Rahel Azaria est passée en politique de l’échelon local au national : d’adjointe au maire de Jérusalem à député du parti Koulanou. Mais ses combats sont restés les mêmes. Au cœur de ses préoccupations, la famille et la femme. Elle joue un rôle actif au parlement dans ce sens. Nous revenons avec elle sur ces thèmes.
Le P’tit Hebdo : Vous agissez activement pour promouvoir des lois concernant la famille et le statut de la femme. La situation est-elle si mauvaise dans notre pays ?
Rahel Azaria : Absolument pas. Israël est un pays qui valorise la famille et les enfants. Notre système scolaire est gratuit depuis la maternelle et beaucoup d’autres avantages existent. Mais c’est justement parce que nous respectons cette valeur famille que nous devons sans cesse travailler à la promouvoir. Israël est le pays de l’OCDE qui a le plus fort taux de femmes qui travaillent, et parallèlement celui qui a le plus haut taux de fécondité. Mais c’est aussi celui où les écarts de salaire entre les hommes et les femmes sont les plus élevés. Donc dire que la vie quotidienne est facile n’est pas vrai non plus. C’est pourquoi je soutiens et j’agis, avec le parti Koulanou, pour que l’État s’investisse davantage dans les frais liés à l’éducation et à la garde des enfants. C’est ainsi que nous avons fait passer une loi qui augmente le nombre de jours de congés par an et nous promouvons la liberté pour chaque couple de pouvoir décider qui sortira plus tôt du travail pour s’occuper des enfants.
LPH : Vous êtes très impliquée dans les débats autour de la loi sur les mikvés. Vous vous y opposez. Pourquoi ?
R.A. : À l’origine cette loi a été prévue pour contrer les mouvements réformistes. Mais nous nous sommes égarés en chemin ! Nous ne voulons pas que le rabbinat se mêle des traditions que chacune respecte depuis des générations. Le Rabbinat ne vient pas vous imposer d’attendre 3 heures ou 6 heures entre la viande et le lait, pourquoi aurait-il le droit d’imposer la façon dont une femme se trempe au mikvé. Cette loi s’immisce dans les moindres détails comme le nombre de fois qu’une femme se trempe lors de sa tvila. Si une femme a la tradition de le faire 9 fois, par exemple, eh bien elle n’en aura plus le droit. Pareillement pour celles qui se trempent avant la tombée de la nuit le vendredi soir : aujourd’hui beaucoup de mikvés le permettent, cette loi l’interdira puisque ce n’est pas 100% conforme au choul’han arou’h ! De même pour celles qui se trempent pour des segoulot, comme pendant le 9e mois de grossesse : elles ne pourraient plus le faire ! Je me suis opposée avec mon parti Koulanou, parce que cette loi est très problématique. D’ailleurs le Conseiller juridique du gouvernement va dans notre sens. Nous avons donc posé comme condition que la loi soit approuvée par tous les membres de la coalition pour pouvoir être adoptée.
LPH : Peut-on alors trouver une solution à la question de l’accès au mikvé par les réformistes ?
R.A. : On peut évidemment en trouver mais pas ainsi. J’ai été mandatée par Moshe Kahlon pour veiller à ce que les femmes ne soient pas lésées par la loi. Je ne me préoccupe pas de ce qui concerne les réformistes en tant que tels. Pendant des siècles, les femmes se sont trempées suivant leurs traditions, en respectant les principes hala’hiques de base. Aujourd’hui, il s’avère que les balaniot reçoivent des instructions de plus en plus strictes. C’est contre cela que nous nous alarmons.
LPH : La femme ne serait-elle pas assez considérée par les autorités religieuses ?
R.A. : En l’occurrence dans le cas de la loi sur les mikvés, il s’agit d’hommes qui décident de comment une femme devrait avoir le droit ou pas de se tremper. C’est tout simplement inconcevable. Ceci étant dit, dans le judaïsme la femme a toujours été respectée tout au long de l’histoire. Alors que dans certaines civilisations les enfants étaient, par exemple, la propriété exclusive du père jusqu’à une époque moderne, cela n’a jamais été le cas chez les Juifs. Sur beaucoup d’autres plans, nous pouvons nous réjouir du statut accordé à la femme dans notre religion.
LPH : L’un de vos autres chevaux de bataille est la question des agounot et des messouravot guet. Que pensez-vous quant au statut de la femme dans ce cas ?
R.A. : Sur ce sujet aussi il faut avouer que des efforts ont été faits tout au long de l’histoire, notamment concernant les agounot, ces femmes dont les maris disparaissent sans que l’on ne retrouve jamais leurs corps et qui n’ont donc pas donné de guet.
Mais à mon grand regret, les autorités religieuses aujourd’hui ne font pas suffisamment pour que les hommes réticents donnent le guet à leur femme. Je m’occupe beaucoup de la question. J’ai proposé que les dayanim, tous hommes, soient assistés par des femmes dans leur jugement. Cela m’a été catégoriquement refusé. Quand un homme refuse de donner le guet à sa femme, le beth din lui laisse 30 jours pour le faire sous peine de sanctions. Mais il revient à la femme de retourner se plaindre si le guet n’a pas été donné, sinon le beth din ne fait rien ! J’ai souhaité que cette aberration s’arrête en mettant en place un système informatique qui alerte systématiquement de l’écoulement de la période de 30 jours sans guet à la clé. On nous a réclamé des moyens humains et financiers. Moshe Kahlon, qui sait l’importance du sujet, a débloqué le maximum : cela ne leur suffit pas !
Pour être franche, j’agis toujours avec beaucoup de détermination dans les sujets qui me tiennent à cœur, avec optimisme dans le résultat. Mais dans certains cas, concernant les tribunaux rabbiniques, je ne suis pas du tout optimiste, je ne vois pas de volonté d’arriver à des solutions pérennes…
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay
Photo: Marc Sellem