Difficile de ne pas avoir vu, ces derniers jours, les petits films »Reconnec-sion » qui tournent sur les réseaux sociaux. Face à la caméra, des personnalités de la communauté francophone israélienne, de tous les domaines, mais aussi de la société israélienne comme Myriam Peretz, appellent les olims de France pour une mission bien particulière, qui consiste à reconnecter à leur identité juive les nombreux Juifs de France qui vivent en dehors de tout lien avec la communauté.
Mis en œuvre par l’Expérience israélienne, filiale des programmes éducatifs de l’Agence juive, ce projet est appelé à prendre une ampleur importante en Israël et en France. Nous en parlons avec Daniel Benhaïm, directeur de département à l’Expérience israélienne et ancien directeur de l’Agence juive en France.
Chaque jour, des Juifs s’éloignent de notre communauté
Le projet « Reconnec-sion » est né d’un constat : l’assimilation est croissante en France et chaque jour, des Juifs s’éloignent du noyau communautaire. Résultat : de plus en plus de nos coreligionnaires vivent déconnectés de toute attache à leur identité juive.
»Ce phénomène existe dans le monde entier », précise Daniel Benhaïm, »nous nous concentrons sur la France en mettant l’accent sur les jeunes de 15 à 30 ans ».
L’idée est de les aider à revenir aux sources. Le moyen choisi est celui d’un voyage en Israël. »Nous savons qu’un séjour en Israël, court ou long, est souvent le déclencheur d’une prise de conscience de l’attachement à son peuple, d’un retour à son identité ».
Si Daniel Benhaïm peut affirmer cela, c’est que les exemples dans ce sens ne manquent pas. Il nous explique que l’éloignement de la communauté est lié à deux idées reçues. La première est la croyance qu’être juif est lié au passé, que cela n’a plus rien de pertinent dans nos sociétés modernes. La seconde repose sur l’augmentation de l’antisémitisme : être juif ne serait qu’une source de problèmes.
»La rencontre avec Israël produit un double effet : celui de montrer qu’être juif peut se conjuguer au présent, et l’opportunité de présenter une réalité où les Juifs sont majoritaires et maitres de leur destin ».
Le lien à Israël, toujours synonyme d’alya ?
Les responsables de l’Expérience israélienne l’annoncent d’emblée : le premier objectif de cette opération n’est pas d’encourager ces jeunes à faire leur alya, mais bien de les réassocier à leur destin de juif. Si cela passe, d’après eux, par un voyage en Israël, cela ne signifie pas que l’alya soit à la clé. »Nous sommes cependant convaincus qu’une partie de ces jeunes arrivera à la conclusion que leur identité juive moderne ne peut se décliner qu’en Israël ». Le mot d’ordre est de progresser par étapes.
En fait, »l’État d’Israël n’est pas que le pays des Israéliens, c’est surtout celui des Juifs », estime Daniel Benhaïm. D’où l’idée qu’il est logique que les initiatives concernant les Juifs dans le monde entier naissent en Israël et soit portées par des Israéliens. De nombreux ministères remplissent des missions qui touchent directement ou indirectement les communautés juives dans le monde, que ce soit le ministère des Affaires étrangères, celui de l’Éducation nationale ou des affaires stratégiques et bien entendu, le ministère de la Diaspora fondé pour entretenir le lien entre les communautés juives de Diaspora et Israël.
Pour autant, à ce stade, le projet « Reconnec-sion » demeure un projet associatif uniquement. »Nous devons rencontrer prochainement la nouvelle ministre de la Diaspora, Tsipi Hotobelli. Nous lui présenterons toutes nos actions, dont « Reconnec-sion ». Je n’ai pas de doute sur le fait qu’elle sera fortement intéressée ».
« Je cherche mes frères »
Afin de lancer le projet, l’Expérience israélienne a décidé de s’adresser en premier lieu aux olim français, anciens et nouveaux. »Nous sommes tous responsables les uns des autres », dit Myriam Peretz dans son message de soutien. S’ils ont fait leur alya, c’est qu’ils ont une identité juive marquée, une conscience d’appartenance au peuple d’Israël. Leur rôle est de signaler une ou plusieurs personnes de leur entourage qui vivent éloignées de toute communauté en France. « Aidez-nous à les contacter. Nous leur proposerons des programmes qui leur sont adaptés afin qu’ils retrouvent leur peuple. Il existe de nombreuses possibilités de découvrir Israël, certaines même gratuites », développe Daniel Benhaïm, »Bien souvent, ces personnes ne les connaissent pas. Nous voulons simplement les informer. Ensuite leur choix est totalement libre. En conformité avec les lois sur la protection des données, nous utiliserons les renseignements délivrés uniquement pour rentrer en contact avec les candidats potentiels et leur proposer nos programmes. S’ils déclinent, nous respecterons leur choix ».
Cette précision est importante. En effet, même si nous désirons aider nos proches éloignés, nous pouvons parfois penser que nous n’avons pas le droit de les dévoiler. Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir puisque tout est fait dans le respect de la personne et de sa volonté.
Un écho très positif
De nombreuses personnalités se sont engagées d’emblée pour porter ce programme : responsables associatifs, médiatiques mais aussi rabbins. Leur présence ne connote pourtant pas le projet d’un objectif religieux. »Se reconnecter à son identité juive, à sa communauté, ne signifie pas obligatoirement renouer avec la pratique religieuse. Les Rabbins qui se sont engagés à nos côtés n’attendent pas un retour de ce point de vue. Ils savent que les retrouvailles avec la communauté sont déjà un pallier franchi et sont prêts à accepter qu’il y ait des étapes sur le chemin ». Ainsi les Rav Shaoul David Botschko ou Yehouda Ben-Ichay, sont des figures centrales de « Reconnec-sion ».
Parmi les visages connus engagés, celui de Myriam Peretz est remarquable. Très populaire au sein de la société israélienne, elle fait preuve d’un engagement sans borne pour relier les Juifs entre eux. « Alors qu’elle est très sollicitée par ailleurs, Myriam Peretz a tenu à participer à notre projet », nous raconte Daniel Benhaïm, »d’ailleurs, de façon générale, notre campagne a été reçue positivement. Les gens, de tous bords, se sentent concernés. Le souci de freiner l’assimilation concerne tout le monde ».
Être juif en lien avec son peuple, être un maillon de la chaine de l’histoire
Daniel Benhaïm insiste : »Cette mission, nous la portons avec beaucoup d’humilité. Nous avons besoin de chacun d’entre vous pour la mener à bien. Elle ne se réalisera que par étapes, il faut accepter de ne pas pouvoir en sauter. Elle est primordiale à deux niveaux : elle permettra à chaque juif de renouer un lien avec son peuple mais aussi d’être de ceux qui écrivent l’histoire en devenant un maillon de la chaine ».
Pour l’heure, le message s’adresse aux francophones d’Israël pour qu’ils donnent un nom, les coordonnées d’un proche éloigné de la communauté en France. Ils savent mieux que quiconque l’importance de cette identité, de ce lien, de cette histoire qui se déroule sous nos yeux. Mais à travers les réseaux sociaux, la campagne a déjà touché des Juifs communautaires en France, qui se félicitent de l’existence d’un tel projet. »Nous avons réfléchi à passer par les institutions communautaires françaises pour lancer le projet en France. Mais, à notre époque, l’engouement populaire produit des résultats incroyables. Nous convaincrons par la suite les leaders communautaires de se joindre à nous et nous réfléchirons avec eux à la façon optimale pour atteindre nos objectifs. Pour le moment, il nous semble que le dialogue avec eux est encore difficile et nous nous appuyons sur l’enthousiasme populaire pour avancer ».
A l’image des campagnes de don, l’Expérience israélienne prévoit une journée marathon, le dimanche 23 février, lors de laquelle, elle se fixe comme objectif de récolter au minimum 1000 noms de Juifs français à contacter. »Le projet suscite des réactions positives pour l’instant, mais on note que le passage à l’acte est plus timide. Les gens hésitent à dévoiler un nom, des coordonnées. Je veux dire à quel point ce petit geste n’aura aucune conséquence désagréable pour la personne contactée, en revanche, il pourra avoir des répercussions positives importantes pour elle et pour tout le peuple juif ».
Pour aller plus loin :
Guitel Ben-Ishay