C’est dans son engagement militaire et personnel que Geva Rapp a puisé l’énergie et la volonté de créer l’association Panim el Panim, il y a 13 ans. Ce colonel de réserve a suivi un processus de techouva impressionnant à l’âge de 25 ans, après plusieurs années passées à l’armée. Aujourd’hui, il place sa mission sous le signe de la diffusion de la Torah mais aussi et surtout de l’identité juive et sioniste auprès des jeunes et des moins jeunes dans le pays.
Le P’tit Hebdo: Comment est née Panim el Panim?
Geva Rapp: Cette association a fait ses débuts au moment du désengagement de Gaza. Ariel Sharon avait dit qu’il ferait un referendum. Notre association s’est constituée pour aller dans les maisons expliquer les enjeux de ce désengagement. Nous avons alors constaté que le public sioniste religieux voulait parler, échanger et que beaucoup de gens n’attendaient que d’entendre cette parole. Panim el Panim prend alors la mission non plus de sauver uniquement le Goush Katif mais tout le peuple.
Lph: De quoi le peuple a-t-il besoin d’être sauvé?
G.R.: J’aime à citer une parabole du Rav Kook pour répondre à cette question. Notre peuple a ressuscité avec la création de l’Etat. Il était comme un bébé pour qui il est normal d’avoir à manger, qui ne se pose pas de question. Tout nous paraissait aller de soi: sionisme, agriculture, esprit de combat. Le summum de ce sentiment a été atteint lors de la Guerre des Six Jours. Depuis nous avons basculé dans l’adolescence: nous posons toutes sortes de questions et nous nous rebellons aussi parfois. Où va-t-on? Pourquoi se bat-on? Voici les questions que se pose notre peuple.
A l’image de l’adolescent, on peut avoir l’impression que notre peuple se perd. Mais comme l’adolescent, il finit toujours par avancer. Notre peuple donne parfois le sentiment de se tromper mais en réalité, il est sur le chemin d’une plus grande écoute. La fameuse crise d’adolescence peut se diviser en deux étapes. La première est celle de la rébellion. Le jeune n’écoute rien ni personne. Puis arrive le temps plus calme, où il est prêt à tendre l’oreille. La bonne nouvelle c’est que notre peuple en est aujourd’hui à cette phase.
Lph: Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer cela?
G.R.: J’ai moi-même fait un processus de techouva. Lorsqu’à 25 ans je suis allé sur les bancs du Mahon Meïr, c’était pour assouvir une curiosité développée à l’armée mais j’affirmais haut et fort que ce n’était pas pour faire techouva. Puis j’ai compris, ces études m’ont intéressé, m’ont parlé, m’ont interpellé. C’est ce que je constate aussi chez les personnes auxquelles nous nous adressons à travers Panim el Panim. Je vois cette soif d’apprendre, de se rapprocher de notre identité, de nos racines.
Lph: En quoi consiste l’action de Panim el Panim?
G.R.: Nous mettons en œuvre plusieurs programmes. Nous allons dans les lycées non religieux pour leur expliquer ce qu’est la Torah d’Israël, sur la terre d’Israël. Je me souviens de la première école où nous avons été appelés. Dans cet etablissement laïc, 20% des élèves refusaient de servir dans l’armée et un bon nombre la quittaient seulement quelques mois après leur enrôlement. Le directeur a donc fait venir un officier de l’armée de l’air pour les sensibiliser. Les élèves se sont enchainés au portail de l’école en signe de protestation contre ”l’armée d’occupation”. Alors le directeur a compris que ce qu’il devait donner à ses élèves, c’était un lien avec le judaïsme. Aujourd’hui 94% des élèves de cette école s’enrôlent et comprennent mieux leur place et leur destin. En fonction des classes, nous avons des cours bien définis. En kita zaïn, année de la bar mitsva, nous évoquons ce sujet avec les élèves. En kita youd, les enfants reçoivent leur teoudat zeout, l’occasion de parler avec eux d’identité justement. En youd alef, année du permis de conduire, nous discutons sur la conduite dans toutes ses significations, y compris sur le plan comportemental. En youd beth, nous faisons une préparation à l’armée.
Par ailleurs, nous avons un programme pour les soldats afin de les renforcer dans leurs valeurs, dans leur foi et les raisons qu’ils doivent avoir en tête pour se battre. Nous avons aussi des cours destinés aux étudiants et des ateliers pour adultes, de tous les âges, à domicile. Nous intervenons ainsi beaucoup dans des kibboutzim, renforçant l’identité juive et sioniste, dans tous ces endroits. La jeunesse sioniste religieuse n’est pas épargnée aussi pas ces doutes et ces errements, donc nous nous adressons spécifiquement à elle, pour la renforcer, dans un cadre dédié.
Lph: Etes-vous toujours bien accueillis?
G.R.: Il arrive très rarement que nous soyons confrontés à une opposition. Les âmes sont prêtes mais les connaissances font défaut. Grace aux enseignants de Panim el Panim qui travaillent dur, nous comblons le déficit. Nous faisons aussi ce constat dans les Shabbatot avec l’armée: prières, kidouch, divré Torah sont appréciés de tous. L’atmosphère y est incroyable, l’armée est très demandeuse, mais les budgets nous manquent pour amener ce projet partout.
Les jeunes et les moins jeunes en Israël veulent plus d’identité juive, plus de sionisme. Hachem procède sous nos yeux à un changement de masse. L’une des meilleures preuves est que beaucoup de medias tentent de masquer ce fait, d’aller contre. Ce retour à nos racines, à notre raison d’être, en effraie certains. Cela montre que ce mouvement est fort et prend de plus en plus d’ampleur.
Lph: Certaines décisions au niveau militaire ont pu affaiblir la confiance que le peuple a, en son armée. Par exemple, en ce moment, avec le terrorisme des cerfs-volants, on se demande si notre armée possède toujours une force de dissuasion. Comment le colonel de réserve que vous êtes perçoit l’actualité?
G.R.: Il faut bien comprendre que nous sommes un jeune et petit pays. Nous avons contre nous 1,5 milliard d’Arabes et toute l’Europe. Quant aux Etats-Unis, je ne sais pas, au fond, où ils se trouvent. Partant de là, on comprend que si nous existons et que nous vivons dans de bonnes conditions, c’est bien parce que notre force de dissuasion est forte.
Face aux cerfs-volants, des solutions seront trouvées. Elles ne verront le jour qu’au terme d’un processus de décision, qui peut paraitre long pour ceux qui l’observent de l’extérieur.
Je voudrais citer Rav Moshé David Valid, élève du Ramh’al qui, dans un de ses commentaires de la parasha de cette semaine, Balak, explique la chose suivante. Israël est un lion. On a l’impression que le lion ne fait que dormir et qu’il ne bouge pas. On pourrait même penser qu’il n’est pas dangereux et que même lui ne sait pas qui il est. Mais lorsque le lion est attaqué, il riposte de façon brève et intense. Puis retourne dormir. Ainsi est le peuple d’Israël. Si nous savons qui nous sommes, d’où nous venons, rien ne peut nous atteindre. C’est pour transmettre ce message que Panim el Panim existe et œuvre sans relâche.
Pour plus de renseignements:
Tamar: 0544838816
http://www.panimelpanim.org/be-our-partner/
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay