« Or L’Eternel s’entretenait avec Moïse face à face (panim el panim) comme un homme s’entretient avec un autre. » (Exode.33, 11). « Face à face » signifie sans médiation ! Telle est la différence fondamentale entre la prophétie de Moïse et celle des autres prophètes que Maïmonide formule ainsi : « Tous les prophètes recevaient leur message prophétique dans un songe ou une vision et Moïse avait ses inspirations dans l’état de veille et en pleine possession de ses facultés. » (Le livre de la connaissance. VII. 6).
Suprématie de Moïse sur tous les prophètes au point que Maïmonide dit n’utiliser le terme de « prophétie » que pour le désigner par « amphibologie » (homonymie) en l’absence de terme adéquat. Au point que la Tradition interdit de distinguer entre la parole de D.ieu et celle de Moïse, « Tant est fort, écrit Levinas, le principe selon lequel le truchement prophétique de Moïse est la concrétude de la Révélation sans médiation. » (A l’heure des nations. P.129).
Pourtant quelques versets plus loin, à la demande de Moïse « Découvre moi ta Gloire (Kvodekha) » (33, 18), D.ieu répond « Tu ne saurais voir ma face car nul homme ne peut me voir et vivre. » (33, 20). Réponse que Maïmonide comprend ainsi : » la réalité de Mon existence telle qu’elle est ne saurait être saisie. » (Le guide des égarés. I, 37).
Par contre à la première demande de Moïse : « Fais-moi connaître tes voies (dérakhékha) afin que je te connaisse, pour que je trouve grâce devant tes yeux » (33,13), D.ieu consent à lui révéler ses attributs qui consistent en qualités morales (midot).
Ces attributs constituent donc le sommet de la vision de D.ieu que Moïse a pu entrevoir et communiquer au peuple d’Israël. Quelle est donc la signification de ces attributs ? Réponse de Maïmonide : « On ne veut pas dire ici (en parlant des midot de D.ieu) qu’il possède des qualités morales, mais qu’il produit des actions semblables à celles qui, chez nous, émanent de qualités morales…ce sont là les actions émanant de D.ieu pour faire exister les hommes et les gouverner. » (Guide. I, 54).
Ce n’est pas la « face » de D.ieu mais ses « arrières » (ahoraï) que Moïse entrevoit de la cavité du rocher où D.ieu l’a placé pour le protéger (33, 23). Le Midrash (Berakhot.7a) nous enseigne que les « arrières » de D.ieu qu’a entrevus Moïse consistent en le nœud formé par les courroies des phylactères sur la nuque divine.
La théophanie aboutit à un enseignement prescriptif, elle devient nomophanie : non pas Révélation de D.ieu mais révélation de la Loi ! Or la Révélation des Dix Commandements n’était-elle pas également une nomophanie ?
Dès lors, la relation sans médiation à D.ieu ne relèverait-elle pas du commandement ? La différence entre la prophétie de Moïse et celle de l’ensemble des prophètes ne se situe-t-elle pas au niveau prescriptif ?
Moïse aurait-il « vu » ce qu’aucun prophète n’a « vu » ? Le Texte talmudique répond négativement :
« Tous les prophètes ont eu une vision qui n’était pas lumineuse et Moïse, notre maître a eu une vision lumineuse », commentaire de Rachi ; « Tous les prophètes ont eu une vision qui n’était pas lumineuse et ont imaginé qu’ils l’ont vu et Moïse, notre maître, a eu une vision lumineuse et a su qu’il n’a pas vu Sa face. »(Yébamot.49).
Quel est donc le secret du « face à face » avec D.ieu que seul Moïse aurait connu ? Quelle est la relation la plus directe que l’homme puisse avoir avec son Créateur ?
Seul Moïse, parmi tous les prophètes, a reçu les 613 commandements de la Torah. Ni les patriarches, ni les prophètes n’ont reçu de commandements à inculquer au peuple d’Israël. Telle est la spécificité de la prophétie de Moïse, telle est la relation directe à D.ieu : Être commandé ! « Connaître D.ieu, écrit Levinas, c’est savoir ce qu’il faut faire. » (Difficile Liberté. p. 34).
Le judaïsme, avant d’être une orthodoxie (croyance) est une orthopraxie (pratique) !
La relation « face à face », le texte biblique la compare à celle qu’un homme entretient avec un autre homme.
Or la relation avec autrui ne relève-t-elle pas du commandement ? Autrui n’est-il pas la veuve, l’orphelin, l’étranger ou l’indigent ? Sa présence n’est-elle pas un appel ? Son « visage », nous dit Levinas, n’exprime-t-il pas une injonction ? N’est-il pas étrange que lorsque quelqu’un nous regarde, il nous est impossible de garder le silence ! Le regard d’autrui exige une réponse !
La responsabilité à l’égard de l’autre homme, telle est la source du commandement, telle est l’origine des 613 mitzvot que D.ieu a révélées à Moïse « face à face » !
David Peretz
Avec le respect que je dois à tous ceux qui honorent la Thora de leurs études , je ne puis accepter ce qui est dit dans l’article…
Tout un chacun en son for intérieur à le droit ,de penser, de traduire , d’appliquer ce que bon lui semble…..
Mais comme dit le Proverbe…
Ne mélangeons pas les torchons avec les serviettes….
Chabbat Menouha lé Koulam.
Chalom Beneinou.
Elohim Ichmor Haalenou.