LPH a interrogé le Rav David Touitou. Il fait partie de ceux, nombreux, qui défendent l’opinion selon laquelle la montée sur le Mont du Temple est interdite du point de vue de la hala’ha. Il explique pourquoi et nous donne son sentiment quant au lien entre les évènements actuels et notre attitude vis-à-vis de notre lieu le plus saint.
Le P’tit Hebdo : Pourquoi de nombreux Rabbins interdisent-ils la montée sur le Har Habayit ?
Rav David Touitou : La confusion qui règne autour de la question de savoir s’il est permis ou autorisé de monter sur le Har Habayit vient du fait que beaucoup de gens ne savent pas de quoi il s’agit. En réalité, nous ne pouvons pas nous approcher du Kodech Hakodachim en état d’impureté. Or nous ne savons pas exactement où il se trouve. Nous n’en connaissons pas les frontières. C’est, en substance, ce que dit le Rav Meir Mazouz : il serait permis de se rendre sur le Har Habayit si nous avions la certitude de l’emplacement du Saint des Saints. Ceux qui autorisent de s’y rendre précisent qu’ils sont renseignés sur le lieu et qu’ils n’y vont qu’après s’être trempés au mikve. Ce qui constitue une double erreur : personne ne peut prétendre connaître les lieux sans aucun doute, et l’impureté dont on parle ne peut pas être résolue par le mikve. En effet, il s’agit de « toumat met », l’impureté liée au contact des morts, que seule la vache rousse et donc la venue du Machia’h pourra nettoyer.
Le Rav Ovadia Yossef a toujours été très clair sur ce point, tout comme le Rav Morde’hai Eliahou ainsi que tous les grands décisionnaires de notre époque, mis à part le Rav Shlomo Goren qui, lui, permettait de s’y rendre. À noter le positionnement du Rav Eliachiv qui permet aux forces de sécurité de monter sur le Har Habayit pour y effectuer leur travail. Mais il s’agit d’une dérogation. La totalité des rabbins orthodoxes interdisent donc la montée sur le Har Habayit en s’appuyant sur la hala’ha. Ils sont rejoints par un grand nombre de rabbins du monde religieux nationaliste. Pour conclure sur la question, je veux souligner l’importance de la lettre signée par 100 rabbins, ces jours-ci, pour interdire la montée sur le Mont du Temple : elle constitue une « hazaka », lorsque 100 rabbins – et non des moindres – proclament un interdit, nous ne pouvons plus l’enfreindre !
LPH : Alors faudrait-il laisser le lieu aux Arabes ?
Rav D.T. : Nos Sages nous enseignent que Ishmaël jouit d’un mérite en raison de la brit mila : celui de pouvoir occuper le Mont du Temple pendant 13 siècles. Si l’on compte la période qui s’écoule entre la création de l’Islam et 1967 on obtient ce chiffre 13. Ce mérite sert d’arguments à nos ennemis : « si D’ a permis qu’une mosquée se dresse à cet endroit c’est la preuve qu’il n’est pas aux Juifs » ! Eh bien non, c’est juste la réalisation d’un mérite. Aujourd’hui nous sommes dans la période où nous devons récupérer ce lieu, mais pas de n’importe quelle façon. Le gouvernement doit conserver une souveraineté sur le Mont du Temple, nos soldats – que D’ les bénisse – doivent filtrer les personnes qui s’y rendent, le préserver des terroristes et de la violence. Et nous, nous devons nous occuper de hâter la venue du Machia’h, ne pas rester les bras croisés.
LPH : Qu’entendez-vous par là ?
Rav D.T. : Personnellement, je ne comprends pas comment notre peuple peut prétendre aujourd’hui se présenter sur le Har Habayit. Nous sommes divisés, les rabbins s’insultent entre eux, nous ne nous respectons pas et nous oserions aller ainsi devant notre Père ? Le peuple d’Israël doit faire techouva, ce qui passe par un retour collectif sur notre terre et par l’application des principes d’amour gratuit. N’oublions pas que c’est notre conduite qui a fait fuir le Temple. C’est aussi notre conduite qui le ramènera.
LPH : Pensez-vous alors que les Juifs sont responsables, par leur comportement, de l’agitation des Arabes ces dernières semaines ?
Rav D.T. : Nous disons dans les ta’hanounim que tout ce qui nous arrive, c’est en raison de nos fautes. Oui, nous devons chercher nos erreurs. Mais je n’ai pas d’Internet avec Hachem ! Personnellement, je pense que le peuple juif est fatigué des épreuves, alors je n’ai pas la force de chercher encore des défauts au sein de mon peuple. Je prie pour que tout cela s’arrête, je ne veux pas jeter d’accusations. Ce qui est clair, c’est qu’aujourd’hui les Grands d’Israël mais aussi notre gouvernement, celui-là même que les nationalistes considèrent comme la royauté d’Israël, interdisent d’aller prier sur le Mont du Temple. Le temps est peut-être venu de les écouter.
LPH : Quelles solutions proposez-vous ?
Rav D.T. : Quand nous prions la amida, au moment de dire « ossé shalom », nous reculons de trois pas. Parfois, il faut savoir prendre du recul pour obtenir le shalom, ce qui ne veut pas dire que l’on n’avance pas, puisqu’immédiatement après nous avançons de nouveau de trois pas. Prendre du recul signifie, pour moi, réfléchir à soigner nos jambes avant de vouloir aller plus loin : soigner notre manque d’unité. La kabbale précise que celui qui contrôle le Har Habayit contrôle le monde entier. Les Nations le savent, c’est pour cela qu’elles se sont tant acharnées à conquérir Jérusalem, et c’est pour cela que les Arabes y sont attachés. Avant de reprendre le contrôle de ce lieu qui représente l’identité juive par excellence, sachons régler nos faiblesses, nos travers et nous présenter unis.
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay