« Voici que Miriam meurt et les Hébreux à nouveau se plaignent[1]. »
Tant que Miriam vivait, un puits miraculeux accompagnait les Enfants d’Israël. À sa mort, celui-ci tarit[2].
Alors les Enfants d’Israël ont soif. Ils se précipitent chez Moïse et c’est un torrent de réclamations et de récriminations qui sortent de leur bouche. Ils ne se contentent pas de clamer leur soif, mais remettent tout en cause, la sortie d’Égypte comme leur séjour dans le désert[3].
Effarés et désemparés, Moïse et Aharon tombent face contre terre[4]. Moïse craint la réaction de Dieu. Comment pourrai-je encore intervenir en leur faveur, se demande Moïse ? Comment pourrai-je encore arrêter le courroux de Dieu ? Mais avant que Moïse ne reprenne ses esprits, Dieu lui intime l’ordre de rassembler la communauté et de lui donner de l’eau. Et, surprise, c’est contre Moïse que Dieu déverse Sa colère, pas un mot de reproche contre les Enfants d’Israël[5].
Quelle est donc la faute de Moïse ? Pour Rachi et le Midrach, il a frappé le rocher au lieu de lui parler. Il aurait dû montrer le chemin du dialogue et aurait ainsi sanctifié Dieu aux yeux des Hébreux. Pour Na‘hmanide, c’est également une question de paroles : c’est avec douceur qu’il aurait dû s’adresser aux Hébreux, tandis qu’il les a accusés d’être « révoltés ».
Alors que sa faute n’est pas évidente, Moïse sera néanmoins sévèrement puni. Les Hébreux, eux, se conduisent de façon ignoble, mais seront absous… En bref, les Enfants d’Israël fautent et c’est Moïse qui en subit les conséquences. C’est peut-être ce que veut nous dire la Thora lorsqu’elle dit à plusieurs reprises que « Moïse a été puni à cause des Enfants d’Israël[6]. »
Pourquoi tant de mansuétude pour le peuple juif cette fois-ci ?
Rabbi Yossi fils de rabbi Yéhouda dit que le puits a été donné aux Hébreux par le mérite de Miriam. Miriam morte, le puits disparaît, c’est la raison pour laquelle il est écrit dans le même verset[7] :
« Miriam mourut » et « il n’y avait plus d’eau pour la communauté[8]. »
Miriam est le modèle de la mère juive. C’est avec sa mère Yokheved qu’elle refuse d’obtempérer à Pharaon qui a ordonné de tuer les enfants mâles à leur naissance. Au lieu de les tuer, elle les berce de sa voix douce. C’est elle qui veille au bien-être de Moïse lorsque, tout petit, il est mis dans un berceau au bord du fleuve. Grand est son amour pour chaque Juif. Et c’est pour son mérite que Dieu donnait de l’eau au peuple tout entier.
Aussi, à sa mort, chacun se sent désemparé. La révolte du peuple juif n’est rien d’autre que ce cri de souffrance de l’enfant qui se sent abandonné par sa mère. Or, Dieu a compris ce désarroi. Aussi demande-t-Il à Moïse de rassurer le peuple. Va, lui dit-Il, rassemble le peuple et « tu abreuveras la communauté et son troupeau. » Dieu ne se contente pas de demander à Moïse de parler au rocher pour que celui-ci donne de l’eau, Il prie Moïse de s’occuper de donner à boire à chacun, comme une mère donne à boire à ses enfants réunis autour d’elle à table.
Moïse n’a pas compris que les Enfants d’Israël étaient comme des orphelins. Il les considérait comme majeurs (les a traités de « révoltés ») et a frappé le rocher.
« Et le peuple et leurs troupeaux burent[9]. »
Moïse ne leur donne pas à boire, comme Dieu le lui avait demandé. Il se contente de leur fournir l’eau. Certes, les Enfants d’Israël peuvent boire, mais ils ne sont pas rassérénés pour autant. Il leur manque la voix de Miriam.
[1] Nombres xx, 3.
[2] Rachi s/Nombres xx, 2.
[3] Nombres xx, 4-5.
[4] Ibid., 6.
[5] Ibid., 12.
[6] Par exemple, Deutéronome iii, 26.
[7] Nombres xx, 2.
[8] Taanit 9a.
[9] Nombres xx, 11.
Extrait de l’ouvrage du Rav Shaoul David Botschko ”A la table de Shabbat”
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029972023
Très belle interprétation de la section hebdomadaire de la Tora. Merci Rav Botschko.