Le deuil du Omer peut faire oublier la grande valeur de cette période qui unit Pessah à Chavouot. C`est d`ailleurs une des significations du compte des jours du Omer : comprendre que chacun de ces jours compte, parce qu`ils nous amènent de la Sortie de la maison des esclaves au Don de la Torah.
Nos Maitres n’ont certainement pas voulu éclipser cette joie, à cause d`un évènement tragique ultérieur ayant eu lieu à la même période accidentellement. Je suppose qu’au contraire, le deuil éclaire cette période.
Pour le comprendre, reprenons le texte à l`origine du deuil :
« Nos Maîtres enseignent : Rabbi Akiva avait douze mille paires de disciples, de Gabbath à Antipras et tous sont morts en même temps parce qu’ils ne se traitaient pas mutuellement avec respect. Le monde était anéanti…tous sont morts entre Pessah et Chavouot. Rabbi Hama bar Abba ou d’après d’autres, Rabbi Hiyya bar Abin dit: « Ils sont tous morts d’une mort cruelle » laquelle? – Rabbi Nahman a répondu: « askara » ! »
(Extrait de Yevamot 62)
Quelques questions avant tout :
1) Pourquoi une telle sévérité : 24000 élèves meurent parce qu’ils ne se respectent pas ?
2) Le même Rabbi Akiva pour qui toute la Torah était incluse dans la mitsvah d’aimer son prochain, n’aurait pas pu transmettre cet enseignement capital, à ses élèves, incapables de se respecter mutuellement ?
C’est comme si dans la Yeshiva du H’afets Haïm, connu pour son attention particulière au lachon hara, tous les élèves multipliaient colportage et médisance.
3) Pourquoi nous préciser les détails de leur mort : « ils sont morts d’une mort cruelle, laquelle? Askara, (d`étouffement par une infection de la gorge)» ?
Mais justement, ce détail est peut-être la clé de lecture du texte.
Il ne s’agit pas d’une curiosité malsaine. La façon dont ils sont morts nous révèle en fait l’enjeu de leur mort. Ils sont morts étouffés, ils ne pouvaient plus respirer. La respiration est fondamentalement basée sur l’échange : inspirer de l’air pour en conserver l’oxygène et ensuite expirer pour rejeter le gaz carbonique.
L`échange c`est la vie, or ils n’échangeaient plus, leur Torah ne respirait plus. Chacun croyait avoir raison tout seul, leur Torah était irrespirable. Mais alors comment comprendre que les élèves de Rabbi Akiva aient eu cette attitude?
C’est peut-être la leçon principale du deuil du Omer : justement, le fait d`avoir étudié à l`école de grands maitres, peut nous rendre orgueilleux et croire que seule notre « chita » est juste, en méprisant la « chita » des autres.
Le Tikoun du Omer : aujourd’hui, les jours de Yom Hashoa, Yom hazikaron et Yom haatsmaout ; qui tombent justement pendant le Omer; nous permettent de réparer la fautes des élèves de Rabbi Akiva.
Le statut de ces jours est aujourd’hui très discuté. Si nous parvenons à nous opposer sans haine, sans mépris, en acceptant que les « chitot » opposées sont conduites par d`autres Rabbanim, eux aussi respectables, nous nous préparerons véritablement à la fête de Chavouot où, comme au pied du mont Sinaï, nous étions tous porteurs d’une facette unique de la Torah tout en étant « ensemble comme un seul homme avec un seul cœur. » (Rachi sur Chemot 19)
Raoul Spiber