Israël est, dans bien des domaines, un modèle dans le monde. Cela vous semble-t-il être le cas concernant la presse israélienne ?
Professeur émérite des Universités
Un même phénomène affecte les régimes démocratiques de par le monde depuis une vingtaine d’années: la montée en puissance du pouvoir médiatique couplée à une connivence avec le pouvoir judiciaire dans le cadre d’une concurrence avec les pouvoirs exécutif et législatif. La caractéristique de cette coalition c’est qu’elle se veut « morale » alors qu’elle s’appuie sur une idéologie identifiable (je l’ai étudiée dans « La nouvelle idéologie dominante. Le postmodernisme », 2012). En France la couverture de l’actualité d’Israël, du nouvel antisémitisme, du djihad français a plus que démontré le biais idéologique des médias (la gauche « postcolonialiste »). Les élections américaines et françaises en furent une autre démonstration. Israël cependant pourrait bien être le cas le plus aigu: le journaliste s’y comporte couramment comme un personnage politique. En temps de conflit, certains médias donnent le sentiment d’assister à l’état de guerre potentiel où se trouve leur pays, comme s’ils lui étaient extérieurs.
Ancien ambassadeur
Vous me demandez si la presse israélienne est un modèle dans le monde? Ce serait prétentieux de l’affirmer. Il faut plutôt rappeler pourquoi elle est si différente de celles d’autres pays. En effet dès le retour des Juifs dans le pays de leurs ancêtres au siècle dernier, étant donné les courants qu’ils représentaient, ils ont créé des bulletins puis des journaux qui représentaient leurs identités et leurs idées d’où le nombre impressionnant de quotidiens pour un si petit pays, comme d’ailleurs le nombre impressionnant de partis politiques. La presse est très politisée, engagée sans limites dans les débats intérieurs et de politique intérieure. Vous avez certains journaux qui se sont fixés comme but principal la chute du premier ministre. Toutes leurs publications se consacrent sans répit à atteindre ce but. Je dis souvent qu’à part les mots croisés et le sudoku, leurs publications consacrent la majorité de leurs articles contre le premier ministre. On a l’impression que tous les journaux sans exception, sont en campagne électorale permanente. De nombreux journalistes de tous bords se veulent jouer le rôle de censeurs et juges au lieu de celui d’informateurs, désorientant souvent leurs lecteurs. Font-ils de l’information ou de la désinformation? C’est là, la grande question. Se définissant comme les chiens de garde de la démocratie, combien sont dignes de se parer de ce titre? Et pourtant nous avons un comité d’éthique de la profession… Espérons des jours meilleurs dans ce domaine.
Président AEEIF Israël
Vu de l’étranger, notre presse n’a pas à rougir de son niveau et de sa liberté de ton. D’ailleurs, nos hommes politiques utilisent souvent cet argument pour prouver que nous sommes une « vraie démocratie », la « seule de la région » !
Vu du point de vue des Juifs dans le monde, si certains se réjouissent, ils sont souvent gênés par les articles critiquant le pays, ses actions politiques ou militaires et appellent parfois à plus de raison et à moins « de soutien aux ennemis d’Israël »!
Quant aux Israéliens, ils se sont habitués à cette presse capable de vraies enquêtes journalistiques, basées sur de réels éléments et faisant bouger les lignes, mais aussi à celle ayant comme modèle les tabloïds anglais, plus proches du caniveau que du travail espéré et la déontologie exigée dans ce domaine. Pas de réponse facile, mais il serait bon de garder cette précieuse liberté en respectant certaines valeurs du judaïsme comme la mise au rebut du lashon hara!