Lequel d’entre nous, et en dehors du peuple juif, ne s’est jamais interrogé sur le pourquoi de tant de haine à notre égard ? Pourquoi un tel déferlement de violence contre ce “petit” peuple ? Pourquoi cette haine est-elle de l’ordre de la transmission, de l’inconscient collectif ? La réponse se trouve, en grande partie, dans notre Parasha nommée “Toldot : les descendances”.
Avraham aura deux fils, l’un de Sarah, Its’hak, et l’autre d’Agar, Ishmaël. Quant à Its’hak, il aura, aussi, deux fils mais de la même femme. Pour justifier que Yaakov est bien l’aîné et non pas Essav, Rachi dit : Yaakov est conçu de la première goutte et Essav de la seconde, de là tu apprends que lorsque tu introduis dans un tube, dont l’ouverture est étroite, deux cailloux l’un après l’autre, le premier à entrer en sort le dernier. Donc, Essav, conçu en dernier, sortira le premier. Et Yaakov vient l’en empêcher afin d’être le premier dans la naissance tout comme il est le premier dans la conception et ainsi de recevoir le droit d’aînesse de façon légale.
Mais qu’y a t-il de si grave à ce que Yaakov sorte le dernier ? Et que vient nous enseigner Rashi avec l’exemple du tube et des cailloux ?
Yaakov s’appelle également Israël et selon nos Sages, Israël était présent dans la pensée de Dieu avant même la création du monde. Il existe, d’après la kabbale, quatre mondes dont chacun a une fonction de donneur ou de receveur, ainsi le premier transmet au second et le troisième transmet au quatrième.
Avant la création du monde on se réfère au monde d’Atsilout אצילות, le monde de l’infini,
La création du monde c’est Bereshit barah בריאה
Yaakov fut conçu de la première goutte selon Rashi (יצירה (יעקב נוצר מטיפה ראשונה, le monde de la transformation-création.
Essav est nommé ainsi car il est né “fini” là aussi selon Rashi (עשיה (שהיה נעשה ונגמר בשערו
De fait Yaakov est supérieur, dans son essence, à Essav du fait qu’il provient du monde de la transformation, de la création (artistique ou médicale, politique ou sociale). Oui Israël est l’inventeur de tellement de choses, Essav lui est dans le monde de l’action donc il exécute et réalise ce que Yaakov a .. inventé !
Intrinsèquement, Essav sait qu’il ne peut égaler Israël dans la création, du fait qu’il est dans l’action. Alors l’action, face à Israël, devient destruction. Le peuple conçu le premier dans “l’esprit” de Dieu, Israël ישראל qui est l’anagramme de לי ראש (il est pour moi une tête) sera toujours pour Essav, Yaakov יעקב lettres de י’ עקב (le youd = juif talon) pour un Essav amer qui ne peut supporter que ce petit peuple le devance dans tout et surtout dans sa conception spirituelle.
Pour pallier cela il va écrire un “nouveau testament”, exiler le Juif qui deviendra un juif “errant” spolié de ses droits, ses biens. Mais contre toute logique et avec un brio qui touche au Divin – puisque D-ieu le guide en tout – le petit Juif va revenir sur sa terre, ré-exprimer sa vocation à savoir être “la tête” de toute la création.
Its’hak c’est la gvoura, la mesure et la limitation. Et de cette limitation sort quelque chose de large comme le verset dit : “De l’étroitesse je t’invoque et dans la largesse tu me réponds”. Le shofar, symbole d’Its’hak, est étroit d’un côté et large à l’autre extrémité. Étroit du côté où l’on souffle où l’effort est invisible, tout comme la pensée de l’homme qui se trouve dans la tête et ensuite se dévoile dans les sentiments et dans l’action. La partie la plus étroite de notre corps est le cou, membre qui relie la tête au reste du corps. Les deux extrémités du corps sont la tête et les pieds, et en ce qui concerne ces derniers, le talon est l’extrémité du pied, c’est à dire l’extrémité de l’extrémité. Si nous appliquons toutes ces remarques à l’image du Shofar, nous obtenons l’explication suivante : tout comme le souffle, qui va produire le son est invisible, la pensée créatrice d’Israël l’est elle aussi, puis le souffle va se déplacer dans la partie plus large du chofar pour enfin se libérer et créer un son audible par tous : “La voix est celle de Yaakov et les mains sont celles d’Essav”. Yaacov dont le nom contient deux idées, à savoir d’être la tête et aussi le talon. C’est-à-dire qu’Israël va, non seulement, exprimer son essence originelle liée à sa spiritualité mais aussi l’extériorité la plus extrême celle du talon, soit l’action, du mouvement. La Torah nous raconte qu’en naissant Yaacov tenait le talon d’Essav, parce que Yaacov refusait par là même de laisser le monde de l’action sous l’emprise exclusive d’Essav. Allons plus loin et rapportons ce Midrache qui nous dit que la tête d’Essav repose aux pieds de Yaacov.
La violence d’Essav à l’égard de Yaacov, transmise de génération en génération, ne peut s’expliquer que par le fait, qu’au niveau de l’inconscient collectif, Essav sait qu’il n’est pas l’aîné. Il n’aura de cesse que de vouloir prendre la place de Yaacov soit en le détruisant, soit en rédigeant un “nouveau testament” et s’appeler le nouveau Israël.
En refusant de nous prosterner devant Essav et donc de mettre la tête au niveau du talon, nous resterons Israël לי ראש, la tête haute et fière, comme il est écrit גאון ישראל, la fierté d’Israël.