La multiplication des attentats rappelle de plus en plus les terribles heures de la seconde Intifada. Même si les armes utilisées par les terroristes sont différentes, même si leur motivation est avant tout religieuse, certains indices ne trompent pas. Ce qui ressemble de plus en plus à un soulèvement populaire non planifié, renferme les paramètres nécessaires pour se poursuivre. En espérant qu’il ne s’intensifiera pas. Daniel Haïk tente d’expliquer pourquoi.
1/ Le paramètre religieux :
Certes celui-ci existait également lors de la seconde Intifada, qualifiée par les Palestiniens d’Intifada d’El Aqsa, mais cette fois la composante islamique et donc religieuse du conflit est particulièrement dominante. L’appel à « protéger El Aqsa » lancé par le Mouvement Islamique et son leader spirituel Raëd Salah et repris à des fins politiques, par Mahmoud Abbas ainsi que par d’autres leaders palestiniens et arabes israéliens parfaitement laïques a « pris » cette fois avec bien plus d’intensité que l’année dernière à la même époque, époque marquée alors par une série d’attentats à la voiture-bélier à Jérusalem. Le message mensonger selon lequel « Les Juifs veulent s’emparer d’El Aqsa pour y construire leur 3e Temple » a réussi à rassembler sous le même étendard religieux Palestiniens de Jérusalem, de Judée-Samarie et d’Israël et il semble être tellement porteur qu’il pourrait rallier également dans les prochaines semaines, l’ensemble du monde arabo-musulman. Qui plus est un autre élément accentue ce paramètre religieux : celui du couteau qui est devenu l’arme dominante de cette vague de violence. Pour le sociologue Shmouel Trigano, ce couteau représente pour ces musulmans incités, « l’objet sacrificiel » qui va leur permettre de lutter contre ceux qui menacent le lieu saint d’El Aqsa. Enfin dernier élément : les assaillants musulmans semblent vouloir délibérément attaquer, à Jérusalem, des Juifs israéliens religieux ou orthodoxes, qui portent sur eux des signes visibles de leur foi en D.ieu (kippa, barbe chapeau, talit, téfilin). De telle sorte que pour la première fois, on ne parle plus de conflit israélo-palestinien, mais de guerre de religion entre l’islam et le judaïsme, une guerre qui n’est pas prête de se terminer…
2/L’influence des réseaux sociaux :
On a beaucoup parlé ces dernières semaines de ces loups solitaires qui, influencés par les appels au meurtre sortent poignarder la population israélienne. S’il s’agit certes de loups, ils ne sont certainement pas solitaires. Ils sont jeunes et ils ont sur facebook et twitter de nombreux « amis » avec lesquels ils s’incitent mutuellement à agir pour déjouer le « projet des Juifs ». Chaque attentat réussi même s’il coûte la vie au terroriste en suscite d’autres. Chaque acte « audacieux » en entraîne d’autres et ces jeunes rivalisent sur les sites internet de haine et de cruauté, sous prétexte de défendre « El Aqsa ». Plus besoin pour eux de recevoir leurs ordres d’un chef des opérations du Hamas ou du Djihad. Une discussion sur facebook, suffit pour sortir dans la rue et poignarder le premier Juif venu.
3/L’instabilité du pouvoir à Ramallah
Après avoir incité les Palestiniens à défendre El Aqsa contre les « Israéliens aux pieds sales » qui foulent la Mosquée, après avoir colporté un tissu de mensonges sur ce qui se passe sur le Mont du Temple, Mahmoud Abbas a compris qu’à force d’adopter le discours des islamistes du Hamas, ces derniers risquaient bien de le destituer et de prendre sa place à la Moukata. Sermonné au passage par John Kerry, le raïs palestinien s’est ressaisi et a donné au cours de la dernière semaine des ordres clairs à ses forces de sécurité afin d’apaiser les tensions dans la rue palestinienne. Même côté israélien, on admet que la coopération sécuritaire avec l’Autorité Palestinienne est profonde. Cependant, on assiste également à certains développements préoccupants : d’abord Abbas s’est formellement refusé à appeler publiquement au calme de crainte d’être taxé de faire le jeu d’Israël. Toutes les tractations entre Israéliens et Palestiniens à ce propos se sont heurtés à une fin de non recevoir de sa part. Ensuite, il semble que l’opposition interne au rais s’accentue. Des responsables palestiniens comme Nabil Chahat et Nabil Abouredeine se montrent de plus en plus critiques envers Abbas et adoptent une ligne plus intransigeante envers Israël. Mais ce sont les jeunes Palestiniens qui semblent conduire ce mouvement. Des jeunes du Hamas et du Djihad qui voient peut-être ici une opportunité de renverser l’actuel pouvoir, mais également des jeunes étudiants et militants du Fatah qui ont pris au sérieux les menaces de démission répétées du raïs, qui déplorent son incapacité à obtenir des résultats tangibles sur la scène internationale et qui ne supportent plus cette coordination sécuritaire que poursuit Abbas avec Israël. Pour de plus en plus de ces jeunes, Abbas est perçu comme un « has been » qui ne fera plus progresser la cause palestinienne et pire, comme un « collabo » à la solde d’Israël. Pour l’heure, ces jeunes semblent maîtrisés, mais l’on pourrait assister sous peu à la formation d’un front rassemblant les jeunes du Fatah, du Hamas et du Djihad, une sorte d’union sacrée qui conduirait un soulèvement rendant le raïs palestinien totalement insignifiant.
Alors en dépit de ces estimations pessimistes, un retour au calme est toujours possible. Mais après la série d’attentats de lundi et mardi en particulier à Jérusalem, tout porte à croire qu’Israël s’engage dans une période de profondes turbulences. Dans son discours à la Knesset, Byniamin Nétanyaou a rappelé la force de résistance de l’État d’Israël en citant le verset se rapportant au peuple juif : « Et plus on l’opprime, plus il se développe ». Il reste tout de même à espérer que cette « oppression » prenne fin au plus vite.
Daniel Haïk pour Hamodia