« La cloche a sonné » : c’est la métaphore qu’aime employer le père Desbois lorsqu’il voit la Providence se manifester. Cette cloche, le prêtre catholique l’a entendue plusieurs fois au cours de sa vie. Outre l’appel de la foi qui, dit-il, lui est « tombé dessus comme un orage », le destin est venu le bousculer au moins deux fois de manière décisive.
La première, lorsqu’il a décidé il y a une trentaine d’années de marcher sur les traces de son grand-père, déporté politique durant la Seconde Guerre mondiale au camp de Rawa-Ruska, en Ukraine. Une démarche qui l’a amené de manière inattendue à rencontrer les témoins des exactions nazies à l’est de l’Europe, révélant un aspect entièrement méconnu de l’extermination des Juifs : la Shoah par balles. À ce jour, le Père Desbois et son équipe ont localisé 3000 sites d’exécutions et dénombré deux millions de victimes. Leurs recherchent se poursuivent.
La seconde manifestation de cette Providence s’est produite en Belgique en 2015. Fort de sa longue expérience d’investigations autour du génocide des Juifs, Patrick Desbois, issu d’une famille de résistants, souhaitait se rendre en Irak pour enquêter sur le génocide des Yézidis par Daesh. Alors qu’il cherchait des contacts sur place, il s’est retrouvé par hasard chez un barbier en Belgique, où il devait donner une conférence. En discutant, ce dernier lui a dit être un Yézidi originaire d’Irak, et que son père travaillait comme traducteur dans les camps de
déplacés… C’est ainsi que le prêtre s’est retrouvé dans ce pays avec son association, Yahad-In Unum, à interroger les victimes des effroyables crimes de l’État islamique, affinant les méthodes d’entretien qu’il avait développées en Ukraine et les adaptant à la culture locale.
C’est ce parcours qu’a raconté Patrick Desbois, invité le 12 janvier à s’exprimer au Campus Francophone du Collège Académique de Netanya. L’homme d’Église, qui a été attaché du Vatican pour les relations avec les Juifs, connaît Israël depuis des décennies et s’y est encore rendu plusieurs fois depuis les attaques du 7 octobre. Pour lui, aucun doute : Daesh et le Hamas se confondent, tant dans leur idéologie que dans leurs crimes. Le message qu’il s’efforce de faire entendre dans le pays est celui-ci : il y a urgence à désigner nommément les assassins, faute de quoi les massacres commis ce chabbat noir seront oubliés, ou pire, niés encore plus fortement qu’ils ne le sont déjà.
« Nous avons des victimes mais pas de coupables. Dire que c’est le Hamas n’est pas suffisant. Chaque assassin – membre du Hamas ou civil gazaoui – doit pouvoir être poursuivi en justice par l’État et les familles, et ce, sans tarder. Je suis convaincu que plusieurs ont déjà fui dans d’autres pays via les tunnels à Gaza, pendant que d’autres ont tranquillement repris leurs occupations », a déclaré le père Desbois lors de sa conférence à Netanya. Le prêtre prévoit lors d’un prochain voyage d’interroger des Bédouins et des Druzes victimes du 7 octobre, dont il sait que leur culture les rend plus enclins à la désignation individuelle
des coupables. Comme partout où il est passé, Patrick Desbois espère, une fois encore, contribuer à l’établissement de la vérité.
Article de Johanna Afriat pour Actualité juive (numéro 1767)