Dans ce contexte, nous avons voulu en savoir davantage sur le quotidien des Juifs de Marseille.
Nous nous sommes tournés vers Thierry Ohayon, président de Mazone Marseille. A la tête de cette association caritative, il est au plus près des familles en détresse.
Le P’tit Hebdo: Depuis quand Mazone Marseille existe-t-elle?
Thierry Ohayon: L’association à Marseille est une branche de Mazone qui existe depuis 20 ans. Dans notre ville, elle a été fondée, il y a 8 ans, et fonctionne grâce à la logistique de Mazone à Paris. J’en suis le 3e président et mes prédécesseurs ont effectué un travail remarquable, avec l’aide des différentes directrices.
Lph: En quoi consiste votre action?
T.O.: Notre mission consiste à identifier les familles nécessiteuses, à les accompagner sur le plan alimentaire principalement. Nous venons ainsi en aide à une cinquantaine de familles, ce qui représente environ 300 personnes, à Marseille et dans la région PACA. Nous leur distribuons des colis alimentaires qui leur permettent de couvrir leurs besoins hebdomadaires.
Parallèlement, nous augmentons le nombre de colis en période de fêtes. Nous recevons régulièrement des demandes que nous ne pouvons pas satisfaire faute de budgets nécessaires. Il s’agit la plupart du temps de familles nombreuses ou monoparentales.
Lph: Ces familles dont vous partagez le quotidien vivent en majorité dans des quartiers défavorisés donc sensibles.
T.O.: En dehors de certains cas de familles qui ont tout perdu subitement, la plupart des familles que nous aidons vivent dans des quartiers populaires et subissent au quotidien un climat défavorable. Des personnes qui habitaient dans leur logement depuis des décennies s’y sentent aujourd’hui mal.
Lph: Quand vous parlez de climat défavorable, vous voulez dire qu’il y règne un climat antisémite?
T.O.: Nous avons déjà déploré des actes antisémites. Mais à vrai dire, ces quartiers sont devenus dangereux dans l’absolu. Les informations ne manquent pas de rapporter les faits divers violents à Marseille. Certaines familles que nous aidons cherchent à déménager. Ce n’est pas évident lorsque l’on a peu de budget. Ces familles sont aidées, autant que faire se peut, par des associations communautaires, pour trouver des logements abordables dans des quartiers moins sensibles. Certaines voudraient faire leur alya, mais là aussi, le fait d’avoir un niveau de vie modeste rend la chose compliquée voire impossible. Les aides sociales n’existant quasiment pas en Israël, cela pose problème pour ces familles. Beaucoup de mes amis ont fait leur alya, mais cela reste encore un pas trop lourd à franchir pour de nombreuses familles et notamment celles que Mazone aide. Nous tentons bien d’orienter au moins les jeunes de ces familles vers les programmes MASSA, en trouvant des bourses et des solutions d’accompagnement, mais pour les familles entières, nous n’avons pas de réponses.
Si, à D’ieu ne plaise, nous devions quitter la France dans l’urgence, nous aurions du souci à nous faire pour ces familles.
Lph: Les Juifs de Marseille ne sont pas gênés par un antisémitisme au quotidien?
T.O.: Marseille est connue pour son amitié intercommunautaire. On y retrouve un tempérament méditerranéen qui appelle à vivre en bonne intelligence. Néanmoins, ces dernières années, nous sommes amenés à être plus vigilants et à adopter de nouvelles habitudes. C’est une réalité qu’il faut faire attention lorsque l’on sort dans le métro avec une kipa, les écoles juives sont surveillées, les synagogues aussi. Le SPCJ fait un travail de fond, pédagogique: un petit geste comme celui de fermer la porte de la synagogue en entrant ou en sortant devient un acte responsable. Sans tomber dans la terreur, nous apprenons à être plus vigilants dans nos gestes du quotidien.
Mais cela n’empêche pas les Juifs de Marseille de bien vivre, de ne pas ressentir réellement de gêne au quotidien, d’autant que nos rapports avec les autorités publiques sont bons.
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay