Ils ont été, malgré eux, les mariés de l’année : Sarah Tehiya et Ariel Bigel ont eu un mariage bien particulier. Le Rav Yaakov et Netanel Litman, le père et le frère de la mariée ont été assassinés par un terroriste palestinien quatre jours avant la date prévue du mariage. En pleine obscurité, le peuple juif a su apporter une grande lumière à une famille durement frappée : plus de 10.000 personnes sont venues réjouir les mariés ce soir-là. LPH s’est entretenu avec Noa Litman.
Le P’tit Hebdo : Que s’est-il passé ce vendredi alors que vous étiez en route pour le shabbat hatan de votre fille ?
Noa Litman : Nous étions toute la famille en voiture, sauf la kala, qui était restée à la maison avec des amies. Peu après le carrefour d’Otniel, à la sortie d’un virage, un terroriste a ouvert le feu. Netanel était au volant, Yaakov à côté de lui. Lorsque les coups de feu ont commencé, nous nous sommes jetés à terre. J’ai tout de suite compris que mon mari avait été tué, sa tête est tombée… Netanel a réussi à rouler encore quelques mètres puis il a heurté un rocher. À ce moment-là, il a appelé les secours. Le terroriste était toujours là et quand Netanel a commencé à ouvrir la porte de la voiture, il lui a tiré dessus… Puis il y a eu un grand silence. Mon autre fils Dvir a appelé l’ambulance. À cet instant un véhicule du Croissant Rouge est passé, nous avons appelé à l’aide, on nous a dit : « Vous n’avez qu’à appeler Maguen David Adom » !
LPH : À quoi pensez-vous dans ces moments ?
N.L. : Je savais que mon mari était mort. Je n’avais qu’une chose en tête, savoir combien de mes enfants étaient encore en vie… Quatre d’entre eux se sont manifestés, le sort de Netanel n’était pas encore clair. Puis j’ai pleuré vers D’ pour qu’Il m’aide maintenant que je me retrouvais seule pour élever mes enfants…
LPH : Puis il y a eu, seulement quelques jours après la fin de la shiva, le mariage de Sarah Tehiya.
N.L. : C’était très dur. Se lever de shiva et d’un coup se tenir sous la houpa avec ma fille. Comment faire quand on vit un tel drame ? Les gens m’ont dit que j’étais forte, mais en réalité, j’agissais comme un robot. À l’intérieur, je suis détruite.
LPH : 10.000 personnes ont répondu à l’invitation des mariés ! Comment avez-vous vécu la manifestation de soutien de tout le peuple d’Israël ?
N.L. : Pour être honnête, on ne m’a pas consultée sur cette invitation et je n’ai appris que la veille que tout le peuple d’Israël avait été convié. J’étais, bien entendu, contente de ce soutien. Mais, à vrai dire, ce n’est pas ainsi que j’avais imaginé le mariage de ma fille. Cela devait être une fête familiale, anonyme. Cela étant, évidemment, une telle présence nous renforce.
LPH : Vous attendiez-vous à ce que tant de personnes se déplacent ?
N.L. : Non, personne ne pouvait s’attendre à une telle foule ! Des Juifs sont même venus de l’étranger, spécialement pour le mariage. C’était très touchant. C’est cela le peuple d’Israël !
LPH : Comment vont les jeunes mariés ?
N.L. : Je ne les ai pas beaucoup vus depuis le mariage. Ils ont été très sollicités, tout le monde voulait leur faire des cheva brahot, ils étaient pris midi et soir ! Je pense que doucement, ils entament une vie que j’espère la plus normale possible. Mais, c’est difficile de créer une routine de jeunes mariés dans ce contexte douloureux…
LPH : Et vous ? Avez-vous repris vos activités ?
N.L. : Tout est très dur. J’ai encore du mal à réaliser, à comprendre… Je suis retournée à mes activités, c’est-à-dire l’enseignement. Mes enfants ont repris l’école. C’est important de reprendre sa vie, même si rien ne sera plus jamais comme avant. Je devais reprendre mes activités, c’est trop difficile pour moi de rester à la maison seule entre mes quatre murs.
LPH : La solidarité que l’on a vu pendant le mariage, la ressentez-vous encore aujourd’hui ?
N.L. : Nous habitons Kiryat Arba. Les habitants de Kiryat Arba sont extraordinaires ! Ils ne nous laissent pas une minute. Tout en respectant notre besoin d’intimité, ils sont là pour tout, et ils seront toujours là pour nous, je le sais. Que ce soit pour les repas, pour nous véhiculer d’un endroit à un autre ou même pour dormir chez nous, parce que la nuit je n’arrive pas à rester seule pour l’instant.
LPH : Quelle est aujourd’hui la lumière qui éclaire l’obscurité dans laquelle vous vous trouvez ?
N.L. : Je dois continuer, éduquer mes enfants, enseigner, poursuivre ce que nous avions commencé avec Yaakov. Ce sera difficile d’allumer la Hanoukia cette année. J’espère que D’ nous donnera une grande lumière pour poursuivre, pour nous et pour tout le peuple d’Israël. Je prie pour que nous assistions à la reconstruction du Beth Hamikdach et à la résurrection des morts avec la venue du Machia’h.
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay
Credit photos: Hadas Parush/Flash 90