« Comment se relèvera l’honneur d’Israël ? Par Ki Tissa », répond la Guémara[1].
Ki Tissa, ce sont les deux premiers mots de notre paracha[2]. Littéralement ils se traduisent par : « Lorsque tu élèveras » et signifient : « Lorsque tu compteras ».
Dans ce passage, le texte établit les lois relatives au dénombrement des Hébreux : en particulier, il fallait que chacun d’eux donne un demi-sicle d’argent, ce qui permettait de les compter. Tout cet argent fut ensuite fondu pour être transformé en socles, les socles qui supporteront les murs du Tabernacle.
Rachi explique que cette mitzva a été donnée après que les Enfants d’Israël eurent fabriqué le veau d’or[3]. Ce décompte est ainsi présenté comme une réponse aux problèmes révélés par cette faute. Mais quels sont ces problèmes ?
Pour excuser l’attitude des Enfants d’Israël, Moïse dit à Dieu : « C’est Toi qui es responsable. Tu les as gratifiés de tant d’or pour lequel ils n’ont pas travaillé, comment pouvaient-ils ne pas se corrompre ? Tu as été comme un roi qui habille son fils avec de beaux vêtements, le parfume avec les meilleurs parfums et qui ensuite met toutes les tentations à la portée de sa main[4]. » Ainsi, les Enfants d’Israël ont été « gâtés ». Leur richesse les a écartés de Dieu. Ils ont voulu utiliser un or qui brillait dans leurs mains dont ils ne savaient que faire. Et lorsque leur chef – Moïse – n’était plus là, quoi de plus naturel, alors qu’ils se réunissent, qu’ils construisent avec l’or un objet autour duquel ils s’animeront jusqu’au matin ! « Ils se sont levés pour s’amuser[5] », dit le texte (Rachi explique qu’il s’agit de licence[6]).
« Comment se relèvera l’honneur d’Israël ? Par Ki Tissa. »
En utilisant leur or pour construire le Tabernacle, les Hébreux apprennent le bon usage de l’argent. De plus, en se transformant en donateur, chacun des Hébreux s’élève.
C’est la meilleure réponse au veau d’or. Celui qui pratique la tzédaqa, la « charité » érigée en justice, ressemble au Créateur, enseignent nos Sages. Lui n’a besoin de rien. Il ne fait que donner ; aussi, qui donne Lui ressemble et s’élève. C’est pourquoi Rachi explique la Guémara de Baba Batra ainsi : « Si tu veux les relever, qu’ils rachètent leurs âmes par la bienfaisance[7]. »
La faute du veau d’or n’était pas seulement le résultat de déviations individuelles, elle était aussi le produit d’une révolte collective : « Voici tes dieux qui t’ont sorti d’Égypte, O Israël », proclamèrent-ils en chœur[8]. C’est la raison pour laquelle lorsque Moïse vit le veau d’or, il brisa les Tables de la Loi : le peuple d’Israël ne les méritait plus.
Curieusement, le texte dit qu’il brisa les tables de la loi sous la montagne. Moïse avait compris que c’était, entre autres, ce qui s’est passé sous la montagne qui avait amené Israël à construire ce veau. En effet, le Talmud[9] explique que lors, du don de la Thora, Dieu plaça les Hébreux sous la montagne et leur dit : « Si vous acceptez la Thora c’est bien, sinon ici sera votre tombeau. » En d’autres termes, l’apparition de Dieu en personne sur le mont Sinaï était la plus formidable contrainte qui puisse être, et finalement les Hébreux, maintenus dans un état de soumission, n’ont pas participé activement à la réception de la Thora. C’est pourquoi rabbi Meïr enseigne dans le Midrach que les Hébreux ont projeté de construire le veau d’or dès le moment où ils reçurent passivement la Thora.
Pour dire « compter », la Thora dit « élever ». Elle montre ainsi que le dénombrement avait une valeur en soi.
Pourquoi fallait-il compter les Hébreux ? Rachi[10] explique que l’on comptait ceux qui devaient servir dans l’armée. Aussi ne comptait-on que les personnes qui avaient plus de vingt ans. Certes, le fait de compter les hommes comporte un danger : on risque de penser que la victoire dépend uniquement des rapports de force. Aussi faut-il compter, mais pas n’importe comment.
« Quand se relèvera l’honneur d’Israël ? Par Ki Tissa », lorsque à nouveau on comptera les Enfants d’Israël, que, de spectateurs, ils se transformeront en soldats et formeront une armée pour conquérir leur terre.
La réponse au veau d’or, c’est qu’Israël doit prendre son avenir entre ses mains, combattre pour son pays et non le recevoir passivement. L’honneur d’Israël se relève lorsque les Juifs s’unissent pour construire leur pays, tout en sachant que cette force qu’ils doivent utiliser est un moyen que Dieu leur donne pour édifier une société dont les fondements sont la Thora. Ainsi, lorsqu’on compta les soldats hébreux, chacun d’entre eux donna un demi-sicle pour la construction du Tabernacle.
[1] Baba Batra 10b.
[2] Exode xxx, 12.
[3] Rachi s/Exode xxx, 16.
[4] Rachi s/Exode xxxii, 31.
[5] Exode xxxii, 6.
[6] Rachi s/Genèse, xxxii, 6.
[7] Rachi s/Baba Batra 11b.
[8] Exode xxxii, 4.
[9] Chabbat 88a.
[10] Exode xxx, 14.
Extrait de l’ouvrage du Rav Shaoul David Botschko »A la table de Shabbat »
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hesder2@gmail.com
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