Chaque fête nous donne l’occasion de nous reposer et surtout de nous poser, c’est-à-dire de nous ressourcer et de réfléchir à notre passé, notre présent et à ce que pourrait être un avenir meilleur. Dans le livre d’Esther nous lisons que les Juifs formaient « UNE NATION avec des LOIS DIFFÉRENTES de celles de toutes les autres nations ». Des lois, une justice sociale basée sur un monothéisme absolu ; une doctrine d’unité tendant vers l’harmonie entre le matériel et le spirituel, entre la justice et la charité. Être diffèrent, car un beau tableau n’est pas fait d’un ton uniforme mais d’une pléiade, d’une variété de couleurs…
Haman, Hitler ou nos ennemis d’aujourd’hui ne font pas la différence entre les Juifs qui se disent laïcs et ceux qui se disent religieux. En vérité c’est D.ieu qui reconnaîtra les siens. Il est vital de prendre conscience que nous avons beaucoup plus de points communs que de différences. Comment expliquer la survie du peuple juif malgré les ennemis qui surgirent tout au long de son histoire mouvementée. On peut répondre par l’analogie suivante : afin d’établir une loi scientifique, les savants procèdent à de nombreuses expériences pour déterminer ainsi des règles constantes. L’histoire peut également servir de laboratoire. Notre peuple a vécu dans des conditions et dans des endroits les plus divers. La langue parlée et les coutumes furent très variées. On ne peut donc dire que tous ces éléments forment une base commune. En revanche la Torah, les mitsvot et la tradition furent et sont encore le dénominateur commun.
Si l’on analyse la période qui précède Pourim, on s’aperçoit qu’elle fut l’une des plus heureuses de notre histoire. Esther est l’épouse de l’Empereur A’hashverosh. Quant à Mordehaï, il siégeait auprès du Roi. Or, c’est précisément au moment où nous sentions le plus en sécurité que fut donné l’ordre de « les anéantir du plus petit au plus grand ». La raison de ce brusque revirement vint de l’assimilation grandissante et de notre participation à un festin non cacher donné par l’Empereur à l’occasion de son ascension au trône. L’heureux dénouement de Pourim est tout aussi significatif. Logiquement lorsque Mordehaï a eu vent du terrible décret d’extermination contre son peuple il aurait dû demander à Esther de profiter de son statut pour intercéder auprès de son mari, A’hashverosh. Mais c’est une toute autre voie que la diplomatie qui est choisie : un jeûne de 3 jours et la prière. Esther jeûnera aussi. Elle ne sera donc pas « très présentable » aux yeux de son époux. N’était-ce pas mettre en péril la réussite de sa mission ? Non… car s’il est dit « Aide-toi … », il ne faut pas oublier aussi que « c’est le Ciel qui t’aidera ».
Et pourtant le nom D.ieu ne figure pas une seule fois dans ce livre qu’on appelle en hébreu : Méguilat Esther. Méguila c’est le rouleau, le livre et aussi l’action de dévoiler. Esther est un prénom qui signifie « ce qui est caché ». Dévoiler… prendre conscience de la présence de D.ieu qui volontairement se cache…
DÉVOILER CE QUI EST CACHÉ
Où est D.ieu ? C’est une question qu’éprouvent jusque dans leurs chairs les survivants d’Auschwitz. L’histoire universelle semble évoluer selon l’ordre naturel des choses, selon le hasard. Mais dans le récit de Pourim nous avons devant nous des évènements constamment soumis à un rapport de cause à effet, qui se suivent avec une logique rigoureuse. Une succession de coïncidences auxquelles nous ne prêterions guère attention si elles ne se présentaient à nous de façon isolée pour se développer ensuite jusqu’à former une structure, une trame bien précise où tout se tient… Et nous pouvons appliquer ce principe à la vie de tous les jours. Ce qu’on appelle fortuit, accidentel, naturel est en fait l’un des fragments d’un grand puzzle. Chacun de ces fragments est le complément des autres et les rend plus parfaits. Il y a une finalité dans l’univers et dans l’Histoire de l’humanité.
RAV YAACOV SPITEZKI
SHORASHIM
Le centre pour les étudiants francophones
Université Hébraïque de Jérusalem