La Révélation est le point culminant de l’Histoire. En effet, cet événement témoigne que Dieu « descend dans le monde » et « parle à l’homme ». À partir de ce moment, les habitants de l’univers ne sont plus des aveugles qui errent et qui trébuchent, ne sachant pas trouver leur chemin. Ils sont devenus des êtres éclairés qui savent qui les a créés et surtout conscients de ce que le Créateur leur demande. Ce jour-là, le peuple juif a reçu ce que le rav Kook appelle[1] le hechbono chel ‘olam que l’on pourrait traduire par le « mode d’emploi de l’univers », c’est-à-dire la façon dont l’homme doit parachever l’œuvre du Créateur.
La centralité de cet événement explique ce que Rachi nous enseigne[2] : les 613 commandements sont implicites dans les Dix Paroles de la Révélation. C’est ainsi que l’interdiction de porter un faux témoignage contre son prochain inclut en elle toutes les lois qui – telle la médisance ou la vexation – sont du domaine du mal causé par les mots.
Arrêtons-nous sur ce commandement en évoquant la michna d’Arakhin qui le commente :
Celui qui médit de son épouse l’accusant à tort de l’avoir trompé est puni plus sévèrement que celui qui a violé une jeune fille. De même, c’est à cause du discours des explorateurs que nos ancêtres périrent dans le désert alors que Dieu leur pardonna lorsqu’ils fabriquèrent le veau d’or.
Pour justifier la position de notre michna, la Guémara affirme que celui qui médit porte atteinte à l’essentiel et nie la Création elle-même.
Un détail du Midrach – qui prolonge un dialogue de Dieu avec Moïse[3] – nous aide à comprendre cette page du Talmud : « Moïse dit à Dieu : “Ils ne me croiront pas, ils diront : ‘Hachem ne t’a pas envoyé.’” Dieu alors, se fâcha : “Quoi ! Tu médis de mes enfants ! Ils sont pourtant de véritables croyants. D’ailleurs tu le verras, à deux reprises ils manifesteront leur confiance” et Dieu punit Moïse : sa main devint lépreuse. »
Pourtant, n’était-ce pas Moïse qui avait raison ? Ce peuple qu’il fit sortir à grande peine d’Égypte ne s’est-il pas plaint une multitude de fois, n’a-t-il pas sans cesse contesté Moïse et douté de Dieu ? Alors, comment expliquer qu’il ait suffi de quelques vérités désagréables à entendre pour que le serviteur fidèle soit vertement rabroué.
Justement, ce qui est remarquable dans ce passage, c’est l’affirmation de Dieu que, malgré les apparences, les ingrats du désert sont de réels croyants. « À deux reprises, ils feront confiance », clame Dieu, le reste n’est que péripéties. « Comprends, enseigne-t-il à Moïse, ce sont Mes enfants, ils sont créés à Mon image, l’étincelle divine les habite. » Ainsi, dire du mal de son prochain c’est nierque son âme soit d’origine divine.
« C’est une terre qui dévore ses habitants », ont proclamé les explorateurs. En prononçant ces paroles, ils n’ont pas voulu admettre que, si elle dévore ses habitants, ce n’est pas parce que son climat est malsain ou son sol improductif, mais que, comme le dit la Thora, c’est une terre qui « vomit ses habitants » lorsque ceux-ci le méritent. Cette même terre est le pays où coulent le lait et le miel pour tous ceux dont la conduite témoigne qu’ils ont compris que la Présence divine habite la terre d’Israël. Ceux qui ont fabriqué le veau d’or ont voulu un dieu qui soit proche d’eux, pour remplacer Moïse qu’ils croyaient disparu. Pour les explorateurs, c’est encore plus grave. En « parlant d’Eretz Israël », ils ont voulu cloîtrer Dieu au Ciel.
Celui qui médit de son prochain, porte un faux témoignage sur la véritable nature de l’homme. De même, celui qui médit d’Eretz Israël porte un faux témoignage sur la véritable nature de la création.
Tous les deux nient le message essentiel de la Révélation : la Gloire de Dieu emplit le monde, et l’homme – apte à la saisir – est à même d’établir un dialogue avec Dieu.
[1] ‘Olat Réïya, « Au sujet de la prière », vol. 1, page 11.
[2] Rachi s/Exode xxiv, 12.
[3] Exode iv, 1.
Extrait de l’ouvrage du Rav Shaoul David Botschko »A la table de Shabbat »
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029972023