Hier soir (mardi), l’ex otage Omer Wenkert s’est confié pour la première fois sur les 505 jours dans l’enfer de la captivité. Il a tout raconté, depuis son enlèvement jusqu’à sa libération en passant par les 197 jours qu’il a passé seul, dans une pièce d’un mètre sur un mètre dans un tunnel du Hamas et les sévices qu’il a subis.
»Mourir brûlé c’est le pire »
Le 7 octobre, Omer et sa meilleure amie Kim sont arrivés vers 4h du matin au festival Nova. A 6h30 quand les sirènes ont commencé à retentir, ils se sont dirigés vers la sortie. En route, les alertes étant incessantes, ils ont décidé de s’arrêter dans un abri, à Reïm. Cet abri où des dizaines de personnes se sont réfugiées et ont trouvé la mort sera nommé »l’abri de la mort ». Les terroristes ont encerclé l’abri, ils ont tiré à l’intérieur des rafales et jeté des grenades.
Omer raconte: »Mourir brûlé est la pire mort qui soit. Vous êtes terrifié par la souffrance qui vous attend. Soudain, la chaleur commence à pénétrer, la fumée s’infiltre dans vos poumons, et puis vous entendez quelqu’un crier au téléphone : ‘Ils nous tuent, ils nous brûlent.’ À ce moment-là, il y a eu un silence absolu, parce que tout le monde a compris que c’était la fin. Je suis pris de vertiges, je commence à perdre connaissance. J’étais très occupé tout le temps… C’est terrible à dire, mais j’étais occupé à prendre les corps des gens et à les poser sur ma tête pour me protéger, au cas où ils reviendraient nous tirer dessus, au cas où une grenade arriverait. Je les mettais simplement sur ma tête… Je voulais enfoncer ma tête le plus bas possible, mais elle se retrouvait exposée à chaque fois, car je posais un corps, puis une autre grenade explosait, et tout bougeait.
A un moment donné, il a pris une décision : il ne mourrait pas dans l’abri. « Je me suis dit – si je dois mourir, alors ce sera dehors, debout. Pas brûlé. »
Il sort de l’abri et là des hommes armés lui font signe de venir. Omer comprend qu’il va être kidnappé. Il explique qu’il a tout de suite pensé à Ron Arad et s’est efforcé de se montrer devant les caméras de suveillance pour que l’on sache qu’il avait été enlevé en vie.
Arrivé à Gaza, Omer décrit la foule qui se jette sur lui, alors qu’il a les pieds et les mains liés, à l’arrière du pick up: »Je me suis senti humilié. Un Juif, un Israélien, en caleçon, sur un pick-up au milieu de Gaza, entouré par une foule qui me frappait avec des bâtons et des briques, tout ce qui peut servir à frapper. Il y avait aussi des enfants sur les épaules, des enfants de 3 ans avec leurs pères qui te frappent ».
Des coups à en perdre connaissance et la solitude
Les 50 premiers jours, Omer est détenu avec quatre Thaïlandais et Liam Or, un autre otage israélien. Ce dernier a été libéré lors du premier accord en novembre 2023.
Pendant ces journées, Omer est régulièrement tabassé par les terroristes: »Ils nous tabassent autant qu’ils le peuvent. Ils nous frappent avec la crosse de leur fusil, nous donnent des coups de pieds partout. Le premier coup de poing te fait perdre connaissance, le second te réveille, au troisième tu t’évanouis, au quatrième tu te réveilles et ainsi de suite ».
Ils ont été affamés: « On dormait sur le sable. Liam et moi nous couvrions avec du plastique jusqu’au 50ᵉ jour environ. De temps en temps, la lumière s’éteignait sous terre. Quand la lumière s’éteignait, c’était une obscurité totale, terrifiante. Au début, on mangeait très peu. La plupart du temps, on mangeait très peu. Le matin, trois dattes ; le soir, un morceau de pita. On avait un demi-litre d’eau pour deux personnes, pour toute la journée, 24 heures. Peu à peu, ça a légèrement augmenté parce que les Thaïlandais ont choisi de parler, ils ont dit : ‘Nous demandons plus de nourriture’. Mais moi, j’étais en mode survie, en mode captivité. Je me suis dit : ‘C’est la situation, c’est ma nourriture, et je dois faire avec.’ Je n’étais pas prêt à me rabaisser. Je n’étais pas prêt à leur dire: ‘Ce n’est pas assez.’ Je ne voulais pas leur montrer ma faiblesse. »
Alors que Liam était déjà rentré chez lui, Omer est resté seul. Et comme si cela ne suffisait pas, l’un des hauts responsables du Hamas est arrivé dans son tunnel, l’obligeant à quitter sa chambre pour être transféré dans un cachot – une pièce d’un mètre sur un mètre, où les terroristes creusaient un trou pour ses besoins.
»Je ne comprenais pas vraiment pourquoi ils creusaient un trou. Au début, j’ai demandé : ‘C’est pour moi ?’ Ils ont ri, et j’étais persuadé que c’était la fin, qu’ils allaient m’enterrer sous terre. Puis j’ai vu qu’ils installaient un réseau électrique, et là, j’ai compris qu’ils me transféraient ici, que j’allais probablement vivre là. C’était bien pire qu’un cachot. Je regardais cela et je me disais que ce n’était pas possible. J’ai supplié qu’ils ne me mettent pas là-dedans. Puis j’ai fermé la porte et compris que, pour l’instant, j’étais ici. Ce fut un moment extrêmement difficile, car je passais d’une condition inhumaine à quelque chose de… Je ne pense même pas qu’il existe un mot pour le décrire », témoigne Omer.
Pendant 197 jours, Omer est resté seul, coupé du monde, dans ce cachot, où il sera affamé et maltraité. Pour tenir le coup, il se parle à lui-même à voix haute, tous les jours.
Ce n’est qu’au mois de juin qu’il rejoindra d’autres otages: Guy Gilboa Delal, Evyatar David et Tal Shoham. Ce sont eux qui lui apprennent que 250 personnes ont été prises en otages le 7 octobre, ils lui racontent les atrocités du 7 octobre. En revanche, il n’apprendra qu’à son retour en Israël que sa meilleure amie, Kim, a été assassinée ce samedi noir.
Les mains qui tremblent
Omer se souvient du jour de sa libération: « Waouh… On commence à se préparer, mais je n’ai pas dormi une seule minute. Ils commencent à nous emmener dehors. Après l’ouverture de la dernière porte blindée, on est en route vers le puits qui nous mènera à l’extérieur, et on commence à entendre les bruits du dehors. On nous arrête un instant, on est là, debout, les yeux bandés, en se tenant la main. Je crois que c’est soit Omer soit Elya qui a commencé à chanter Shir LaMa’alot. Et puis, on s’est retrouvés, tous les trois, à chanter Shir LaMa’alot à pleine voix, avec le cœur, sincèrement. Je me souviens de nos mains qui tremblaient, on était submergés d’émotion. C’était un moment de victoire, parce qu’ils étaient là, juste à côté de nous, et nous, on était dans notre bulle, conscients qu’on rentrait à la maison. On chantait Shir LaMa’alot, on demandait de l’aide, et cette aide était arrivée. Une émotion indescriptible nous traversait le corps. Puis, ils nous ont enlevé le bandeau, et là, tu réalises que c’est réel. Que ça arrive vraiment, vraiment. Et soudain, la scène est devant toi. Au moment où j’ai vu la Croix-Rouge, ça a été le plus grand soulagement possible. Tu comprends que c’est fini, que ça arrive vraiment. Alors commence cette sorte de cérémonie, ce qu’ils appellent une ‘fête du retour à la maison’. Une fête, c’est ainsi qu’ils qualifient cette folie. »
Un rêve: devenir père
Après tout ce qu’il a traversé, Omer confie avoir désormais un rêve: »J’ai un rêve, le plus grand de tous, avec lequel je suis revenu. Honnêtement. Avant tout, je veux être père, fonder une famille. Vraiment, c’est ma priorité absolue en ce moment. Je suis revenu, j’ai retrouvé ma liberté, j’ai retrouvé ma vie, et c’est la chose la plus incroyable qui soit. Mais il y a encore des gens qui sont toujours là-bas. Et comme je leur ai promis à cet instant, il faut commencer le combat. Aussi vite que possible ».