»Je te demande pardon », voilà des mots qu’il n’est pas toujours évident de prononcer. Cela est vrai aussi au sein de la cellule conjugale. Le pardon entre les époux est une notion fondamentale que nous explorons avec Rivka Kochav, conseillère conjugale, spécialisée dans les familles recomposées et dans l’accompagnement de ceux qui recherchent l’âme sœur.
Demander pardon: prendre ses responsabilités
Rivka annonce d’entrée la couleur: »Lorsque l’on a blessé quelqu’un, en particulier son conjoint, il est indispensable de demander pardon. Quelle que soit la profondeur de la blessure, cette démarche est très importante ».
Alors, oui, dans notre mode de pensée, le fait de demander pardon est assimilé à un acte de faiblesse. »C’est parce que cela revient à reconnaître que l’on a fait erreur », précise Rivka, »On préfère toujours se trouver des prétextes plutôt que d’accepter d’avoir causé une contrariété ou une blessure ».
Et si l’on estime, à juste titre, n’avoir rien fait de mal, les excuses peuvent-elles se transformer en acte de soumission? Pour cette conseillère conjugale, peu importe qui a raison ou qui a tort, le but est de préserver la paix dans le couple. Et pour cela, elle a une recette miracle: la communication.
»Une mauvaise communication est la base de tous les malheurs dans un couple. Si l’un des conjoints a fait une mauvaise interprétation de l’intention de l’autre, alors cela peut être réglé si les deux expriment leur ressenti. – »Tu m’as blessé(e), j’ai compris que tu… » – »Ce n’était pas mon intention, je voulais simplement… mais puisque tu t’es senti blessé(e) alors je te demande pardon ». Même dans un tel cas, la demande de pardon est nécessaire ».
Et pas question de parler de soumission: »Si la communication est bien établie alors nous ne sommes pas dans un rapport de force, mais dans la construction d’un modèle d’amour et de compréhension ».
La demande de pardon, nous explique Rivka, est une prise de responsabilité, c’est assumer ce que nous sommes, nos faiblesses, nos erreurs. »Ce n’est qu’ainsi que le pardon sera réel et authentique. Demander pardon fait du bien à l’autre, à nous-même et à notre couple ».
D’ailleurs, elle insiste sur le fait que c’est la voie royale pour une réconciliation durable et solide.
Ce pardon, doit-il absolument s’exprimer par des mots ou peut-il aussi être imploré par des gestes, des attentions? »Oui, c’est indispensable: demander pardon se fait par des mots clairs et sans ambiguïté, cela peut être à l’oral ou à l’écrit. Faire un cadeau ou modifier soudainement son comportement ne permettent pas de tourner la page définitivement ». Pourquoi? « Parce que lorsque l’on demande pardon, on signifie à l’autre qu’on a identifié notre erreur et que l’on prend ses responsabilités au regard de cette attitude ou de ces mots qui ont été la source d’une blessure. Et de l’autre côté, pour que la personne puisse pardonner, elle a besoin de sentir cette prise de conscience ».
Accepter que l’on va se pardonner: un axiome du couple
»Une des bases saines d’un couple est d’accepter l’axiome que tout au long de notre vie commune, nous allons nous pardonner. C’est ce que je transmets aux célibataires que j’oriente pour trouver leur conjoint. Pour pouvoir construire et s’épanouir, alors le couple doit pardonner. Ainsi, il se sert de ces écueils comme des tremplins pour grandir. Je prends souvent la métaphore suivante: ces moments sont comme des pierres sur notre chemin à deux. Elles ne doivent pas être des obstacles à enjamber sur notre route, mais bien les composantes d’un pont qui nous permet d’avancer toujours plus loin ensemble ».
Accepter le pardon, c’est accepter les faiblesses de son conjoint: quelle belle preuve d’amour! « Savoir pardonner, c’est vouloir aimer », scande Rivka, »Chaque blessure doit être exprimée, la cellule conjugale doit être un havre où les deux conjoints se sentent à l’aise de dire ce qu’ils ont ressenti. Si l’on garde tout pour soi, en se disant que ce ne sont que des petites choses, alors arrivera un moment où la coupe sera pleine. Et là, la réaction ne sera plus gérable ».
Le secret, encore et toujours, est donc la communication: « Si on se sent écouté, reconnu dans sa souffrance, alors on aura aucun mal à pardonner et à aller de l’avant ».
Rivka Kochav
Peut-on / doit-on tout pardonner?
»Cette question est très personnelle. Elle est liée à la spécificité de chacun, à ses sensibilités, au contexte dans lequel on évolue, à notre éducation, notre culture et tant d’autres paramètres ». Rivka refuse de tracer des lignes rouges universelles, chaque personne doit définir les siennes qui seront à respecter.
Est-ce que certaines lignes rouges ne devraient pas être ancrées dans la conscience collective, comme la violence par exemple? Là aussi, Rivka émet des réserves: »Bien entendu, la violence est absolument à bannir du couple. Mais, dans ce domaine aussi, chaque personne réagira à sa façon. Vous pouvez très bien dire à une femme battue, qu’elle ne doit pas accepter, que dès la première fois, elle aurait dû refuser le pardon et partir. Au bout du compte, c’est elle qui décidera de sa conduite, en fonction d’éléments qu’elle seule maîtrise. De l’extérieur, on ne peut pas imposer de limites au pardon, c’est une notion très personnelle et subjective. Vous avez cité la violence dans le couple, mais cela est valable dans tous les domaines de la vie conjugale ».
Le pardon dans la cellule familiale: une évidence?
Si le couple doit se fixer comme principe de base de savoir se pardonner, qu’en est-il de la relation avec nos enfants? Rivka distingue deux situations: »Lorsque l’enfant a dévié et que les parents peuvent lui en vouloir, les cas sont souvent réglés assez rapidement. Dans leur nature, les parents pardonnent à leurs enfants. Tout comme D’ nous pardonne le jour de Kippour, même si nous avons mal agi. Nous savons que les erreurs sont inévitables, que nous pourrons parfois être déçus par nos enfants. Ce qui compte, c’est de leur transmettre que nous les aimons et que le plus important n’est pas la chute mais la façon dont on se relève. Là aussi, le but est d’accompagner l’enfant avec amour, pour qu’il transforme son erreur en tremplin ».
Le problème devient plus complexe lorsque c’est l’enfant qui a été blessé par l’un de ses parents ou les deux. « Parfois, il s’agit de blessures tellement profondes qu’elles laissent des séquelles et portent à conséquence pendant toute la vie de l’enfant. On comprend alors que le pardon ne sera pas facile à accorder ». La solution vient, une fois encore de la communication: »Ce qui aidera beaucoup à la démarche, c’est si le ou les parent(s) demande(nt) le pardon de leur enfant pour le mal qu’ils ont pu lui faire. Cette demande peut se faire à n’importe quel stade de la vie, il n’est jamais trop tard. Cela aide à cicatriser la plaie. S’il n’y a pas eu de demande de pardon, alors la plaie restera ouverte et le travail pour l’enfant sera beaucoup plus long et douloureux. Il devra se résigner à ne plus se voir comme une victime de ses parents, afin de pouvoir se construire, s’épanouir et avancer dans sa propre vie ».
Alors quelle est la recette clé pour demander et accepter le pardon? La réponse se trouve en réalité dans le déroulement de Yom Kippour: le vidouy (confession de la faute) et la formulation du pardon. Ce n’est qu’ainsi que le pardon pourra être accepté et que les relations seront pacifiées voire renforcées. Et cela est d’autant plus vrai lorsque nous sommes dans la cellule familiale et conjugale.
Rivka Kochav, conseillère conjugale, accompagnement pour célibataires
Tél: 052-3464661
Mail: rivkakochav@gmail.com
Guitel Ben-Ishay