Directrice de la « Maison d’études juives au féminin »
Peut-être ces héros anonymes, agissant dans l’ombre, sur lesquels les projecteurs se braquent parfois un instant, espoirs d’une humanité en perdition. À l’image de ces Justes sauvant des Juifs pendant la Shoah au péril de leur vie. Lassana Bathily, héros de la prise d’otages de l’Hyper-Cacher : « ce n’est pas une question de Juifs, de Chrétiens ou de Musulmans, on est tous dans le même bateau », disait-il. Comme ces héros anonymes qu’Erri de Luca dans un témoignage qu’on a pu entendre au lendemain de Roch Hachana 5775, il y a un an déjà. Ces pêcheurs, rencontrés par l’écrivain italien à Lampedusa, s’étaient retrouvés en pleine mer au milieu de corps qui flottaient, et de vivants agrippés à leurs compagnons d’infortune morts noyés. Ils avaient dû se jeter à la mer pour remonter à bord ces morts-vivants, parce que la mer était gluante de mazout, et les bras de ceux qui étaient encore en vie glissaient des mains de ceux qui voulaient les sauver. Cette vague migratoire, peuple de réfugiés qui déferle sur l’Europe est un événement d’une grande ampleur et d’une grande complexité. Où se trouve l’équilibre entre l’exigence morale de l’accueil des réfugiés et la nécessité de protection des sociétés européennes ? Qui ne doit pas éclipser la vraie question : qui sont les vrais responsables de ces tragédies ? Qui ne doit pas masquer le fait d’une absence d’une vision politique claire des situations syriennes et irakiennes entre autres.
Écrivain. Essayiste
L’événement de l’année, à mes yeux, est, sans conteste, l’accord passé entre le monde occidental et l’Iran. C’est un accord qui, si un Président américain très différent d’Obama n’est pas élu en novembre 2016 et n’a pas le courage d’agir, change radicalement la donne au Proche-Orient et installe en position hégémonique un régime qui ne cesse de promettre d’effacer Israël de la carte du monde. Que des dirigeants occidentaux aient accepté de passer un tel accord sera une tache sombre et indélébile sur la biographie de ceux-ci. L’homme de l’année, pour moi, est Binyamin Netanyahou : il n’est pas parvenu à faire que cet accord ne soit pas passé, mais il a su en appeler à tous les hommes de bonne volonté pour qu’ils comprennent à quel point cet accord est criminel. Sans lui, l’indifférence envers l’accord aurait été bien plus grande.
Universitaire
Le discours de Haisam Hassanein, un étudiant égyptien qui a conclu ainsi son année d’études passée à l’Université de Tel-Aviv : « Enfant, on me disait que les Israéliens étaient nos ennemis éternels, et ce en dépit de l’accord de paix entre nos deux pays. Avant d’arriver en Israël, je pensais que les gens allaient être antipathiques, surtout envers un Égyptien. J’ai été agréablement surpris de découvrir le contraire. La diversité que j’ai découverte ici m’a tout autant surpris que la chaleur des gens. À l’Université de Tel-Aviv, il y a de la place pour tous : Juifs, Musulmans, Chrétiens, Druzes, Bédouins. J’ai vu un soldat bédouin de Tsahal lire le Coran dans le train pendant le Ramadan. J’ai vu Juifs et Arabes vivre ensemble en dépit de ce qui les sépare. Après une année de surprises incessantes, j’ai fini par réaliser qu’il faut toujours remettre en cause nos présupposés. Cette année en Israël m’a enseigné que la vie est pleine de paradoxes et de complexités, et que le meilleur à attendre de la vie et qu’elle nous remette sans cesse en cause ».
Président d’Aloumim. Intervenant à Yad Vashem
La vague de migrants fuyant pauvreté et terreur islamiste vers une Europe divisée et peu capable est pour moi un événement majeur qui donne encore un éclairage nouveau à de futures complications et sert de prétexte à plus de radicalisation de toutes parts. Cela ne concerne pas seulement l’Europe et notre région est de nouveau au cœur d’une ancienne nouvelle crise. Mais cette année a été la première où le nombre de Juifs dans le monde est le même qu’en 1939, 16 millions, et presque la moitié d’entre eux sur la terre d’Israël ! Pour moi, l’homme de cette année passée est le Dr Raphael Toledano de Strasbourg : un homme droit et modeste qui a conduit à l’enterrement des restes de 86 juifs assassinés au camp de Struthof-Natzweiler et gardés dans des bocaux de l’Université de Médecine de cette ville. Ces juifs avaient servi de cobayes pour d’horribles expériences faites par le Dr Hirt de triste mémoire. Raphael Toledano consacre sa vie à soigner et à aider mais aussi à conserver une mémoire digne et respectueuse. Un homme bien, un « mensch ».
Consultant en marketing
5775… année difficile… trois personnages ainsi qu’un dramatique événement qui ont eu un profond retentissement dans la communauté juive francophone m’ont personnellement touchés. La disparition récente de deux très grandes figures du judaïsme (que j’ai bien connues) nous ayant offert de lumineuses explications sur notre Histoire et nos règles de vie nous a tous profondément peinés. Raphaël Dray (zal) : je l’ai découvert, membre discret de la Communauté du 12° arrondissement de Paris dont j’étais un des responsables dans les années 90. Son extraordinaire personnalité et sa vaste érudition multidisciplinaire ont stimulé notre amitié. Benno Gross (zal) : en 1961, préparant mon baccalauréat à l’École Akiba de Strasbourg qu’il dirigeait, j’ai pu avoir de magnifiques conversations avec lui, suscitant mon amicale et exceptionnelle admiration à son égard qui n’a cessé de se renforcer avec le temps ! Ces deux figures emblématiques resteront dans nos mémoires, leur départ prématuré nous ayant tous incités à réétudier leurs écrits et conférences. Le troisième personnage, Lassana Bathily, le jeune musulman malien, manutentionnaire de l’Hyper-Cacher a héroïquement sauvé des vies d’otages lors de l’attaque meurtrière du 9 janvier, en particulier celles de mon neveu, Ilan A. et de son petit garçon de 3 ans. 5775 m’a marqué par ces trois personnalités fort différentes qui ont contribué chacune à sa manière à un renforcement de la conscience juive. Que 5776 soit une meilleure année ! GMAR HATIMA TOVA !
Docteur en histoire des religions
L’homme de l’année, c’est pour moi Abou Bakr al-Baghdadi. Il y a à peine un peu plus d’un an, il a proclamé le nouveau califat, l’État islamique. Ce nouvel État s’étend aujourd’hui sur 230,000 km2, soit la taille de la Grande-Bretagne ! Sa visée doit nous alarmer : abolir tous les États musulmans, supprimer l’État d’Israël, conquérir Rome et imposer par la force la domination politique et juridique de l’islam sur le monde entier. Dans la guerre dans laquelle il est impliqué en Syrie, environ 250,000 personnes ont trouvé la mort, et de plus de 10 millions d’habitants ont été déplacés. Les conséquences s’en font sentir aujourd’hui en Europe, et c’est pour moi l’événement de l’année : un afflux sans précédent de migrants, qui sont, pour l’État islamique, les véhicules de la conquête. L’Occident n’a pas le courage d’envoyer des troupes combattre les soldats d’Allah. Il risque de payer très cher sa pleutrerie.
Président AEI Israël
Sans aucun doute l’évènement de l’année 5775 au plan international fut les attentats de janvier à Paris, avec une série de moments très forts dont il faut espérer que personne n’oubliera la leçon : attentat contre la liberté de la presse et les valeurs de la France, massacre de Juifs en plein Paris, colossale manifestation populaire en réaction en présence de dirigeants du monde entier, enterrement des quatre victimes juives « à la maison », magnifique discours du Premier Ministre français à l’Assemblée Nationale, conséquences sur l’Alyah de France… Mais le monde apprendra-t-il de tout cela ? Quant au personnage de l’année, cela aurait pu être Avraham Azoulay, s’il avait été élu par ses pairs, mais je voudrais dire surtout merci aux milliers d’anonymes qui parfois toute une vie cherchent, qui dans la médecine, qui dans un autre domaine à améliorer la vie des Hommes, à combattre leurs souffrances et dont la majorité restera dans l’ombre. Chana Tova.
Écrivain.Éditeur
Mon personnage de l’année est mon Rav, le Rav Chmouel Azimov, émissaire du Rabbi de Loubavitch à Paris. Il se laissait facilement déranger, il était toujours disponible. Il répondait de façon nette et claire. Il avait ce geste si tendre lorsqu’il attrapait votre barbe et secouait votre tête avec elle, comme celle d’un bélier en signe d’affection. Je priais régulièrement avec lui à la Rue des Rosiers. Un dimanche après-midi, il demanda à une cinquantaine d’entre nous de venir visiter le chantier de la Rue Petit dans le 19ème arrondissement de Paris. C’était un trou béant mais « le sage dit et D.ieu s’exécute ». Avec son accent russe, il pointa du doigt comme pour baliser le lieu : « il y aura là le mikvé et la synagogue, la salle polyvalente, l’école s’élèvera sur 5 étages, 2000 jeunes filles vont recevoir, ici, l’éducation juive qu’elles méritent ». Il nous demanda de nous associer, nous, nos amis et nos familles pour cette grande mitsva car il était important pour lui que les petits dons se multiplient et atteignent ceux des grands donateurs. Aujourd’hui l’édifice est immense et imposant et parmi les 2000 enfants, deux de mes filles y étudient. « Ensemble » est sans doute le mot qu’il nous lègue.