« Prends bien garde et fais extrêmement attention de ne pas oublier les paroles que tes yeux ont vues afin qu’elles ne s’écartent point de ton cœur durant toute ta vie. Et tu les feras savoir à tes enfants et à tes petits-enfants. Le jour où tu étais debout devant Dieu au mont Horeb… Et la montagne brûlait[1]… »
Ces versets proclament avec force que chacun doit raconter à ses enfants « le jour » le plus célèbre. La Révélation est, en effet, la source de notre foi en la Thora de Moïse. C’est parce que tout notre peuple a été le témoin oculaire « des paroles de Dieu » que celui-ci sait que l’auteur de la Thora est Dieu. Le Ramban – rabbi Moché Ben Na‘hman – commente ainsi ces versets :
« Ces versets sont un avertissement extrêmement sévère de ne point oublier qui est à l’origine des commandements. Tu dois te souvenir de l’événement du Sinaï, de tout ce que tes yeux ont vu ! Les voix, les flammes, Sa gloire, Sa grandeur, Ses paroles que tu as entendues, le feu ! Et tu feras savoir tous ces événements à tes enfants et à tes petits-enfants. Selon moi, il y a dans ce texte un commandement positif et un commandement négatif. Le commandement négatif est l’interdiction d’oublier cet événement ; le commandement positif de l’enseigner à nos enfants. Et ces commandements sont fondamentaux, car si notre foi n’était fondée que sur les miracles réalisés par Moïse, elle pourrait être mise en question par un faux prophète qui ferait également des miracles. Mais comme la Thora nous est donnée directement par Dieu, nous pouvons faire taire tous ceux qui voudraient nous faire douter et c’est pour cela qu’il est primordial de témoigner devant nos enfants car ainsi ils auront la même certitude que nous[2]. »
Pour le Ramban, un père ne doit pas se contenter d’enseigner tous les commandements de la Thora à son enfant, il doit également témoigner de la Révélation.
Les commentateurs sont unanimes sur la centralité de l’événement du Sinaï, mais curieusement, ils n’ont pas considéré – comme le Ramban – que la transmission de cet événement fasse partie des 613 commandements.
De même, le Talmud lui-même[3] n’a pas interprété le verset : « Tu les feras savoir à tes enfants et à tes petits-enfants » comme parlant spécifiquement de la Révélation. Pour le Talmud, le verset évoque l’étude de la Thora en général : « Rabbi Josué fils de Lévi a dit : celui qui enseigne la Thora à son fils et à son petit-fils, c’est comme s’il l’avait reçue du mont Sinaï. » Rabbi Josué fils de Lévi nous enseigne ici que la prise de conscience de l’origine divine de la Thora se trouve dans l’étude de la Thora elle-même.
Celui qui transmet la Thora de génération en génération a réalisé au plus profond de lui-même ce qu’est la Thora.
« Ces paroles seront gravées sur ton cœur et tu les enseigneras à tes enfants[4]. » Si tu les enseignes à tes enfants, c’est qu’elles sont gravées dans ton cœur, c’est que par ton étude, tu as réalisé que la Thora est la Vérité.
Hillel avait quatre-vingts élèves, le plus grand était Yonathan Ben Ouziel, le plus petit rabbi Yo‘hanan Ben Zakaï. Que savait rabbi Yo‘hanan Ben Zakaï ? Tout, répond la Guémara. Il connaissait la Bible et le Talmud, la Aggada et la Qabbale, les sciences et même le langage des animaux. Et rabbi Yonathan Ben Ouziel ? Lui, chaque fois qu’il étudiait, il devenait flammes. Un oiseau qui serait passé loin au-dessus de lui se serait brûlé[5]. Les Tossafistes expliquent que lorsque rabbi Yonathan ben Ouziel étudiait la Thora, il en avait une vision si claire que c’était comme s’il recevait à nouveau la Thora au mont Sinaï où elle a été donnée dans les flammes.
En étudiant la Thora, nous devenons nous-mêmes les témoins directs de la Révélation.
[1] Deutéronome iv, 9-11.
[2] Ramban sur le verset 9.
[3] Qiddouchin 30a.
[4] Deutéronome v, 7.
[5] Soucca 28a.
Extrait de l’ouvrage A la Table de Shabbat du Rav Shaoul David Botschko