En ce début d’année, le Rav Yossef Haïm Sitruk nous a accordé un entretien, à quelques jours de son arrivée en Israël pour Yom Kippour. Malgré la fatigue causée par son état de santé, le Rav a tenu à s’adresser à la communauté francophone d’Israël, de laquelle il est resté proche, et qui se sent toujours très liée à son ancien Grand Rabbin. Nous revenons avec lui sur la signification de cette période.
Le P’tit Hebdo : Tout d’abord Rav Sitruk, comment allez-vous ?
Rav Yossef Haïm Sitruk : Pour moi, la maladie est une expérience douloureuse. Mais elle me rapproche encore plus d’Hachem. Alors je me bats et je prie. Je sais que la guérison vient du Tout Puissant, que les médecins ne sont que ses envoyés. Sur le plan médical, barou’h Hachem, je résiste bien. Mon état de santé est pour moi un moyen d’être toujours plus près de D’ieu, je ne le vis pas mal, au contraire.
LpPH : Les fêtes de Tichri correspondent toujours au moment de la rentrée scolaire. Vous êtes, vous-même, à la tête de plusieurs institutions en France et en Israël. Quelle est la clé d’une éducation réussie ?
Rav Y-H.S. : Je veux d’abord rappeler que la racine hébraïque du mot éducation « h’inou’h » est la même que celle de « h’anouka », l’inauguration. Éduquer un enfant, c’est inaugurer. Le rôle de l’éducation et de l’éducateur, c’est de promouvoir les qualités de l’enfant. Cela commence par une phase d’observation pour déceler son caractère, son projet de vie. Ensuite, seulement on peut agir. L’éducation ce n’est pas comme une recette de cuisine, il ne suffit pas de l’appliquer à la lettre pour réussir. Ce qui est bon pour l’un ne l’est pas forcement pour l’autre. Réussir l’éducation, c’est préparer l’enfant à être un adulte en fonction de ce qu’il est fondamentalement. Et cela s’obtient par la transmission du goût de l’effort davantage que par l’inculcation de connaissances. Celles-ci peuvent s’oublier, en revanche le souvenir de l’effort fourni est gravé en soi. Un homme est modelé par les efforts qu’il a fournis.
La période de Tichri est un bon exemple de ce schéma. Il ne suffit pas d’expliquer à l’enfant ce que sont les Yamim Noraïm. Il faut d’abord montrer à l’enfant qu’une nouvelle année est un redémarrage. Il faut l’impliquer dans la pratique de toutes les mitsvot qui nous sont imposées dans cette période : assister aux prières, écouter le Shofar, etc. En étant investi dans les fêtes, l’enfant ressentira cette nouvelle chance qu’offre la nouvelle année et y sera sensibilisé.
LPH : Parfois on se dit que Rosh Hashana et Yom Kippour sont un peu une routine. Comment retrouver chaque année, la solennité de ces journées ?
Rav Y-H.S. : Nous devons toujours chercher la nouveauté en nous-mêmes. La Torah est un rituel mais les mitsvot sont faites pour que l’on se renouvelle sans cesse. Je ne suis jamais le même tout au long de ma vie. Ce renouveau, on ne peut le trouver que dans la prière et la prise de conscience de l’importance des Yamim Noraïm.
LPH : On dit que Yom Kippour ne nous absout que des fautes commises envers D’ et non de celles commises envers notre prochain. Pourquoi dissocier les deux ?
Rav Y-H.S. : Dans notre relation avec Hachem, les erreurs que l’on peut commettre sont claires. En revanche, pour se rendre compte de nos manquements envers notre prochain, nous devons nous mettre à la place d’autrui. Ceci demande un travail beaucoup plus difficile et bien différent de celui de notre remise en question par rapport à D’ieu. Afin de se racheter des fautes commises envers notre prochain, nous devons procéder à une introspection encore plus grande. Les deux types d’erreurs doivent être dissociées car elles n’obéissent pas aux mêmes règles, aux mêmes schémas et n’ont pas les mêmes solutions.
LPH : Vous serez à Jérusalem, au Waldorf Astoria, pour Yom Kippour. Que ressentez-vous de particulier le jour de Kippour en Israël ?
Rav Y-H.S. : Passer Yom Kippour, le jour le plus important de l’année, à Jérusalem, le lieu le plus important du monde, est évidemment riche en sens et en émotion ! Ce sera pour moi aussi l’occasion de retrouver tous les Français qui ont fait leur alya et qui me restent chers. Je me réjouis de retrouver un échantillon du judaïsme français en Israël. En effet, le judaïsme français a ceci de particulier qu’il sait, mieux que n’importe quel autre judaïsme, rassembler. En Israël, nous savons que l’on aime faire entrer les gens dans des catégories, le judaïsme français a toujours refusé cela. Il n’y a pas de cloisonnement mais un vivre-ensemble unique, où tout le monde respecte tout le monde. C’est ce que nous retrouverons et ce que nous partagerons lors des offices de Kippour.
LPH : Pour conclure Rav Sitruk, nous ne pouvons qu’être impressionnés par l’énergie dont vous faites preuve, par le nombre toujours important d’activités que vous menez, et nous nous en réjouissons. Cependant, ne pensez-vous jamais à vous reposer ?
Rav Y-H.S. : Pour moi l’action à l’égard de mes frères est mon carburant, mon moteur. Je ne pourrais m’en passer !
Yom Kippour au Waldorf Astoria avec le Rav Yossef Haïm Sitruk :
Mardi 22/09 au soir et Mercredi 23/09
Réservations : 054-7007401 / alefledoroth@gmail.com
Guitel Ben-Ishay