A voir les commentaires issus des deux camps suite à la tragédie épouvantable qui a secoué la ville d’Orlando, l’Etat de Floride et l’ensemble des Etats-Unis, on a du mal à croire que les Républicains et les Démocrates parlent du même drame tant leurs interprétations de ce qui vient de se passer dans ce night club homosexuel il y a quelques jours diffèrent.
Chez les Républicains, la parole qui compte aujourd’hui est celle de Donald Trump, candidat du Parti pour devenir le 45ème président des USA lors des élections de Novembre prochain. Trump, comme à son habitude, ne mâche pas ses mots. Dans les quelques heures qui ont suivi la tuerie, il s’est félicité d’avoir vu juste dans son analyse de la situation sécuritaire des Etats-Unis, et en particulier de la menace que fait peser l’Islam radical. Ces commentaires ont été vivement critiqués par les Démocrates. Après tout, il était encore très tôt pour se réjouir, quel que soit le prétexte. Trump n’en a pas démordu, et il n’a eu aucune hésitation à nommer le coupable : dans la doctrine « Donald Trump », dans son analyse des faits, le coupable c’est l’Islam radical, et nous dit-il « la communauté musulmane des Etats-Unis qui est complice par son silence et son inaction, parfois même par sa sympathie envers les terroristes ». La solution pour lui commence par limiter temporairement l’entrée des musulmans aux Etats-Unis jusqu’au moment où les Etats-Unis seront en mesure, par des actions d’infiltration et de renseignement sur le terrain, de déterminer qui sont les musulmans « désirables » et ceux qui ne le sont pas.
L’analyse Démocrate de la tuerie d’Orlando a été relayée par Barack Obama et Hillary Clinton, elle-même candidate de son parti pour la prochaine présidentielle. Pas question pour eux initialement de prononcer les mots Islam, Islamiste, Djihad ou Musulman. Le coupable, c’est le puissant lobby de défense du droit du port d’armes, ce lobby qui défend le deuxième amendement de la constitution américaine. Les coupables, ce sont les armes à feu qui circulent librement, sont vendues disent-ils à n’importe qui. Ce sont les Kalashnikov qui tuent, pas ceux qui les actionnent. Obama est devenu un expert dans ce genre de discours. Dans son dernier briefing à la fin d’une réunion de son conseil de sécurité, Obama a encore une fois réitéré cette position, je cite quelques extraits de son intervention télévisée : « A quoi cela sert il de prononcer les mots « Islam radical » ? », « le meurtrier est un jeune homme instable, dérangé qui passait trop de temps sur internet », « il faut restreindre le port d’armes, c’est là qu’est la vraie responsabilité de cette tuerie », etc… Hillary Clinton, elle-même, interpelée par des journalistes sur le fait qu’elle non plus ne prononçait pas ces mêmes mots « Islam, musulman, djihad », déclarait qu’elle pourrait les prononcer si cela était nécessaire. Quelle réponse !
Malheureusement pour les Démocrates, les faits sont là et indéniables : durant les sept ans de la présidence Obama, il y a eu 18 massacres par armes à feu aux Etats-Unis, plusieurs avec une connexion islamiste, plus que n’importe quel autre président avant lui. Pour lui, qui s’est toujours défini comme un ami du monde arabe, quel désaveu ! Faut-il voir dans ce grand nombre de tragédies, au contraire, une conséquence de son laxisme et de sa permissivité ? Quand à la limitation du droit de posséder des armes, la tragédie d’Orlando lui apporte un démenti cinglant. En effet, le terroriste était employé par une société de sécurité industrielle comme garde, il avait un permis professionnel qui l’aurait autorisé à posséder et à porter des armes d’assaut, même si, comme Obama le souhaite si ardemment, le port d’arme était limité.
Si les positions des uns et des autres sont si radicalement différentes, c’est qu’ils ne se livrent pas à une analyse objective et factuelle. Ils projettent dans leurs positions respectives une composante idéologique d’autant plus forte que nous ne sommes qu’à 4 mois et 3 semaines de l’élection présidentielle. Les derniers sondages montrent que deux tiers des américains sont d’accord avec Donald Trump et souhaitent limiter temporairement l’entrée des musulmans aux Etats-Unis. Et une majorité d’Américains voient dans la position de Barack Obama une faiblesse qu’ils ne sont plus prêts à accepter. D’où les tentatives d’Hillary Clinton de se démarquer du Président. La tuerie d’Orlando aura des effets durables qui influeront de manière significative sur les résultats de l’élection présidentielle. A l’heure où l’économie américaine, l’emploi, le bâtiment et les investissements se portent bien, l’impératif sécuritaire va devenir prioritaire dans l’esprit de très nombreux Américains, et ils surveilleront avec attention les mots des candidats, leur posture et leurs promesses. Le 8 novembre n’est pas si loin.
Beaucoup de choses vont encore se passer entre maintenant et novembre. La tuerie de Mantes-la-Jolie reçoit aux Etats-Unis une couverture médiatique inhabituelle pour un événement survenu en France. Les analyses faites par les autorités françaises sont bien plus proches de celles de Barack Obama que de celles de Trump. Le tragique « pas d’amalgame » refait son apparition, et avec lui la volonté de ne pas nommer l’ennemi, donc de ne pas se donner les moyens de le combattre effectivement. Mais il est clair que les deux tragédies ne peuvent être dissociées.
Un mot de fin pour la communauté homosexuelle. Cette communauté LGBT est la première victime de la tragédie d’Orlando. Tous les politiciens tendent à minimiser ce fait et c’est inacceptable. Cette même communauté qui, au nom d’une soi-disant morale religieuse supérieure, est persécutée dans de très nombreux pays musulmans, et qui est maintenant attaquée aux Etats-Unis et ailleurs en Occident. S’il est très important de bien nommer les coupables, il est tout aussi important de bien nommer les victimes, et de les assurer de notre soutien dans leur combat pour la liberté.
Jean-Pierre Braun
Ancien Président, Communauté RACHI, Grenoble
Editorialiste, Radio Kol Hachalom, Grenoble