Loin de l’imagerie des Vanités de la Renaissance, représentant de façon allégorique la mort et le temps qui passe inexorablement, les Natures Mortes de l’artiste Gil-Ad Stern sont, au contraire, des assemblages d’objets du quotidien symbolisant la vie juive. Sans atour de folklore, d’éléments kabbalistiques ni religieux, cet artiste de Jérusalem redéfinit dans ses œuvres le sens propre d’ « art juif » – si tant est qu’il existe un art juif ? – tout en lui réattribuant ses attributs de noblesse de fine art, sans avoir à rougir auprès des œuvres classiques.
D’un pinceau délicat aux couleurs enveloppées d’une lumière douce, qui rappelle l’éclairage à la bougie, les toiles de Stern se lisent à la façon des histoires ‘hassidiques. La scène est simple : une bouteille de liqueur au centre d’une table accompagnée de deux coings, sur un fond plus sombre qui met en relief les éléments de détails face au spectateur. L’image est rassurante et familière ; presque anodin. Et pourtant, cet alcool était la boisson officielle des Farbrengen du Rabbi de Loubavitch, jusqu’au jour où l’on souleva la question sur sa Casherout, et le Rabbi cessa d’en boire en public. Aussi surprenant que cela puisse paraître et si peu formel, le peintre Gil-Ad Stern nous dresse à travers cette œuvre un portrait original, sous un point de vue jusque là inexploré, d’une des personnalités les plus représentées du monde juif. Celui qui a son portrait décliné sous tous les supports et de toutes les formes, voilà qu’on touche ici à quelque chose d’ordinaire, presque banal, sans chapeau ni Sirtouk.
Ce que l’on pourrait prendre pour un « lèse-Rabbi » est au contraire lié à la vie, transcendé par une intimité qui rapproche chacun de nous autour d’un portrait de famille, d’une histoire d’enfance. Quant aux coings, (« chavoushim » en hébreu), ils brodent l’histoire et font référence au « prisonnier », « chavoush ». Il s’agit donc là d’une scène profondément pieuse et religieuse, tout en privilégiant les dimensions esthétique et artistique.
On dit d’un artiste que son œuvre est le reflet de son âme, chez un artiste religieux où le spirituel prend autant de place que la création pure, Stern nourrit ses sujets de toutes ses années d’études et de Yeshiva, qui s’inscrivent dans une dimension d’éternité.
Sarah HADJADJ
Productrice, Curatrice et Essayiste
Pour tous contacts avec les artistes : https://artdrenaline.wixsite.com/artdrenaline