songent plus à développer leur société qu’à la revendre. Mais leurs aînés ont accepté de donner quelques conseils.
Google organisait le 3 octobre au Comptoir Général (Paris 11ème) le “Paris Startup Café”, une initiative visant à mettre en contact créateurs de start-ups et “mentors” aux champs de compétences variés pour traiter plusieurs problématiques: comment utiliser une plate-forme “cloud”, tirer parti du mobile, comprendre HTML5…
L’occasion pour Google de se faire bien voir de jeunes entrepreneurs dynamiques, et donc de développer son écosystème. Mais aussi l’opportunité pour ces derniers de bénéficier de conseils d’entrepreneurs expérimentés. Challenges.fr est allé poser la question à un million de dollars : quelles sont les erreurs à éviter, et les règles à respecter, pour se faire racheter par une multinationale high-tech comme Google, Apple, Microsoft ou Amazon ?
La revente, pas un projet immédiat
Bien entendu, il a fallu franchir la barrière de corail des haut-cris indignés: “Nous lançons la start-up parce que nous croyons au projet, pas pour la revendre !” “On veut créer une entreprise, pas jouer aux spéculateurs”, entendait-on ici ou là, entre les canapés cosy des tables-rondes et les tables-basses des ateliers thématiques.
La plupart des jeunes entrepreneurs semblaient bien entendu sincères, telle Tiana Roalison, CEO de Smartelia, une société qui emploie des salariés basés à Madagascar afin de proposer un service “d’assistance téléphonique” à distance aux entrepreneurs français (les secrétaires basées à Antananarivo prennent les appels de leurs clients et, surtout, trient tous leurs mails à leur place, par exemple) : “en fait, mon objectif en créant cette entreprise, c’est de contribuer au développement de mon pays d’origine”, explique-t-elle.
La plupart des autres “start-upers” rencontrés tiendront aussi un discours centré sur leur projet et son idée-force, et avouent pour la plupart ne pas avoir eu le réflexe de penser si tôt à une éventuelle revente. Même leurs aînés semblent a priori leur donner raison. “Ce qu’il faut avant tout, quand on lance sa start-up, c’est mettre en place un business-model viable”, assure Martin Gorner, organisateur de l’événement.
Lequel sait de quoi il parle : il a revendu sa société Mobipocket à Amazon et travaille aujourd’hui chez Google. Et se souvient de la folle période pendant laquelle la vente a eu lieu : “en fait, Jeff Bezos voulait acheter un “reader” (application permettant de lire des livres numériques NDLR) pour son activité e-books et Kindle, se rappelle-t-il. Ils nous ont donc approchés, et notre CEO a passé quatre mois avec eux à faire de la “due diligence” (examen minutieux des comptes NDLR).
“Il a sauté dans le premier avion…”
Seulement voilà : les négociations ne débouchaient sur rien. Alors notre CEO a pris son courage à deux mains et leur a dit : ‘en fait, j’ai compris ce que vous voulez : vous voulez un simple partenariat technique. Alors OK, pas de vente, mais mettons en place ce partenariat’. A cette éventualité, le responsable américain de la négo a sauté dans le premier avion pour nous voir et nous proposer un rachat immédiat.” Comment a-t-il appris la nouvelle, lui ? “En fait, ça s’est passé de manière bizarre, se rappelle-t-il. C’était en 2005, et j’étais allé voir mon patron pour lui dire que je venais de recevoir une offre d’emploi d’Apple, et que j’allais quitter la société. Alors il a souri, et m’a répondu : “bon, il faut qu’on parle”. Il venait d’apprendre qu’Amazon acceptait de nous racheter… Du coup, évidemment, je suis resté pour vivre cette aventure”.
“Bonjour, c’est Steve Jobs, je voudrais vous rencontrer…”
Présent lui aussi au Paris Start-up café, Anselm Baird-Smith, le fondateur de Lala (un site de musique en ligne), se rappelle également le jour où Steve Jobs les a appelés pour leur proposer le rachat. “C’était en 2009, et je me souviens même du jour: c’était un 9 décembre, sourit-il. “J’étais là quand notre CEO, Bill Nguyen (aux Etats-Unis, Nguyen se prononce Wen, comme John Wayne, NDLR) a reçu le coup de fil de Steve Jobs : il est resté très froid au téléphone, très “pro”, et n’a rien laissé paraître. Ensuite, Jobs nous a tous invités dans sa villa. Il était vraiment très chaleureux, car il savait qu’il y avait de la concurrence pour nous racheter, nous étions notamment convoités par… Google”.
Même s’il est difficile d’obtenir des “règles d’or” pour bien vendre sa start-up, il est possible, malgré tout, en insistant, d’obtenir quelques conseils et recommandations. Tant mieux. Car il serait certes contre-productif et prématuré de songer trop tôt à revendre sa start-up à un géant du Web. Mais ne pas y songer du tout risque de compromettre la vente si cette éventualité devenait un jour une réelle possibilité.
Les 10 règles d’or pour bien vendre sa start-up
1/ Pour Martin Gorner, “le premier conseil, c’est de ne pas penser qu’on va être racheté par Google, Amazon, Apple ou qui que ce soit. Cela vous détourne du véritable objectif, qui consiste à créer un bon produit. Il faut ensuite penser d’abord et avant tout à développer une grande communauté d’utilisateurs satisfaits, poursuit-il. Une grande société commence à s’intéresser à vous quand vous avez une très large base d’utilisateurs.”
2/ “Ne pas hésiter à aller boire régulièrement un café avec des salariés de la société qui vous intéresse, confie pour sa part Anselm Baird-Smith. C’est ce que nous faisions avec les salariés d’Apple quand nous étions basés à Palo Alto. Et nous n’hésitions pas à les tenir régulièrement au courant de nos développements et de nos projets.”
3/ “Rester “légal” , reprend Martin Gorner : la tentation est grande, dans l’univers du Web, de s’affranchir des contraintes légales, où de ne pas trop chercher à se renseigner sur des questions juridiques complexes. Erreur. La moindre faille juridique peut être fatale et empêcher la vente”. Ainsi, le site de téléchargement Imeem n’a jamais pu pu être vendu car lorsqu’on téléchargeait une chanson, celle-ci devenait accessible aux membres du réseau social de l’utilisateur.
4/ “Rester clair sur la répartition des actions”, poursuit-il. Bien entendu, juste avant la vente, c’est le branle-bas de combat et la question de la répartition des actions devient soudain essentielle. Un des fondateurs peut être tenté de s’arroger la part du lion grâce à des manœuvres plus ou moins avouables. Erreur : “Ce type de manip’ se repère tout de suite, et la société qui rachète a horreur de ça. Il vaut mieux respecter dès le départ la “répartition type” en vigueur dans le Silicon Valley et s’y tenir : une partie du capital pour les fondateurs, une partie pour les salariés, une partie pour les investisseurs (souvent des capital-risqueurs)”
5/ “Penser à être cohérent avec l’écosystème de la société-cible”, confie un développeur qui ne souhaite pas être cité, et qui explique que lorsqu’il a le choix entre plusieurs technos, il prend celle qui se rapproche le plus de la logique Android, car ses logiciels sous smartphones seront développés pour ce système d’exploitation. Un autre préférera miser sur l’univers Microsoft. Attention à la “scalabilité”, c’est-à-dire sa capacité à pouvoir passer sans dommage du statut de PME à celui de grande entreprise, voire de multinationale.
6/ “Choisir le bon statut juridique pour son entreprise. “Le blogueur et créateur d’entreprise Guilhem Berthelot s’était amusé à recenser tous les statuts juridiques possibles pour une start-up”, raconte Loïc Dubie, fondateur de Tel Orion (une start-up qui propose une interface permettant aux aveugles d’utiliser des smartphones à écran tactiles). “En fait, il a rayé ceux qui étaient inadéquats… Il ne restait que le statut de la SAS, et c’est effectivement celui que nous avons choisi !” Ceci dit, rien ne vous empêche de vous renseigner par vous même : le guide (gratuit) des start-ups d’Olivier Ezratty propose page 118 un tableau synoptique présentant les caractéristiques des différents statuts.
7/ “Attention au pacte d’actionnaires”, prévient Jérémy Jawish, cofondateur de Shift Technology, une start-up spécialisée dans la détection des fraudes à l’assurance. “Il doit être solide, voire bétonné”. La raison ? “La perspective d’un rachat met les actionnaires en émoi, la paranoïa ou la cupidité peuvent entrer en ligne de compte, il vaut donc mieux tout mettre à plat dès le début, confie-t-il. L’idéal : se réunir en amont, en présence d’un avocat d’affaires qui aura pour fonction, sinon d’arbitrer, du moins de renseigner, d’expliquer et de rassurer. Le point important : éviter à tout prix qu’une seule personne puisse tout bloquer.”
8/ “Etre ultra-sélectif en cas d’entrée d’un nouvel actionnaire, poursuit Jérémy Jawish. Et même éviter autant que possible cette éventualité…. même avec seulement 0,01% du capital, un nouvel actionnaire est une entité supplémentaire dans le dispositif, qui dispose de droits, de prérogatives, et qui peut compliquer la donne en cas de revente”.
9/ “Soigner le story-telling, confie un créateur de start-up qui ne souhaite pas être cité : à la fin du rendez-vous, l’investisseur doit avoir envie de raconter à ses proches, à sa famille ou à ses associés ce qu’il a vu et entendu lors de son rendez-vous avec avec la start-up”.
10/ “Ne pas abattre toutes ses cartes d’un coup : il vaut mieux n’annoncer qu’un seul atout par rendez-vous. Et en annoncer un autre lors du rendez-vous suivant. A la fin du rendez-vous, l’investisseur doit rester sur sa faim et avoir envie d’en savoir plus… lors d’un nouveau rendez-vous”, explique un créateur de start-up qui ne souhaite pas à être cité. Et qui explique qu’il pourrait donner un onzième et dernier conseil lors d’un prochain rendez-vous…”