Ran Bar-Yoshafat est originaire de Ramat Hasharon, issu d’une famille laïque. Il n’est ni ministre, ni député, ni même ambassadeur mais il s’est donné comme mission de défendre Israël dans le monde. Cet ancien de l’unité Maglan, détenteur d’une licence de droit et doctorant en histoire, agit depuis 10 ans auprès des étudiants à travers le monde pour faire entendre une autre parole. Pour conclure le dossier que nous consacrons cette semaine à la « hasbara », nous vous proposons de découvrir l’action et le point de vue d’un jeune homme, qui justement n’aime pas le mot « hasbara ».
Le P’tit Hebdo : Pourquoi vous avez-vous décidé de participer à la « hasbara » ?
Ron Bar-Yoshafat : Permettez-moi d’abord de réfuter le terme « hasbara » qui signifie littéralement « explication ». Si nous commençons à dire que nous devons expliquer c’est que nous avons besoin de nous justifier. Or nous ne faisons rien qu’il ne faille justifier. En fait, j’ai voulu agir à la suite de mon service militaire. J’étais combattant au sein de l’unité d’élite Maglan. Mon rôle était d’aller chercher les terroristes. Non pas de les tuer en leur tirant dessus au loin mais bien de mettre ma vie en danger pour les arrêter. Je voyais cette mission comme hautement positive : sauver la vie de mes frères et respecter une éthique. Mais lorsque j’ai fini mon service, j’ai compris que pour beaucoup de personnes dans le monde, mes actes étaient très négatifs et même condamnables ! J’ai donc commencé à militer au sein de différentes organisations, et aujourd’hui c’est notamment avec « Stand With Us » que je donne des conférences dans les universités, à travers l’Europe, les États-Unis et l’Australie.
LPH : N’êtes-vous pas parfois découragé ? N’avez-vous pas l’impression que c’est un combat perdu d’avance ?
R.B-Y. : Il faut effectivement distinguer entre les Américains et les Français dans mon travail. La bataille est beaucoup plus dure en France. Il s’y trouve un nombre beaucoup plus important de personnes activement voire violemment contre Israël. Par exemple, si dans mes conférences j’explique qu’une femme enceinte qui arrive à un barrage peut, en réalité, ne pas être enceinte et cacher des explosifs, alors pour les Américains il ne sera pas choquant de la contrôler alors que les Français me diront qu’il faut attendre plusieurs attentats de ce genre avant de commencer à soupçonner les femmes « enceintes ».
LPH : Pourtant les campus américains aussi sont le théâtre de manifestations anti-israéliennes.
R.B-Y. : Oui, et c’est aussi dans ces endroits que mon travail produit le plus de résultats. Les endroits où il m’est le plus difficile d’intervenir ne sont pas ces campus mais ceux où l’on empêche carrément les étudiants d’entrer dans mes conférences. Mais dans la plupart des campus américains, les gens ne demandent qu’à écouter et être informés.
LPH : Quel message portez-vous ?
R.B-Y. : Il est impossible de vous donner un message en quelques mots. Mon discours, mes arguments s’adaptent au public auquel je m’adresse. Certains seront plus sensibles aux aspects religieux, d’autres historiques, d’autres politiques, d’autres militaires,… À ceux qui refusent d’entendre sous prétexte qu’Israël se positionne sur une terre occupée auparavant par les Palestiniens, alors nous posons la question de savoir jusqu’à quand remonter dans l’histoire pour aller au bout de leur raisonnement.
LPH : Comment savez-vous si vos conférences portent leurs fruits ?
R.B-Y. : Il y a déjà les personnes qui tout de suite après la conférence viennent me remercier et me dire qu’elles ignoraient bon nombre d’éléments. Mais surtout, nous menons des enquêtes d’opinion en demandant aux personnes leur point de vue un mois avant la conférence, puis un mois après. Les chiffres montrent qu’entre 10 et 20 % des participants ont modifié leur façon de penser.
LPH : À votre avis, pourquoi est-il si difficile de faire entendre la voix d’Israël dans le monde ?
R.B-Y. : Soyons honnête, la grande majorité des populations dans le monde, et même en Europe et aux États-Unis n’ont que faire d’Israël et de son conflit avec les Palestiniens. La couverture médiatique de notre État n’est pas proportionnelle au degré d’intérêt que nous portent les peuples occidentaux. Alors oui, les actions anti-israéliennes progressent, notamment en Europe, il faut en être conscient et agir. En fin de compte, je pense que ce qui affaiblit notre voix ce sont ceux qui, de l’intérieur, donnent de l’eau au moulin de nos détracteurs. Nous avons un gros travail interne à faire. D’ailleurs, je ne donne pas que des conférences à l’étranger, je m’attache à faire évoluer ici aussi ceux qui ont des idées fausses sur notre réalité. Par ailleurs, je pense que nous devrions cesser de parler de chaque décision de boycott institutionnel, mais plutôt d’agir en justice contre celles-ci. À chaque fois que nous les diffusons, nous donnons des idées aux suivants, nous les renforçons.
LPH : L’antisémitisme motive-t-il aussi les politiques à notre égard ?
R.B-Y. : Ce n’est peut-être pas le seul moteur, mais oui il existe toujours un antisémitisme en Europe et y compris au niveau de certains gouvernements. Ajoutons à cela un mariage plus que douteux entre extrême-gauche et islamisme en Europe qui est à haut risque pour les Juifs.
LPH : Vous qui êtes au contact de la jeunesse, que vous inspire-t-elle pour l’avenir ?
R.B-Y. : Ma grand-mère me disait toujours que quand on vit en Israël, on est obligé d’être optimiste, ce que je suis. Ceci étant, je reconnais qu’il y a des choses à améliorer et beaucoup de travail pour que les Israéliens, qui sont déjà des jeunes exceptionnels, soient encore plus proches de leur État et de leur identité. Nous pouvons tous être des ambassadeurs d’Israël.
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay