
Vincent Peillon. Numéro de reportage : 00785404_000132.
Monsieur Peillon,
Vous faisiez partie de ces hommes politiques fournis par le Parti socialiste, propre sur eux mais manquant de consistance. Votre passage au pouvoir fut bref : titulaire du poste essentiel de ministre de l’Education nationale, vous avez préféré l’abandonner prestement, le voir confié à Najat Vallaud-Belkacem, pour aller goûter une préretraite confortable à Bruxelles. Depuis votre départ du gouvernement, silence total. Dans le souci de savonner la planche de son camarade Manuel Valls, Martine Aubry cherchait un candidat à la primaire socialiste à lui envoyer dans les jambes. Mission peu glorieuse, mais que vous avez jovialement acceptée. Ce qui atteste déjà votre absence de principes dans l’action politique.
Ce que Peillon feint d’ignorer
Je vous cite : « Ceux qui ont fait la laïcité – Ferdinand Buisson, Jean Jaurès – ont toujours veillé à ce que ce soit un instrument de liberté, autour de deux principes: liberté de conscience et d’expression pour chacun, neutralité de l’État. Neutralité de l’État, ça veut dire que je ne favorise personne dans ses croyances intimes, dans ses opinions par rapport à d’autres. Si certains veulent utiliser la laïcité, ça a déjà été fait dans le passé, contre certaines catégories de populations, c’était il y a quarante ans les juifs à qui on mettait des étoiles jaunes, c’est aujourd’hui un certain nombre de nos compatriotes musulmans qu’on amalgame d’ailleurs souvent avec les islamistes radicaux, c’est intolérable. » (dans L’Entretien politique, France 2, hier soir).
On ne va pas vous faire l’honneur d’une explication de texte, et redire après beaucoup d’autres le caractère insane de l’assimilation de la tragédie imposée aux juifs en France sous le gouvernement de collaboration, avec la situation des musulmans aujourd’hui. Contentons-nous de relever ce que vous faites semblant d’ignorer, à savoir qu’il y a quarante ans sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing les juifs n’étaient pas astreints au port de l’étoile jaune. C’était trente-cinq ans plus tôt un gouvernement de trahison adoubé le 10 juillet 1940 à Vichy par la majorité des parlementaires socialistes, pourtant issus des chambres du Front populaire, qui avait décidé en septembre de la même année d’ostraciser les juifs. Avant d’imposer le port de l’étoile jaune à partir de mai 42. Dans le silence de ces mêmes élus socialistes dont l’antiracisme était alors manifestement flageolant.
Tout ça pour grappiller quelques voix ?
Vous savez tout cela très bien, mais pourquoi se gêner, et ne pas raconter n’importe quoi, dès lors qu’il s’agit de grappiller quelques voix, et faire plaisir aux petit marquis du gauchisme culturel dont vous quémandez la reconnaissance ? Mazarine Pingeot et Jean-Michel Ribes sont contents et cela vous ravit. Marwan Muhammad et le CCIF aussi, mais vous vous en foutez.
En fin de compte, le spectacle donné par cette « primaire de gauche » me renvoie à deux citations de grands personnages qui savaient ce que sens de l’honneur veut dire et qui me semblent s’appliquer à vos petits camarades et à vous. Il ne s’agit pas de comparer d’amalgamer ou d’accuser, simplement de relever des traits de caractère et de méthodes communs. Pas vraiment reluisants.
Le portrait de Laval par Charles De Gaulle dans le deuxième tome des Mémoires de Guerre : « Porté de nature, accoutumé par le régime, à aborder les affaires par le bas, Laval tenait que, quoi qu’il arrive, il importe d’être au pouvoir, qu’un certain degré d’astuce maîtrise toujours la conjoncture, qu’il n’est point d’événement qui ne se puisse tourner, d’hommes qui ne soient maniables. »
Et comme en réponse, Léon Blum nous parle de ses camarades dans ces journées d’abandon de juillet 40 :
« J’ai vu là, pendant deux jours, des hommes s’altérer, se corrompre comme à vue d’œil, comme si on les avait plongés dans un bain toxique. Tel camarade qui, à mon entrée dans la salle, s’était précipité vers moi la main tendue, m’évitait visiblement au bout d’une heure. Il ne surnageait plus que quelques débris intacts à la surface de la cuve dissolvante. »
La cuve dissolvante de cette présidence Hollande, prendre les choses par le bas, se corrompre comme à vue d’œil, saisissant portrait, Monsieur Peillon.
Vincent Peillon a fait son « coming out » juif, il y a quelques années, à l’occasion de – l’appel à la raison – Jcall, qu’il avait signé avec Daniel Cohn-Bendit, Elie Barnavi, Bernard Henri-Levy, Zeev Sternhell et Avi Primor. Sa grand-mère maternelle est juive. Sa mère, sœur du médecin Etienne-Emile Baulieu et de l’économiste Suzanne de Brunhoff, est chercheuse. En 2009, il avait célébré la Bar-Mitsva de son fils Elie à la synagogue de la Place des Vosges à Paris. Pour la circonstance, Vincent PEILLON, qui a épousé en seconde noces la journaliste Nathalie Bensahel, avait mis les tefillins et était monté à la Torah. (!!!)
« Comment, en tant que socialiste, pouvez-vous ne pas être antisémite ? », demandait Adolf Hitler à ses partisans en 1920. Et personne ne considérait la question comme bizarre. L’antisémitisme était en ce temps compris comme partie prenante de l’ensemble du mouvement révolutionnaire contre les marchés, la propriété et le capital.
L’homme qui a forgé le terme de « socialisme », le révolutionnaire français du XIXème siècle Pierre Leroux, avait déclaré à ses camarades : « Quand nous parlons des Juifs, nous voulons dire l’esprit juif : l’esprit du profit, du lucre, du gain, de la spéculation ; en un mot, l’esprit du banquier ».
L’homme qui a popularisé le terme d’antisémitisme, suivait une ligne similaire. Wilhelm Marr, un gauchiste radical allemand du XIXème siècle, n’a peut-être pas été le premier à utiliser ce mot, mais c’est lui qui l’a fait connaître d’une large audience, en l’approuvant :
» L’antisémitisme est un mouvement socialiste, plus noble et plus pur encore dans sa forme que la sociale-démocratie » déclarait-il.
Que nous ayons largement effacé ces faits de notre mémoire collective est très révélateur des préjugés politiques modernes. Dans la formulation puérile qui semble dicter nos définitions, « de gauche » signifie bon et « de droite » signifie mauvais, donc, puisque l’antisémitisme est mauvais, il doit être de droite. Ce raisonnement n’est pas tenu que par des septuagénaires moralement arrogants ; curieusement, il a conquis une grande part de nos discours publics.
Je partage complètement le commentaire