Parmi tous les symboles qui accompagnent la fête de Pourim, le déguisement en est un fondamental ! Mais que cache-t-il ? LPH a voulu aller plus loin que les apparences et s’est entretenu avec Maguy Rotenberg, psychologue afin de comprendre ce que le déguisement révèle ou cache…
Le P’tit Hebdo : Le choix d’un déguisement est-il anodin ?
Maguy Rotenberg : Le choix d’un déguisement est évidemment porteur d’une signification. Prenons d’abord l’étymologie du mot. En français, cela vient nous rappeler l’expression « à sa guise », donc synonyme de liberté. Le déguisement autorise une liberté de langage et de manières. En hébreu, le mot « ta’hposset » vient de la racine « ‘hipouss » (recherche). Le déguisement est une recherche de soi-même ou au contraire de celui que l’on n’est pas (et que l’on voudrait être ?). C’est une sorte d’exutoire qui peut aider à s’affranchir des contraintes, une sorte d’échappatoire à la réalité. Le déguisement permet de décompresser en s’accordant la possibilité d’être quelqu’un d’autre. Pour l’enfant, il est souvent synonyme d’évasion dans un monde imaginaire (celui des super-héros, par exemple). Par ailleurs, un déguisement est aussi le signe d’une appartenance, tout comme le sont la robe d’avocat ou la blouse de médecin. « L’habit fait le moine » à savoir que parfois l’habit « réduit » l’individu et l’assimile à sa fonction ou à la représentation de son costume, et parfois l’associe au prestige de sa fonction. Le masque, quant à lui, est un visage artificiel qui rend méconnaissable. Il s’agit de la version radicale ou expresse du déguisement.
LPH : Que voir derrière le refus ou la réticence de certains à se déguiser ?
M.R. : Le déguisement met en avant quelque chose d’extravagant. Il fait perdre la mesure. Une personne qui n’y arrive pas peut ne pas avoir envie de se révéler ou être simplement dérangée par cette position d’extravagance. Elle a du mal à jouer le jeu de perdre son « je ». En général, les petits adorent se déguiser. Chez l’adolescent, cela dépendra beaucoup de la loi du groupe : que font les autres jeunes qu’il fréquente ? Les adultes sont ceux que le déguisement interpelle souvent le moins, ils le voient comme un jeu d’enfant. Notons qu’en Israël, même chez les adultes, le déguisement est répandu, la société israélienne est très libérée et décomplexée par rapport au déguisement.
LPH : Doit-on orienter nos enfants et nos adolescents dans le choix de leur déguisement ?
M.R. : Souvent, pour les parents l’argument principal pour orienter le choix d’un déguisement est son prix (argent ou efforts à fournir). Quant aux enfants, il ne faut pas s’émouvoir par exemple qu’un petit veuille être déguisé comme tous les garçons de sa classe. Les enfants ne recherchent pas l’originalité à tout prix, c’est valable pour les petits et pour les adolescents. En revanche, à la préadolescence les jeunes passent par un stade où ils veulent justement se démarquer, cherchent à sortir des sentiers battus. Ils peuvent avoir des idées saugrenues… Dans ce cas, comme dans beaucoup d’autres situations, tout est dans la communication et dans le rapport à l’autre. Il ne s’agit pas de dire à un enfant : « ton déguisement est nul », il faut parler, poser des questions, éviter de juger, arriver ensemble à une réflexion… parfois à un modus vivendi. Pour cela il faut s’y prendre à l’avance et être en position de pro-action et non de ré-action.
LPH : Pourquoi le déguisement est-il associé à la fête ?
M.R. : Parce que comme je le disais, il est synonyme de liberté. C’est l’occasion de changer nos repères. Le déguisement est l’optimisation de la signification de Pourim : le renversement de situation.
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay