L’hebdomadaire israélien Makor Rishon a publié récemment un dossier conséquent sur les olim de France. C’est l’un des journalistes phares de ce média, Tsvika Klein, qui a coordonné ce reportage. Spécialiste des questions touchant aux Juifs de Diaspora et aux olim, ce dernier se penche de façon très complète sur ce qui caractérise les Juifs de France devenus israéliens. LPH vous offre dans les pages qui suivent un résumé de ce dossier qui montre que les Francophones sont devenus un vrai sujet de curiosité voire d’intérêt pour les Israéliens.
Retrouvez tous les jours de cette semaine à partir d’aujourd’hui, un résumé de ce dossier passionnant.
Pour ouvrir ce dossier spécial: la politique. Ces derniers temps, un bouillonnement se fait ressentir au sein de la communauté francophone, notamment à l’approche des élections municipales. Notons que depuis la publication du dossier de Makor Rishon, le mouvement Aleïnu, en partenariat avec le parti Itorerout de Jérusalem, a réussi à faire entrer un francophone au conseil municipal de Jérusalem. Dan Illouz, militant d’Itorerout, remplace depuis quelques jours, un des conseillers de son parti, démissionnaire.
Des olim francophones à l’assaut de la politique
D’après une interview réalisée par Tsvika Klein pour Makor Rishon
Traduite et résumé par Shraga Blum
Contrairement à d’autres vagues importantes d’immigration, l’alya de France se distingue sur un point très important : son influence politique est inversement proportionnelle à son importance numérique, principalement à la Knesset mais aussi dans les collectivités locales. Comme partout, c’est la politique qui fait bouger les choses, et s’il n’y a pas assez d’olim francophones dans les organes du pouvoir et de prises de décisions, ce public restera négligé.
La situation a cependant des chances d’évoluer dans le bon sens avec la création récente d’un mouvement appelé « Aleïnu », à l’initiative de deux Olim francophones: Arié Abitbol, directeur des programmes d’intégrations à l’Expérience Israélienne et ancien délégué de l’Agence Juive à Paris et Me. Yomtob Kalfon, ancien conseiller du député Yoni Chetboun et ex-coordinateur du Lobby Francophone à la Knesset. Ce mouvement entend notamment lancer des candidats francophones aux prochaines élections municipales qui auront lieu au mois d’octobre.
Ces « jeunes loups » ont entre autres pour nom Moria Hadad-Rodrig (Guivat Shmouel), Dr. Michaël Wolf (Raanana), Benjamin Fellous (Bat-Yam) ou Raphaël Amzallag (Netanya). Ils sont tous pour l’instant sans étiquette, contrairement à Binyamin Lachkar, qui brigue une place au conseil municipal de Jérusalem sous les couleurs du Likoud et ne cache pas son ambition de faire à terme de la politique au niveau national, c’est-à-dire à la Knesset. Comme le dit avec sagesse Dr. Michaël Wolf « il faut d’abord travailler sur le plan local, sur le terrain » avant de se lancer éventuellement dans la cour des grands. Mais ils ont toutes et tous la volonté et l’énergie d’agir en priorité en faveur des olim de France, considérés – à tort ou à raison – comme les parents pauvres de l’intégration : accueil des immigrants, services sociaux, bureaucratie, structures communautaires, scolarité, emploi, oulpanim, personnes âgées etc.
Benjamin Fellous, de Bat-Yam, enseigne l’Histoire dans un lycée de Tel-Aviv où étudient des enfants d’olim. Son souhait est d’agir sur le plan local pour l’accueil des olim de France. Il se présentera dans une liste d’olim venus de plusieurs pays. Moria Hadad-Rodrig de Guivat Shemouel, avait fait la couverture du magazine Newsweek qui faisait un dossier sur l’émigration des Juifs d’Europe Cette native d’Anvers, aujourd’hui avocate, dit n’avoir aucune expérience politique. Mais pour avoir étudié à l’Université Bar-Ilan où se côtoient de nombreux étudiants olim, dont une bonne partie de France, elle souhaite aussi apporter son aide au niveau municipal.
Aleïnou
Inutile de dire que dès sa création, « Aleïnou » est devenu l’objet de convoitises de la part de partis politiques au niveau local qui comprennent l’intérêt de voir apparaître à des places éligibles sur leur liste des candidats issus de l’alya de France. Yomtob Kalfon explique : « Plusieurs listes existantes nous ont contactés dans les villes où nous nous présentons et nous ont proposé de nous placer à des places éligibles ». Il y avait certes déjà des candidats francophones sur certaines listes au niveau local comme national. Mais comme l’explique Raphaël Amzallag, les partis plaçaient les candidats francophones à des places reculées et inéligibles uniquement pour faire de la figuration et attirer des voix francophones. Yomtob Kalfon précise qu’aucun accord n’a encore été signé mais des pourparlers sont en cours. Il rajoute : « Cela ne s’arrête pas au niveau local. Une députée nous a appelés et a demandé de ‘rester en contact’. D’autres représentants de partis ont entamé des manœuvres d’approche. Ils commencent à comprendre qu’il y a là un électorat qu’ils ignoraient ».
Un débat animé est apparu dans la francophonie israélienne sur la manière de représenter cette population de plus en plus importante : au moyen d’un parti francophone comme ce fut le cas pour l’immigration russe ou en s’insérant dans des listes de formations politiques déjà existantes. A l’échelle nationale c’est la seconde option qu’ont choisi les membres du mouvement « Aleïnou », tandis qu’à l’échelle municipale les deux moyens seront utilisés: « Il faut faire comprendre désormais aux responsables politiques que la francophonie israélienne représente une force qui va être de plus en plus importante dans l’avenir » souligne Raphaël Amzallag.
Binyamin Lachkar
Il restait à essayer de comprendre pourquoi les francophones d’Israël ont acquis ce retard dans la représentation politique. Raphaël Amzallag a son explication : « Les Juifs français sont arrivés en Israël avec une culture bien ancrée des associations et organisations, et ont commencé à agir au travers de ce canal. Mais ils ont oublié que le monde associatif est surtout un relais entre l’Etat et les acteurs pour l’obtention de budgets. Et pour obtenir un maximum de budgets…il faut être ‘assis le plus près possible du robinet’ ». Autrement dit, agir sur le plan politique. Il y a aussi une autre raison, qui touche au caractère des Juifs de France : « Il y a déjà eu des tentatives d’organisation politique, mais qui ont échoué…pour des questions d’ego » explique Binyamin Lachkar.
Le scrutin municipal du mois d’octobre sera un bon test pour tous ces candidats francophones.
Binyamin Lachkar résume la situation : « Si tu n’as pas de représentants au niveau local et national, tu n’existes pas ».