Mars 1938, il y a 80 ans
11 Mars, Paris, 10h15. Le président de la République Albert Lebrun se demande à combien devra-t-il fixer le montant du prochain budget de la Loterie Nationale.
A Vienne, au même moment, le chancelier Schuschnigg reçoit un nouvel ultimatum d’Adolf Hitler : soit il retire son projet de plébiscite sur l’indépendance de son pays, soit l’Allemagne envahit l’Autriche. Toute discussion est exclue. A 14h00, Schuschnigg annule le plébiscite. Il n’aurait jamais dû provoquer ainsi son puissant voisin, se dit-il, maintenant soulagé d’avoir résolu la crise. Après tout, l’exigence d’Hitler de nommer le nazi Seyss-Inquart comme ministre de l’Intérieur, n’était pas si terrible ! Ce n’est pas un monstre, Seyss-Inquart! C’est un nazi modéré! Et aux goûts délicats, avec ça ! N’ont-ils pas en commun l’amour de la musique en général et celle de la neuvième symphonie d’Anton Bruckner en particulier ? Enfin, heureusement, que tout est maintenant rentré dans l’ordre.
Vienne, 15h30: Schuschnigg apprend les nouvelles exigences du Führer: il doit maintenant démissionner et nommer Seyss-Inquart à sa place! Rien que ça ! D’un seul coup, le chancelier d’Autriche, ce petit dictateur liberticide qui, en quelques années a muselé la presse de son pays, interdit le droit de grève, emprisonné les socialistes et liquidé les leaders syndicaux, n’est plus que l’ombre de lui-même. Après de petites minutes d’hésitation, il présente sa démission au président Miklas, comme l’a exigé le Führer.
Berlin, 20h45: Hitler perd patience. Seyss-Inquart n’a toujours pas envoyé le télégramme bidon appelant les Allemands à l’aide. On s’en passera. Tant pis pour les apparences. L’ordre d’invasion est lancé. Les premiers panzers passent la frontière. Le monde regarde ailleurs.
15 mars, Vienne: Au balcon de ce que fut le palais de Sissi, devant une foule enthousiaste, Hitler déclare l’Anschluss, l’annexion de l’Autriche au Reich. Le soir même, les nazis investissent les appartements des Juifs les plus riches, s’emparent des œuvres d’art, des tapis, du mobilier. C’est le début du pillage organisé des Juifs de Vienne qui rapportera des dizaines de milliards de Reichsmarks au régime.
18 Mars, Vienne: Himmler réquisitionne le bel hôtel Métropole, après avoir fait arrêter son propriétaire juif et y installe le Q.G de la Gestapo. Les Juifs sont forcés de nettoyer à quatre pattes les trottoirs de la ville. Les organisations juives sont interdites. Leurs membres envoyés à Dachau. On dénombrera 79 suicides durant le seul mois de Mars.
A Paris, le journal officiel publie le dernier décret Lebrun : le vin rouge de Juliénas est dorénavant reconnu comme une appellation d’origine contrôlée et elle englobera la commune de Pruzilly en Saône et Loire.
Mars 1948, il y a 70 ans.
New York, 3 Mars. Le conseil de sécurité vient de refuser par 8 voix contre 3 de confirmer le plan de partage prévoyant le départ des anglais le 15 Mai. Ce qui signifie pratiquement que l’instance la plus effective de l’ONU désavoue le plan de partage voté par cette même institution en novembre ! C’est un coup dur pour les partisans de la création de l’Etat juif. Sera-t-il fatal ?
Washington, 4 Mars. Le célèbre journaliste américain Drew Pearson révèle les plans secrets de l’administration britannique en Palestine. Les Anglais n’ont nullement l’intention de remettre aux responsables juifs le pays en bon ordre comme la résolution de l’ONU l’exige. Avec un froid cynisme, le Foreign Office a envoyé aux autorités mandataires 32 pages d’instructions visant à rendre le pays ingouvernable ! Il s’agit de brûler tous les documents qui pourraient permettre aux dirigeants du Yishouv de gérer la situation : papiers administratifs, dossiers de travail, etc… les représentants de Sa Majesté sont tenus également de laisser les portes des prisons ouvertes et de libérer les malades mentaux des hôpitaux psychiatriques. La nouvelle sape le moral du Yishouv. L’Etat pourra-t-il voir le jour dans ces conditions ?
Londres, 10 mars: Le Daily Express titre : « Le plan de partage est mort. Même l’administration américaine considère maintenant avec attention la proposition britannique d’annuler ou de reporter à une date non déterminée la résolution de l’ONU ».
Jérusalem, 11 Mars: Une voiture piégée explose devant les locaux de l’Agence juive. 12 morts dont le président du Keren Hayessod, Arié Leib Yaffé. Depuis Novembre, 1500 Juifs ont déjà été tués par des attentats. Les armées arabes annoncent quant à elles, qu’elles envahiront le nouvel Etat le jour de son indépendance si celle-ci devait être proclamée en Mai. Le moral du pays est au plus bas. Ben Gurion écrit dans son journal : » Je ne partageais pas l’euphorie du Yishouv après le vote de Novembre. Je ne partage pas plus son désespoir et son découragement aujourd’hui. Nous allons créer notre Etat comme prévu. Point final ».
Mars 2018, il y a quelques jours
Washington, 6 mars: Le premier ministre israélien, Binyamin Netanyahou, prononce un important discours devant le puissant lobby juif américain, Aipac. Il rappelle, chiffres et photos à l’appui qu’Israël est aujourd’hui une puissance économique, technologique, militaire, cybernétique, agricole et médicale avec laquelle le monde doit compter. Il dresse l’impressionnante liste des pays qu’il a visités cette année à leur demande, de l’Inde à l’Australie et de l’Argentine au Kenya. La veille, il avait rencontré pour la cinquième fois le président des Etats-Unis d’Amérique qui lui a confié qu’il projetait peut-être de venir assister en personne à l’inauguration de l’ambassade à Jérusalem lors des festivités des 70 ans de l’Etat juif.
New York, 8 mars: Inauguration à l’ONU en présence du premier ministre israélien de la première exposition sur les 3000 ans de présence juive à Jérusalem.
Synagogues du monde entier, 17 mars: Lecture de la parachat Vayikra. Au premier mot, le petit alef fait la différence entre « Vayikar » qui renvoie au hasard et « Vayikra » qui signifie à la fois lecture et appel. Le alef est écrit en petit comme pour nous dire qu’il est aisé de ne pas le voir et de conclure que l’histoire d’Israël est le fruit du hasard. Mais être Juif, c’est remarquer le petit alef qui accompagne notre histoire et qui la transforme en véritable lecture de la parole divine au même titre que la Thora elle-même. L’histoire juive est un appel permanent à être digne du destin qui est le nôtre. Si ce n’était pas le cas, comment un peuple aussi petit et fragile pourrait-il réussir à survivre, se relever et se développer malgré les innombrables difficultés qu’il traverse ?
Arrêtez-moi si je dis des bêtises….
Rav Elie Kling