Le Talmud (pésahim 115a) nous relate une controverse entre les ‘ha’hamim et Hillel concernant la mitsva de la matsa et celle du maror (les herbes amères). Selon les ‘ha’hamim il faut consommer la matsa et le maror séparément alors que pour Hillel la mitsva sera de consommer la matsa avec le maror ensemble comme le mentionne le verset (chemot 12, 8):
“ואכלו את הבשר בלילה הזה צלי אש ומצות על מרורים יאכלהו” “Ils mangeront la viande cette nuit-là, rôtie au feu avec des matsot et des herbes amères ils la consommeront”. Le Talmud raconte qu’au temps du Bet Hamikdach, Hillel consommait le sacrifice de Pessah avec des matsot et du maror ensemble. Les décisionnaires ont tranché qu’au soir du seder il faille manger la matsa d’abord suivi du maror séparément et uniquement ensuite consommer de nouveau la matsa et le maror ensemble tel un sandwich. La mitsva du koréh כורך”” est donc d’assembler et de rattacher ces deux mitsvot. Cette mitsva vient en souvenir du Bet Hamikdach malheureusement détruit en vue de rappeler une des principales mitsva de Pessah qu’il nous est impossible désormais d’accomplir.
Quelle est l’importance de la mitsva du koréh, pourquoi consommer à nouveau la matsa et le maror ensemble après les avoir mangé séparément?
Afin d’y répondre, analysons au préalable chacune de ces mitsvot.
La matsa est appelée “”לחם עוני pain de pauvreté car il n’a pas fermenté et est composé uniquement d’eau et de farine sans aucun autre ingrédient. La matsa représente cette liberté, propre au peuple juif, inscrite au plus profond de notre identité sans aucune influence extérieure. De surcroit la soudaineté et la rapidité avec laquelle nous sommes sortis d’Egypte (‘hipazon) est la raison de cette non fermentation. Voici le deuxième point fondamental qu’exprime la matsa dans une réalité où a priori règne le déterminisme avec ses lois naturelles et impersonnelles, l’intervention divine, D. perceptible, intervient et chamboule l’ordre de la nature afin de montrer au monde entier Son attachement si particulier à Son peuple et ainsi nous faire sortir de l’esclavage égyptien. Ce ‘hipazon vient démontrer que le lien qui unit D. au Peuple d’Israël n’est dépendant ni du temps ni de l’espace mais reste éternel et inaliénable. En consommant de la matsa appelée aussi “pain de la croyance” (נהמא דמהמנותא) nous prenons conscience de notre caractère saint qui nous est propre mais aussi de l’amour inconditionnel entre nous et D.
Le maror quant à lui nous rappelle l’amertume de l’exil et de l’asservissement. La réalité est encore composée de difficultés et de péripéties et ces obstacles extérieurs viennent parfois empêcher notre nature véritable animée par la sainteté de se manifester. Manger le maror, c’est apprendre à affronter ces difficultés et les surmonter afin d’aspirer à notre quête suprême : vivre entièrement notre lien à D. dans la joie et la plénitude.
Le koréh représente la symbiose de ces deux valeurs et fondements indissociables du judaïsme a priori paradoxaux : la liberté face à l’amertume. La grandeur du peuple d’Israël se dévoile dans sa capacité à cerner ces deux forces comme complémentaires. C’est par notre profonde conviction dans l’authenticité de notre sainteté et dans notre attachement à D. grâce à l’étude et l’accomplissement de la Tora que nous pouvons faire face aux difficultés existantes dans la réalité terrestre. Le monde extérieur matériel n’est guère influent, bien au contraire, le peuple d’Israël influence cette même réalité et ne cesse de la parfaire. Ces difficultés et ces maux se révèleront comme éphémères et une fois surmontés ils laisseront place à cette véritable liberté spirituelle – un asservissement total à D. et à ses valeurs. Comme le disent nos Maîtres, est considéré comme libre seulement celui qui étudie la Tora (pirké avot 6, 2).
Pessah cacher vésaméah
Le Rav Avner Hazout est responsable de la section francophone de la Yechivat or vichoua de Haïfa
Bonne description,
Merci pour les explications…j’apprécie…