Il y a toujours, dans la Thora, un espace entre deux parachiot[1] ; sauf pour la paracha de Vaye‘hi. Cette paracha, avec laquelle s’achève le Livre de la Genèse, relate les derniers instants de la vie de Jacob et les bénédictions qu’il donna à ses enfants. La paracha précédente s’achève sur les mots :
Israël demeura dans le pays d’Égypte, dans la province de Gochène ; ils en devinrent possesseurs et y prirent racine, y crûrent et y multiplièrent prodigieusement.
Et sans transition, la paracha de Vaye‘hi débute en disant :
Jacob vécut dans le pays d’Égypte dix sept ans. Les jours de Jacob, les années de sa vie, furent de cent quarante-sept années ; et les jours d’Israël s’approchèrent de mourir…
Cette absence de tout espace entre les deux parachiyot suscite l’étonnement. C’est comme si quelque chose s’était hermétiquement fermé. Pourquoi cela, demande Rachi ? Et il répond :
Pourquoi cette paracha est-elle « hermétique » ? C’est parce que dès la disparition de Jacob, les yeux et les cœurs d’Israël sont devenus hermétiques à cause des souffrances de l’asservissement.
Étonnante réponse ! En effet, l’esclavage ne commencera que bien des années plus tard, après la mort de Joseph.
C’est qu’en effet, l’esclavage spirituel, pas celui des corps mais celui de l’identité profonde, a commencé avec la mort de Jacob, comme en témoigne le dernier verset de la paracha précédente. Les Enfants d’Israël s’installent d’abord en Égypte et bientôt, avec la mort de leur père, ils oublient leur patrie.
C’est cela le pire des esclavages, la pire des aliénations : lorsque, oublieux de sa propre identité, on renonce à l’indépendance nationale et à la société humaine qu’elle seule permet de bâtir, quels que soient les obstacles et les difficultés, prenant racine en terre étrangère.
[1] Soit qu’il y ait un passage à la ligne suivante, auquel la paracha est dite « ouverte », soit qu’il y ait entre deux parachiyot l’espace correspondant à la taille de trois à neuf lettres, auquel cas la paracha est dite « fermée ». Mais entre Vayigach et Vaye’hi, il y a tout juste l’espace habituel d’une lettre séparant deux mots.
Extrait de l’ouvrage du Rav Shaoul David Botschko ”A la table de Shabbat”
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