Le monde devint désolation jusqu’au moment où, grâce à quelques élèves, Rabbi Akiva put, dans le sud de notre terre, reconstruire une Torah renouvelée, mais si, sans aucun doute, chacun de ces grands Maîtres reste incontournable dans la transmission de valeurs essentielles à notre nation, il n’empêche que seul le souvenir de Rabbi Shimon eut le mérite d’être inscrit à jamais dans le cœur de la nation hébraïque. Ainsi, tous, sans exception, les érudits comme les moins initiés sont en mesure de nommer la date du décès de notre maître. Parmi, les enseignements de Rabbi Shimon, l’idée « d’exil de la présence divine » apparait déterminante. En effet, ainsi est exprimé l’amour indéfectible que Dieu a pour nous. Partout où pourrait se trouver notre peuple durant l’exil, la présence divine nous accompagne et même à l’avènement messianique, la présence divine sera encore et toujours à nos côtés. Nous serions tentés d’en déduire, que peu importe où se trouverait le peuple juif, il pourra y vivre sereinement, même en dehors d’Israël, sans aucune crainte ni aucune inquiétude, car Dieu est avec lui. « וְשָׁב ה’ אֱ-לֹהֶיךָ אֶת שְׁבוּתְךָ » (Devarim 30, 3) « Dieu reviendra avec toi » dit le verset. Cependant, en scrutant les autres enseignements de Rabbi Shimon, ce postulat apparait contradictoire avec les propos habituels de notre maitre. Par exemple, durant la période des Juges, alors que la famine fait rage en Israël, Elimelech, lui-même juge (Meguilat Ruth), plutôt que de porter secours à nos frères, décide d’aller s’installer sur la terre de Moav, pour finalement, lui et ses enfants, y décéder. Rabbi Shimon apporte comme explication à ce terrible drame le fait qu’Elimelech ait choisi de quitter Israël et donc de s’éloigner de Dieu. De même, concernant les influences de la nation romaine, au pouvoir à l’époque, sur la nation juive, les maitres sont partagés, et si, Rabbi Yehuda loue les progrès notoires qu’a apportés cette nation malgré les déboires évidents, Rabbi Shimon se montre plus tranché sur la question et donne un avis virulent à l’égard de la nation dirigeante car celle-ci ne sert pas les aspirations du Créateur. Si comme nous venons de le voir, Rabbi Shimon semble être animé d’un amour inconditionnel pour notre Terre et Son lien indéfectible à Dieu, comment pourrait-il cautionner la présence de Dieu avec notre peuple en exil ? Il apparait que cette idée de la présence de Dieu en exil, fut injustement incomprise. La raison pour laquelle Dieu fut présent avec nous en exil avait pour unique objectif de nous remémorer sans cesse notre statut d’étranger, de paria, sur une parcelle de terre qui ne nous convenait pas, de nous rappeler sans cesse que notre destinée est reliée inexorablement au projet divin. Par conséquent, le danger de notre présence en exil n’impliquait pas seulement notre peuple mais aussi la résidence de Dieu dans le monde. Car le Lieu, par excellence, où Dieu a choisi de résider ne peut-être qu’en Terre d’Israël. Comme l’explique Rashi, « le peuple en exil implique que la Shehina, la résidence divine, soit en exil de Dieu ». Au moment où notre dernier exil touche à sa fin, au moment où notre peuple revient sur Sa terre, le nom de Dieu, peut désormais rayonner pleinement dans le monde. Cette lourde responsabilité incombe au peuple juif. Comme l’enseigne le Maharal, lorsque notre peuple est délivré, il délivre, d’une certaine manière, la présence de Dieu, jadis, emprisonnée en exil. Voilà pourquoi Rabbi Shimon est évoqué avec admiration dans le cœur de chaque juif car il incarne la confiance indéfectible envers le retour de notre peuple sur sa Terre et par là-même le retour de la présence de Dieu dans Sa résidence pour l’éternité. Espérons que le mérite de Rabbi Shimon permette de parachever notre délivrance tant espérée et qu’inspirés par sa sagesse, nous puissions chaque jour un peu plus, nous rapprocher des desseins de notre Créateur.
Le Rav David Benitah est enseignant à la Yechiva Or Vichoua
Photo by Meir Vaknin/Flash90